Quand, en 1950, Jean Vilar me demanda d’interpréter Rodrigue à Avignon, j’ai éclaté de rire, parce que j’avais été habitué, au Conservatoire, à faire une distinction dangereuse entre le métier de comédien et celui de tragédien. Les exemples que j’avais eus sous les yeux tendaient à me faire penser qu’il y avait deux façons de jouer, qu’il existait une « manière » tragique, où les gestes manquaient de naturel, et où les acteurs se complaisaient dans un rythme bien déterminé. Il y avait aussi des façons d’entrer et de sortir…
Une conversation avec Vilar, ses propos sur le théâtre, son avis sur les pièces que je brûlais de jouer, me laissèrent conquis. Une des grandes qualités de Vilar est sa patience. Moi, je jouais les impatients. Mais lorsqu’il m’eut fait lire Le Prince de Hombourg, je n’hésitai plus à le suivre, non sans être allé revoir, sur ses conseils, le professeur au Conservatoire qui est mon maître et qui m’a beaucoup aidé : Georges Le Roy. Commença alors le travail que je ne peux précisément raconter et qui est fait de dépressions, de joies, d’abattements et d’enthousiasmes. Le travail, cela ne se raconte pas. Et j’ai joué Le Cid à Avignon…

« La question de savoir quel rôle on aimerait jouer est une question qui permet aux acteurs d’accumuler un nombre considérable de réponses, donc de rôles, car nous avons toujours envie de jouer presque tous les rôles du répertoire, enfin les rôles d’une grande portée.
[…]
Je crois cependant qu’il me sera important à l’avenir — quoi qu’il en soit — de continuer aux côtés de Vilar cette politique du théâtre qui dépasse la politique du rôle… Et puis, on n’interprète pas un rôle, mais une pièce. »

