EN 1996, un groupe de neuf amis décide de descendre dans la rue et d’y faire du théâtre et choisit pour démarrer le Parc Forestal de Santiago de Chile.
La première création du groupe sera A SANGRE E PATO, dont la durée s’étendra de dix minutes au début, à presqu’une heure à la fin. Elle présente différents tableaux, différentes situations où les plumes volent et le sang coule, et dont Martín Erazo, le directeur de la compagnie, dira plus tard « c’était un théâtre punk, avec de la force et des tripes. »
Le nom de la compagnie, La Patogallina, a été donné durant un voyage en Argentine, lors de la présentation de cette pièce à la Convention de cirque et de spectacles de rue latino-américaine. Cet oiseau de proie mutant, en plus d’être leur emblème, est un reflet de l’identité du groupe qui se définit comme un groupe hybride, à multi facettes, qui remplit différentes fonctions comme un ragout formé d’ingrédients distincts.
Tout comme les migrations qui se succèdent, les membres du groupe ont changé au fil du temps. Certains sont partis, d’autres sont arrivés. Aujourd’hui, le collectif a augmenté, il oscille entre quinze et dix-sept personnes.
Bien qu’il y ait des comédiens et des musiciens, aucun d’entre eux n’écarte la possibilité d’échanger les fonctions, de jouer d’un instrument ou de jouer la comédie. La Saunmachîn, c’est-à-dire l’orchestre, réalise de temps à autre des spectacles autonomes, en dehors des œuvres de La Patogallina, dans des fêtes auxquelles l’orchestre est invité ou qu’il organise lui-même. Tous ensemble, musiciens, acteurs et artistes, ils s’adaptent à ce collectif, au sein duquel il n’existe pas de différences de statuts ni de compétences mais un travail uni, constant et sans concessions.
Pour comprendre La Patogallina, il est essentiel de prendre en compte l’espace public, la rue, comme épicentre. Car, bien que le scénario ne soit pas uniquement lié à la rue, comme ce fut le cas dans des œuvres précédentes qui utilisent des salles de théâtres conventionnelles, son essence et sa force se lient directement avec elle.
Transformer un passant en spectateur est une tâche difficile qui nécessite une bonne dose d’énergie et de talent. La manière utilisée doit s’adapter à la demande : un langage direct, élaboré, avec la précision gestuelle que possèdent les acteurs ainsi qu’une habilité parfaite. Ils utilisent des techniques extraites de la pantomime et de la Commedia dell’Arte, comme les marionnettes et les poupées, ce qui, couplé à l’utilisation d’images concrètes, permet une compréhension directe.
La simplicité de la scénographie permet aux spectacles d’être montés dans n’importe quel lieu. Enfin, l’utilisation de matériel recyclé pour la création de vêtements ou d’objets fait partie de la poésie de l’ensemble.
Ainsi, l’ingéniosité qu’ils utilisent pour affronter l’absence d’effets spéciaux est remarquable. Par exemple, s’il est nécessaire qu’une cape apparaisse en mouvement, un des acteurs tirera sur des fils transparents qui se trouveront aux extrémités de celle-ci pour qu’elle bouge. C’est l’héritage de la magie exploitée par les artistes de rue.
La Saunmachín fait partie intégrante de la mise en scène. C’est la respiration sonore de l’œuvre. Une coordination très précise existe entre le mouvement des interprètes et la musique. Grâce à cette conjonction, le voyage est unique. Tout cela dans un esprit rock qui émane de la batterie, de la guitare et des autres instruments des musiciens déchaînés qui arrivent à tenir en haleine le plus sourd des spectateurs, en maintenant la tension scénique.