Dix dramaturges chiliens : de la génération des années cinquante à la très récente écriture pour la scène

Dix dramaturges chiliens : de la génération des années cinquante à la très récente écriture pour la scène

Le 27 Déc 2007
Juan Radrigàn. Photo Eduardo Jiménez.
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Juan Radrigàn. Photo Eduardo Jiménez.
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Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 96-97 - Théâtre au Chili
96 – 97
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DANS LA DEUXIÈME MOITIÉ DU XXe siè­cle, la dra­maturgie chili­enne mul­ti­plie les points de vue et anticipe l’échec social auquel con­duira la dic­tature mil­i­taire. À leur tour, les auteurs post Pinochet repren­nent le tra­vail en se méfi­ant des réc­its offi­ciels et en priv­ilé­giant les out­ils théâ­traux.

Appelée à revi­talis­er l’écri­t­ure théâ­trale dans le Chili post Pinochet, la Mues­tra de Dra­matur­gia Nacional sur­git au milieu des années 90 comme une vit­rine pour dra­maturges con­sacrés et émergeants.

Sous des pseu­do­nymes par­ti­c­uliers, ils pren­nent part de manière ent­hou­si­aste au con­cours organ­isé par le gou­verne­ment, pro­posent des textes et sem­blent sor­tir de l’os­tracisme auquel les avait con­damnés une vague de théâtre visuel.

En peu de temps, ils devi­en­nent le cen­tre d’in­térêt, récupèrent un cer­tain statut hérité des années 50 — lorsque les com­pag­nies uni­ver­si­taires ren­for­cèrent la créa­tion avec des con­cours sim­i­laires — et assis­tent à la mise en scène de leurs pièces présen­tées dans un fes­ti­val esti­val fort applau­di.

Ils doivent, cepen­dant, pay­er un trib­ut en accord avec les temps qui courent, puisque — dans la pra­tique — la mues­tra est conçue comme un trem­plin pour attir­er d’éventuels pro­duc­teurs et entre­pre­neurs dis­posés à inve­stir dans le théâtre.

C’est pour cela que les pièces sélec­tion­nées sont pro­posées en résumé par des met­teurs en scène recon­nus afin de ne pas dépass­er cinquante min­utes, de telle sorte que si, à par­tir du syn­op­sis ou de la semi-mise en scène, quelqu’un veut con­naître la total­ité de la pièce, il doit recourir à l’o­rig­i­nal ou crois­er les doigts pour que l’as­so­cié cap­i­tal­iste s’aven­ture à mon­ter la pièce.

Tout comme le Godot de Beck­ett, l’in­vestis­seur du secteur privé n’est jamais arrivé et ce sont les théâtres uni­ver­si­taires qui ont dû assumer la tâche de mon­ter quelques titres avec des parte­nar­i­ats promet­teurs qui, ce nonob­stant, ont suc­com­bé face aux exi­gences de l’aut­o­fi­nance­ment.

Mal­gré cela, la mues­tra a été, jusqu’à l’an­née 2000, une tra­di­tion esti­vale grâce à laque­lle se sont con­fron­tés points de vue théâ­traux et formes de mis­es en scène avec une forte fréquen­ta­tion du pub­lic, une par­tic­i­pa­tion sig­ni­fica­tive d’au­teurs (en moyenne 180 textes par an) et une appré­ci­a­tion tacite du tal­ent de cer­tains acteurs.

Avec le temps, les attentes de l’événe­ment se sont amoin­dries et les objec­tifs ont changé : il ne s’ag­it plus d’at­tir­er l’at­ten­tion d’un pro­duc­teur mais de pro­mou­voir une écri­t­ure scénique à laque­lle l’é­tat n’ac­corde aucun moyen.

Les louables objec­tifs ont per­du de leur éclat à la suite des réformes suc­ces­sives du con­cours (on essaya de class­er les auteurs par généra­tion), des change­ments de cal­en­dri­er (pro­gram­ma­tion au print­emps dans des salles fer­mées, avec des appels d’of­fres quant à la pro­duc­tion) et des mod­i­fi­ca­tions admin­is­tra­tives ( révi­sion des sub­ven­tions des­tinées à l’événe­ment et retards fréquents de paiements).

Les présen­ta­tions de ces dernières années ont don­né lieu à de fortes cri­tiques. On accuse la mues­tra de ne pas retenir d’écri­t­ures soutenues, de devenir une vit­rine d’é­cole de théâtre et de sélec­tion­ner des créa­tions de qual­ité dis­cutable con­tre cer­tains textes qui ont été favor­able­ment salués hors du cadre du con­cours.

La ver­sion 2006 — qui présente env­i­ron cent trente pièces dont trois en mise en scène inté­grale et six en lec­ture mise en espace — donne à l’ou­ver­ture la lec­ture d’une espèce de man­i­feste de Jorge Dfaz, fig­ure emblé­ma­tique de la scène locale et pro­mo­teur ent­hou­si­aste des pre­mières ver­sions du con­cours. C’est un moment his­torique car, quelques mois après la rédac­tion et la lec­ture de ce dis­cours, il meurt des suites d’une mal­adie diag­nos­tiquée depuis longtemps.

L’au­di­toire majori­taire­ment jeune est témoin du scep­ti­cisme car­ac­téris­tique de l’au­teur. « Con­vive de pierre », ain­si qual­i­fie-t-il celui qui abor­de l’écri­t­ure théâ­trale. « Il se sent comme un intrus dans le ban­quet panique. N’osant pas entr­er, il regarde par le petit trou de la ser­rure la grande fête du théâtre. Il a une fesse sur sa table d’écri­t­ure et l’autre sur scène ».

Le plaidoy­er a une réso­nance par­ti­c­ulière lorsqu’on se penche sur les aléas que lui et ses pairs ont dû affron­ter au Chili : la pub­li­ca­tion de textes dra­ma­tiques est occa­sion­nelle (dernière­ment on assiste à un dével­op- pement édi­to­r­i­al grâce aux labels comme Lom, Ril et Cier­topez qui ser­vent de base de con­sul­ta­tion); les met­teurs en scène, en général, ont le dernier mot sur les pièces ; et le spec­ta­teur moyen n’est pas tou­jours prêt à se recon­naître dans l’imag­i­naire que pro­posent ces auteurs.

Ces jours-ci (mai 2007) on attend que le tout récent Con­se­jo Nacional de la Cul­tura y las Artes prenne le tau­reau par les cornes, pour repren­dre le titre d’une des pièces de Juan Radrigàn, un des auteurs qui se remit à écrire pour la scène à l’oc­ca­sion du con­cours mais qui en chemin finit par pren­dre part aux dis­cus­sions sur le style avec les nou­velles généra­tions.

Entre temps, les ges­tion­naires du con­cours font les comptes et con­sta­tent qu’en une décen­nie, la mues­tra a accueil­li des noms illus­tres de l’his­toire du théâtre chilien (Egon Wolff, Jorge Dfaz, Juan Radrigân et Mar­co Anto­nio de la Par­ra), a con­tribué au ren­force­ment d’une écri­t­ure de la tran­si­tion (Ben­jamin Galemiri) et a été le berceau de nou­velles voix émer­gentes, réu­nies sous le nom de Nou­velle Dra­maturgie (comme Juan Clau­dio Bur­gos).

Pour le reste, les fonds de l’É­tat con­sacrés aux con­cours (spé­ciale­ment ceux du Fon­dartet le Fon­do­del Con­se­jo del Libro) ont dynamisé la scène en attribuant des sub­ven­tions à l’écri­t­ure et la mise en scène de textes ultra-con­tem­po­rains comme ceux de Manuela Infante.

Il y a eu aus­si ceux qui ont fait seuls leur chemin, comme Guiller­mo Calderon, dont l’indépen­dance rap­pelle celle d’Oscar Stu­ar­do dans les années 1970 mais avec une recon­nais­sance immé­di­ate plus impor­tante. Le com­plé­ment de for­ma­tion qu’il a reçu à l’é­tranger le situe dans la lignée de Luis Alber­to Heire­mans.

Dans les œuvres de ces auteurs s’en­tremê­lent l’his­toire locale, la réno­va­tion et l’ex­péri­men­ta­tion de lan­gages qu’a con­nues la dis­ci­pline au niveau mon­di­al.

Enfants de leur temps, ils por­tent la procla­ma­tion de Dìaz comme une leçon d’e­spoir : « Cher dra­maturge, pathé­tique scribe de dia­logues, tu as l’air en per­pétuelle errance, inutile et indis­pens­able, mais sans toi il nous man­querait à tous une expres­sion humaine, une vision du monde, une poé­tique, une image de l’homme qui, mal­gré ses erreurs, sera un jour prophé­tique ».

Luis Alber­to Heire­mans, l’ex­is­ten­tial­iste de l’e­spoir

Reflet de la trans­for­ma­tion qu’ac­cuse le roman chilien face au réal­isme antérieur, la dénom­mée Généra­tiondes années 50 regroupe des auteurs qui appor­tent une force lit­téraire et une pro­fondeur de con­tenus à la dra­maturgie locale, prise au piège, en grande par­tie jusqu’aux années 40, du détail « criol­lis­tas » (créoles) ou cos­tum­brista (pein­ture de mœurs).

Bien que les thé­ma­tiques de leurs pièces aient pris des chemins dif­férents, ce groupe d’au­teurs a mod­elé des per­son­nages et des struc­tures qui ont résisté à plusieurs révi­sions et qui, à leur époque, ont acquis une légiti­ma­tion grâce aux com­pag­nies uni­ver­si­taires.

C’est ce qui est arrivé aux pièces de Luis Alber­to Heire­mans (1928 – 1964), médecin et fils d’une famille aisée. Il est passé de l’écri­t­ure de con­tes à l’écri­t­ure théâ­trale et, pour ren­forcer son style, il a pris des cours d’art dra­ma­tique à la Lon­donTeatralA­cad­e­my­of­Dra­mat­ic Arts et à l’Ac­tor’sStttdiode New York.

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Écrit par Javier Ibacache
Javier Iba­cache est cri­tique de théâtre et de danse au quo­ti­di­en La Segun­da, San­ti­a­go du Chili, et à...Plus d'info
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