Matucana 100, un centre de création pluridisciplinaire
Entretien

Matucana 100, un centre de création pluridisciplinaire

Entretien avec Ernesto Otton

Le 24 Déc 2007
PURGATORIO par le Teatro del Silencio, mise en scène Mauricio Celedòn.
PURGATORIO par le Teatro del Silencio, mise en scène Mauricio Celedòn.

A

rticle réservé aux abonné·es
PURGATORIO par le Teatro del Silencio, mise en scène Mauricio Celedòn.
PURGATORIO par le Teatro del Silencio, mise en scène Mauricio Celedòn.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 96-97 - Théâtre au Chili
96 – 97
Article fraîchement numérisée
Cet article rejoint tout juste nos archives. Notre équipe le relit actuellement pour vous offrir la même qualité que nos éditions papier. Pour soutenir ce travail minutieux, offrez-nous un café ☕

BERNARD DEBROUX : Pour com­mencer, peux-tu expli­quer ton tra­jet per­son­nel dans le paysage cul­turel chilien ?

Ernesto Ottone : Je suis fils d’ex­ilés poli­tiques, et j’ai donc vécu pen­dant dix-huit ans en Europe, dans dif­férents pays, dif­férentes cul­tures. Je suis revenu au Chili avec mes par­ents en 1989. Je fai­sais déjà depuis pas mal d’an­nées du théâtre, de l’art, à l’é­cole, et au moment de choisir des études, j’hési­tais entre soci­olo­gie, his­toire ou ciné­ma. Comme il n’y avait pas d’é­cole de ciné­ma au Chili, je me suis inscrit en théâtre. Je fai­sais du théâtre depuis l’âge de quinze ans, j’avais aus­si fait de la télé dans d’autres pays, mais je savais que je ne voulais pas être comé­di­en. À cette époque, il n’y avait pas d’é­cole de direc­tion de théâtre, ce qui m’in­téres­sait pour­tant beau­coup plus que l’in­ter­pré­ta­tion. J’ai donc fait une for­ma­tion de théâtre en par­al­lèle avec une licence en art.

J’ai tra­vail­lé dans quelques com­pag­nies, j’ai fait un peu de télé, et au bout d’un moment je me suis dit que je voulais être directeur de théâtre. J’ai alors for­mé ma troupe qui a fonc­tion­né pen­dant qua­tre ans. J’ai vécu là une crise de manque d’e­space, de manque de pos­si­bil­ités. En 1993 – 94, c’é­tait très dur au Chili pour une troupe de théâtre de trou­ver une audi­ence, un espace, un finance­ment. C’é­tait la crise des années 1990, pen­dant laque­lle il y a eu un essor de la cul­ture au Chili mais aus­si très peu d’e­space pour les artistes. Je me suis alors ren­du compte que je voulais aller de l’autre côté, c’est-à-dire trou­ver des inter­locu­teurs qui, au moment de lire des pro­jets, ne te regar­dent pas avec méfi­ance parce que tu as des boucles d’or­eille ou les cheveux longs, des gens qui aient con­fi­ance et puis­sent pari­er sur ces pro­jets.

J’ai décidé alors de faire des études de ges­tion cul­turelle ; j’ai fait un Mas­ter ici au Chili et je me suis aperçu que les profs étaient les mêmes que ceux que j’al­lais voir et qui ne me don­naient pas d’e­space … Je suis ensuite par­ti grâce à une bourse étudi­er à l’u­ni­ver­sité Dauphine à Paris, en Ges­tion poli­tique et Insti­tu­tions cul­turelles.

J’ai tra­vail­lé pen­dant un an à la Grande Halle de la Vil­lette, en pro­gram­ma­tion. Puis, je suis revenu au Chili et j’ai eu la chance de com­mencer à tra­vailler dans un cen­tre cul­turel, et, en par­al­lèle, j’ai tra­vail­lé au Théâtre Nation­al, pour un pro­jet de ges­tion du théâtre. Ça a
été une expéri­ence for­mi­da­ble. J’ai tra­vail­lé avec une cinquan­taine de com­pag­nies de théâtre, on a fait une trentaine d’ex­po­si­tions … Puis je suis par­ti pour des raisons per­son­nelles en Alle­magne, à Berlin, et j’ai fait une pause d’une année, pour pou­voir réfléchir et voir com­ment le théâtre était organ­isé en Alle­magne. Au bout d’un an, à Berlin, je reçois un appel pour me dire qu’il y a un nou­veau pro­jet du gou­verne­ment Lagos pour rénover des entre­pôts aban­don­nés qui apparte­naient à l’É­tat. On voulait faire un pro­jet cul­turel mais on ne savait pas exacte­ment par quoi ni par où com­mencer. Je suis donc revenu en févri­er 2001, et cela fait env­i­ron cinq ans que l’on tra­vaille sur le pro­jet de Matu­cana 100.

B. D.: Il y avait déjà eu une occu­pa­tion de ce lieu par Andrés Pérez ?

E. O.: Oui, mais quand on m’a demandé de venir, on ne m’avait pas racon­té l’his­toire de ce lieu. Ces entre­pôts apparte­naient à la direc­tion de l’ap­pro­vi­sion­nement de l’É­tat. C’é­tait un espace de 8 500 mètres car­rés, où il y avait pas mal de choses : un squat de famille, un garage clan­des­tin, un entre­pôt de chais­es roulantes, et la com­pag­nie Gran Cir­co Teatro d’An­drés Pérez qui occu­pait ce qui est aujour­d’hui (depuis quelques mois) la galerie. Ils espéraient que l’É­tat leur don­nerait cet espace en con­ces­sion. Je ne savais rien de cette his­toire en arrivant, et j’ai été con­fron­té à cette réal­ité. Ces entre­pôts sont situés dans un quarti­er très pop­u­laire, Esta­cion cen­tral (le quarti­er de l’u­nique Gare de train de San­ti­a­go). Le gou­verne­ment avait l’idée de faire non pas un espace dédié spé­ci­fique­ment à un théâtre mais plutôt un pro­jet plus large de cen­tre cul­turel, avec des dis­ci­plines qui n’é­taient pas encore représen­tées dans les cen­tres déjà exis­tants.

B. D.: Quelles sont les lignes direc­tri­ces de ta poli­tique à la tête de Matu­cana 100 ?

E. O.: Il y avait au départ trois grandes ori­en­ta­tions : la pre­mière était la créa­tion d’au­di­ence, c’est-à-dire qu’il y avait un manque de par­tic­i­pa­tion d’une par­tie de la pop­u­la­tion chili­enne, celle qui était la plus aban­don­née pen­dant les années de gou­verne­ment mil­i­taire et pen­dant les pre­mières années de démoc­ra­tie, et qui avait très peu de par­tic­i­pa­tion dans la vie cul­turelle. La pre­mière chose était donc de trou­ver des mécan­ismes pour inciter des gens qui n’avaient que très peu d’ac­cès à la vie cul­turelle de faire par­tie de ce réseau. Deux­ième­ment, nous cher­chions com­ment réalis­er un espace où il se pro­duise réelle­ment un échange cul­turel entre les dif­férentes dis­ci­plines artis­tiques. Troisième­ment, nous voulions réalis­er un pro­jet auto­suff­isant et auto­géré à par­tir de fonds publics et privés, ce qui était un mod­èle assez récent au Chili.

B. D.: C’est une fon­da­tion qui gère le lieu ?

Matucana 100, Santiago.
Matu­cana 100, San­ti­a­go.

E. O.: Oui. Au Chili, il y a des fon­da­tions et des cor­po­ra­tions. Dans les fon­da­tions, il y a une assem­blée générale d’as­so­ciés qui par­ticipent à l’élec­tion d’un comité de ges­tion (le direc­toire) de sept per­son­nes.

A

rticle réservé aux abonné·es
Envie de poursuivre la lecture?

Les articles d’Alternatives Théâtrales en intégralité à partir de 5 € par mois. Abonnez-vous pour soutenir notre exigence et notre engagement.

S'abonner
Déjà abonné.e ?
Identifiez-vous pour accéder aux articles en intégralité.
Se connecter
Accès découverte 1€ - Accès à tout le site pendant 24 heures
Essayez 24h
Entretien
3
Partager
Bernard Debroux
Co-écrit par Bernard Debroux
Fon­da­teur et mem­bre du comité de rédac­tion d’Al­ter­na­tives théâ­trales (directeur de pub­li­ca­tion de 1979 à 2015).Plus d'info
auteur
et Daniel Cordova
Diplômé en Mise en scène et cinéma à l’IN­SAS, Daniel Cor­do­va exerce d’abord une carrière de musi­cien. Per­cus­sion­niste,...Plus d'info
Partagez vos réflexions...
Précédent
Suivant
Article publié
dans le numéro
Couverture du numéro 96-97 - Théâtre au Chili
#96 – 97
mai 2025

Théâtre au Chili

Précédent
23 Déc 2007 — Contexte du projet théâtral POUR UNE APPROCHE du Teatro del Silencio, il faut évoquer la mise en échec institutionnelle et…

Con­texte du pro­jet théâ­tral POUR UNE APPROCHE du Teatro del Silen­cio, il faut évo­quer la mise en échec insti­tu­tion­nelle et la restau­ra­tion postérieure de la vie démoc­ra­tique ; il faut accepter que la géo­gra­phie du pays…

Par Dr Pedro Celedón Bañados
La rédaction vous propose

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements

Mot de passe oublié ?
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total