Les pouvoirs du théâtre
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Les pouvoirs du théâtre

Le 17 Nov 2007
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 94-95 - Lars Norén
94 – 95
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Entre­tien avec Lars Norén réal­isé par Bernard Debroux

Bernard Debroux : Que pensez-vous du pou­voir du théâtre face aux médias tels que l’Internet, la presse écrite ou la télévi­sion ? Le théâtre est-t-il devenu un art mineur ?

Lars Norén : Je ne pense pas. Le théâtre a survécu pen­dant près de deux mille ans et il est encore aujourd’hui très vivant. C’est tou­jours un lieu où vous pou­vez voir des per­son­nes vivantes racon­ter des his­toires impor­tantes à d’autres per­son­nes. Si vous regardez la télévi­sion, si vous allez voir un film au ciné­ma, vous pou­vez vous pro­téger. Vous pou­vez vous cacher, faire autre chose. Quand vous êtes assis dans un théâtre et que vous regardez ce qui se passe sur la scène, vous n’avez pas de défense. Il n’y a pas d’échappatoire. À l’école, de nom­breuses leçons sont don­nées sur le drame du nazisme et du néon­azisme. Les jeunes vous diront qu’ils le savent et qu’ils en ont assez d’en enten­dre par­ler. Sou­vent, ils ne seront pas atten­tifs. S’ils vien­nent au théâtre et regar­dent ma pièce, ils ne peu­vent plus se pro­téger. Ils doivent affron­ter la réal­ité. Ils sont sans défense. C’est le pou­voir du théâtre. Vous êtes seul au milieu du pub­lic. Même si vous êtes venu avec votre femme ou votre mari. Vous êtes seul avec l’histoire et les acteurs. C’est devenu très rare de nos jours.

Bernard Debroux : Croyez-vous dans le pou­voir de la cathar­sis qui aide les spec­ta­teurs à sup­port­er le choc du théâtre ?

Lars Norén : Il existe dif­férentes cathar­sis. Mon idée n’est pas de séduire le pub­lic avec de la musique, une belle lumière, un décor fan­tas­tique. Je veux que le pub­lic soit séduit par son esprit cri­tique, que la pièce ait un effet sur lui. Vous pou­vez avoir une émo­tion et l’instant d’après c’est fini, vous pou­vez de nou­veau être le même.Mais si le cerveau, l’esprit cri­tique est touché, alors l’émotion per­siste et vous pou­vez être influ­encé. Notre théâtre a beau­coup évolué dans ce sens en Suède. Le sys­tème poli­tique a été influ­encé.

Bernard Debroux : Vous avez des exem­ples ?

Lars Norén : Oui. Lors des représen­ta­tions de CATÉGORIE 3.1., la min­istre des Affaires sociales qui était dans le pub­lic a pleuré. Ensuite, elle a alloué un nou­veau bud­get pour les sans-abri. Quand nous avons joué KYLA (Froid) et d’autres pièces qui traitaient du phénomène des per­son­nes qui migrent en Suède pour y tra­vailler mais qui n’ont pas de papiers, le dirigeant du syn­di­cat le plus impor­tant du pays a décidé d’organiser ces tra­vailleurs. Voilà deux exem­ples d’influence du théâtre sur des déci­sions poli­tiques.

Bernard Debroux : Qu’apporte le Lars Norén dra­maturge au Lars Norén met­teur en scène, et vice-ver­sa ?

Lars Norén : On m’a tou­jours demandé de met­tre en scène. Ce n’était pas mon objec­tif, loin s’en faut. Je ne l’ai jamais voulu… Cela a com­mencé avec LA DANSE DE MORT de Strind­berg en 1993. Depuis, j’ai tou­jours été invité à met­tre en scène. Mais c’est un prob­lème pour moi d’aller de la con­di­tion de met­teur en scène à celle de dra­maturge ou d’écrivain. Met­tre en scène affecte mon écri­t­ure. Je suis aujourd’hui plus con­cen­tré sur l’écri­t­ure et aus­si plus lent. J’ai mis un an à écrire ma dernière pièce. Aupar­a­vant, je pou­vais met­tre en scène et écrire le même jour. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Bernard Debroux : Met­tre en scène reste-t-il une activ­ité impor­tante à vos yeux ?

Lars Norén : Non, je rêve du jour où je pour­rais juste être un auteur. Peut-être en 2009 ? Dans un sens, c’est amu­sant parce que j’aime met­tre en scène, j’aime les acteurs, j’aime ce tra­vail mais ce que je veux vrai­ment faire c’est m’asseoir et écrire.

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Bernard Debroux
Écrit par Bernard Debroux
Fon­da­teur et mem­bre du comité de rédac­tion d’Al­ter­na­tives théâ­trales (directeur de pub­li­ca­tion de 1979 à 2015).Plus d'info
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