BERNARD DEBROUX : Les répétitions D’AMARRADOS AL VIENTE se déroulent depuis près de deux mois. Comment vivez-vous cette expérience ?
Édith Van Malder : Nous venons de faire les premiers filages. C’est une expérience très singulière parce que nous travaillons avec des identités culturelles très différentes, pas seulement nationales, car la surprise c’est que même entre Belges nous venons d’horizons différents, c’est sans doute ce qui fait l’intérêt du projet. La deuxième étape, les répétitions au Chili, va certainement encore modifier le spectacle.
B. D.: Comment vis-tu cette expérience de travailler avec des acteurs d’un autre pays, d’une autre culture, d’une autre langue ?
É. V. M.: Je ne connaissais pas du tout l’espagnol au départ ! Ça me plait beaucoup car on trouve des impulsions différentes en utilisant une autre langue. Les mots induisent une autre réalité. Jouer avec des acteurs chiliens ne pose vraiment pas de problème. Paradoxalement c’est plus difficile de jouer avec des acteurs belges qui ont une autre expérience de théâtre. Les différences ne sont pas là où on les croyait au départ …
Aldo Parodi : Nous avons pu naviguer dans différentes variations. Ce projet rassemble deux auteurs, deux langues, deux types d’acteurs, deux continents, deux climats, deux façons de manger, deux manières d’être. L’œuvre que nous travaillons est traversée par ces variations. Beaucoup d’idées ont circulé, ça rend les choses ouvertes, plus vastes. Ce n’était pas toujours simple car c’est plus facile de travailler en ayant quelqu’un en face de soi qui montre une ligne claire, une méthodologie précise. Ce point de départ qui mêle dans l’écriture deux cultures, j’ai été obligé de le synthétiser. C’est important pour l’acteur d’avoir cette vision claire et je crois que ça commence à porter ses fruits maintenant. Le travail physique, corporel a beaucoup aidé à nous définir. ..
Eduardo Jimenez : Je partage l’avis d’Aldo sur la complexité du projet et surtout par rapport aux deux auteurs qui ne partagent pas la même langue, d’autant que Juan ne parle pas français. Cette complexité se reflète dans la mise en scène et le travail d’acteurs. Cette complexité nous aidera dans le futur car nous avons fait des erreurs dues à notre inexpérience de cette démarche particulière. Nous avons réussi à apprendre des choses nouvelles sur « comment travailler ». Sur le plan technique par exemple, en Belgique les choses sont plus diffuses, même parfois vagues. Même avec les constructeurs qui envisagent plus « ce qui pourrait être » plutôt que « ce qui est là ».
B. D.: La scénographie s’est elle élaborée au cours des répétitions ou y avait-il déjà un cadre défini au départ ?
E. J.: J’ai eu la sensation qu’ici en Belgique on continue à parler avec des principes et des suppositions et pas avec la clarté d’un contrat à exécuter. Oui, il y avait un projet défini au départ. Nous nous sommes réunis avec les techniciens et nous avons tenté de définir le sens de
l’ œuvre … Et à partir de là j’ai réalisé un premier dessin et l’exécution s’est mise en route. C’est à partir de là que les contradictions sont apparues. On est resté dans le « ce serait possible de … » sans jamais passer à « qu’est-ce qu’il y a moyen de faire ? »