TOUTE QUÊTE D’AILLEURS est polémique. Issue d’un besoin de rupture et d’un scepticisme à l’égard du lieu d’origine. « La vie est ailleurs », adage célèbre ! Des aventuriers et des artistes l’ont fait leur au nom d’un même appétit d’éloignement critique dans l’espoir de renouveau par la rencontre avec l’Autre, dans ses acceptions les plus diverses. C’est pour se refaire que l’on part et l’on cherche ailleurs ! Décision de vie ! Décision déterminée par soi-même et nullement par des instances étrangères, politiques ou économiques, décision durable qui interdit de l’assimiler aux escapades rapides des touristes en manque de distractions locales. L’ailleurs est un appel auquel ne répondent que les insatisfaits rebelles. Ils avouent ainsi leur inconfort aussi bien que leur attente reportée sur des cultures et des humains qui ne leur ressemblent pas. Ils cherchent et souvent ils trouvent « la différence » à même de les nourrir. L’expérience de l’ailleurs s’érige ainsi en seconde origine. Sur ce socle, ils bâtissent leur pensée nouvelle ou l’œuvre propre qui autrement ne se seraient pas accomplies.
L’ailleurs est une source de renouveau, mais il peut se convertir en piège dès que l’on souhaite s’y perdre, se confondre avec l’autre, s’assimiler à lui. Solution pour l’être ou l’artiste qui désormais suspend tout rêve de retour, convaincu d’avoir pu trouver réponse à l’absence qui le tourmentait et qui, initialement, l’a conduit à partir. Un artiste apaisé est un artiste aliéné. Son art s’en ressentira toujours. La recherche de l’ailleurs n’est productive qu’en restant dynamique, rétive à l’immobilité et réfractaire à l’oubli de soi. Les dangers qu’encourent les révoltés n’ont d’équivalent que les satisfactions qu’ils obtiennent. De cette ambivalence, personne n’a le droit d’ignorer la menace.
L’ailleurs n’intéresse que lorsqu’il y a retour, que lorsqu’il entraîne au départ pour mieux revenir. Et quoi de plus parlant que la vieille parabole du fils prodigue ? Ce n’est pas en vaincu qu’il s’agenouille devant le père, mais en aventurier heureux d’embrasser ce dont il a eu jadis la force de se séparer, et maintenant de retrouver. Le retour vaut le départ. Ils sont également indispensables. Seul ce mouvement évite tout accord définitif, aussi bien avec sa culture d’origine qu’avec l’autre, choisie. Ainsi, le choix de l’ailleurs ne se constitue pas en choix définitif et ne phagocyte pas l’énergie indispensable au chemin en sens inverse. vers le point initial ! C’est en le retrouvant après avoir procédé au détour par l’autre qu’une identité s’accomplit, et qu’une œuvre se réalise. C’est le chemin des grands artistes chez qui critique par « l’ailleurs » et réintégration des « origines » se répondent grâce à l’interface d’un geste « double ». Vouloir partir et pouvoir revenir — défi du fils prodigue !



