« Je m’oublie à être Français…»
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« Je m’oublie à être Français…»

Entretien avec Marcial Di Fonzo Bo

Le 20 Juil 2006
Dessin de Copi.
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« Si notre vie se déroulait à l’intérieur d’un cube comme sur un plateau, on fini­rait par croire que le temps de notre vie et le vol­ume de la scène ne font qu’un. Nos désirs seraient des boules d’or accrochés sur notre arbre de Noël et nos sou­venirs des bibelots. Cha­cun de nos actes serait une bribe de notre cube. Les astro­nautes filent vers les étoiles dans des boîtes de con­serve rem­plies de temps cubique. »

Copi

L’EXIL est une péri­ode de la vie où l’homme s’ou­vre à la lib­erté, c’est ce que dit Copi du statut d’exilé. Cette phrase m’a beau­coup plu. Je pense que les exilés ont quelque chose d’asocial, d’atypique, un statut par­ti­c­uli­er qui peut aus­si être agréable. Je suis dedans et je ne le suis pas. Je ne par­le pas de ça comme d’un hand­i­cap mais, étrange­ment, aujourd’hui, en Argen­tine, il m’ar­rive la même chose. Quand j’y reviens après dix-huit ans en Europe, je sens des décalages et je sens que je suis quelqu’un qui a décidé de ne plus être de là-bas. J’ai aus­si un statut d’exilé en Argen­tine. C’est quand je vais jouer au Chili ou au Brésil que l’é­ti­quette « Argentin » me retombe dessus.

En France, mal­gré Le temps passé, je con­tin­ue d’être, aux yeux des autres, un étranger. C’est quelque chose qui vous colle à la peau. Vous venez d’ailleurs. C’est beau­coup plus impor­tant pour les autres que pour moi. Moi je m’ou­blie à être Français, alors qu’on me rap­pelle tout le temps que je ne le suis pas.

Je n’ai pas de passe­port français. J’ai tou­jours mon passe­port argentin. J’ai hor­reur des papiers, des ren­dez-vous à la Pré­fec­ture de police. J’es­saie de m’y ren­dre le moins pos­si­ble. À Paris, c’est-à-dire sur l’île de la Cité, au cœur de la ville, on passe la porte et l’an­goisse vous prend. Une réac­tion physique ! Une oppres­sion ! Encore que moi, je n’ai jamais eu de grandes dif­fi­cultés, parce que je viens d’un pays qui n’est pas encore sur la liste noire, mais quand vous faites vos papiers de séjour, vous vivez des moments assez ter­ri­fi­ants. Je pense que la plu­part des gens ne le savent pas.

Main­tenant, on peut dire que j’ai une dou­ble cul­ture puisque j’ai passé la moitié de ma vie ici. Ce ne sont pas deux cul­tures à part égale, elles te tra­vail­lent, elles agis­sent en toi très dif­férem­ment. Il y a celle de l’en­fance, qui s’imprègne, mal­gré soi, d’une cer­taine façon, et qui mar­que et déter­mine la per­son­nal­ité. Pour moi, la ques­tion du pays d’origine est liée à ça : là où j’ai été enfant, ça a à voir avec mes par­ents, pas avec la patrie et le patri­o­tisme. Ensuite vien­nent les choix d’adulte, ce que j’ai choisi d’ap­pren­dre. Dans un méti­er lié à la créa­tion, on tra­vaille con­stam­ment avec les deux, d’un côté le choix adulte de faire ceci ou cela, de mon­ter telle ou telle pièce, et de l’autre côté l’én­ergie enfan­tine qui t’habite et avec laque­lle tu fais les choses. Pour moi, ces deux aspects sont d’au­tant plus dis­tincts que je n’ai pas passé toute ma vie dans la même cul­ture.

Quand je tra­vaille avec Matthias Lang­hoff, je suis attiré par ça aus­si, son tiraille­ment entre trois cul­tures, alle­mande, suisse et française, ou Rodri­go Gar­cia, ou Leslie Kaplan qui est très mar­quée par la cul­ture nord-améri­caine. Je n’ai jamais cher­ché ça, ce n’est pas volon­taire. Je me rap­proche sans doute de ces gens parce que je sens une approche du monde dif­férente, avec un humour, un recul qui joue de la dif­férence entre une cul­ture et une autre. Ça n’a rien d’un exo­tisme, c’est un décloi­son­nement de l’e­sprit.

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Écrit par Judith Martin
Judith Mar­tin œuvre à la dif­fu­sion de la créa­tion et de la mémoire du théâtre, notam­ment à l’Académie...Plus d'info
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