Santiago a mil : un festival ouvert et international
Entretien

Santiago a mil : un festival ouvert et international

Entretien avec Carmen Romero

Le 25 Déc 2007
Claudia Vicuña dans ASADO, mise en scène Francisca Sazié.
Claudia Vicuña dans ASADO, mise en scène Francisca Sazié.

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Claudia Vicuña dans ASADO, mise en scène Francisca Sazié.
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Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 96-97 - Théâtre au Chili
96 – 97
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BERNARD DEBROUX : Com­ment est née l’idée du Fes­ti­val Teatro a Mil, qu’est-ce qui a été le point de départ ?

Car­men Romero : Teatro a Mil n’est pas né comme un fes­ti­val dans un pre­mier temps. Per­son­ne ne pen­sait avoir un fes­ti­val au Chili, cela a été sim­ple­ment une rai­son très fémi­nine de faire les choses, un instinct, une intu­ition de survie. Nous nous occu­pi­ons de trois groupes et cher­chions des solu­tions de pro­duc­tion pour eux : La Trop­pa, le Teatro La Memo­ria et le Teatro del Silen­cio. Nous avons organ­isé des tournées avec ces troupes-là, nous avons tra­vail­lé dans leurs pro­duc­tions et nous avons voulu les présen­ter au Chili pour qu’ils puis­sent être vus. C’est ce qui nous a motivés à faire non pas un fes­ti­val mais un théâtre, qui s’ap­pelait Teatro a Mil. L’en­trée n’a jamais coûté mille pesos, comme on a ten­dance à le croire, nous l’avons appelé ain­si parce que pen­dant que nous mon­tions une pièce, nous démon­tions la précé­dente. Nous pen­sions tou­jours à rassem­bler, à coopér­er. Nous nous étions aperçus que les trois groupes à grand suc­cès du Chili avaient en com­mun le manque d’or­gan­i­sa­tion et de ressources finan­cières. Il n’ex­is­tait pas de struc­ture qui leur per­me­tte de s’or­gan­is­er. Et c’est là que j’ai voulu appli­quer ce que j’avais appris avec Andrés Pérez, la coopéra­tive, où l’on étab­lis­sait un mod­èle de tra­vail dif­férent, où cha­cun fai­sait par­tie d’un pro­jet com­mun. C’est comme cela que nous avons débuté. Qua­tre ou cinq ans plus tard, c’est devenu un fes­ti­val qui, après sept ans, a pris une dimen­sion inter­na­tionale. Ce n’est donc pas un fes­ti­val qui a été pen­sé comme tel au départ.

Mais le Chili est un pays où il a tou­jours existé beau­coup de mou­ve­ment au niveau du théâtre, et c’est pourquoi le besoin d’un fes­ti­val s’y est fait sen­tir. L’ac­tiv­ité théâ­trale est depuis tou­jours l’ac­tiv­ité cul­turelle la plus impor­tante au Chili. Nous voulions défendre les théâtres indépen­dants. Même au temps de la dic­tature, le théâtre a été le seul art qui soit demeuré à l’ar­rière-garde. Puis il a gran­di et s’est dévelop­pé avec les gens. C’est pour cela qu’il est très pop­u­laire. Le théâtre chilien a beau­coup de pub­lic parce qu’il a tou­jours accom­pa­g­né l’his­toire du Chili. Et il existe de grands artistes, comme Andrés Pérez, qui ont con­tribué à cette pop­u­lar­ité du théâtre.

Struc­turelle­ment par­lant, le fes­ti­val s’est con­sti­tué en Fon­da­tion depuis deux ans. Nous en sommes à la qua­torz­ième édi­tion. La Fon­da­tion veille à ce que nous puis­sions con­tin­uer à nous pro­jeter pour le Bicen­te­naire (en 2010, le Chili célébr­era deux cents ans de vie indépen­dante). Aupar­a­vant nous ne pou­vions penser qu’à l’an­née suiv­ante. Nous pen­sons tou­jours à met­tre à l’hon­neur des pays, parce que ce fes­ti­val se fait avec le con­cours très vivace du monde artis­tique et nous avons une grande demande de groupes étrangers pour se présen­ter au Chili. La France est dev­enue notre pre­mier invité d’hon­neur, en recon­nais­sance de l’énorme tra­vail d’échange qui a tou­jours existé entre nos deux pays. Puis ça a été l’Alle­magne, pour sa grande influ­ence sur le théâtre ; ensuite l’Es­pagne, pour des raisons his­toriques. Cette année nous avons fait une par­en­thèse dans ce mod­èle, qui n’en est pas vrai­ment un, et nous l’avons arrêté parce que nous voulions mar­quer la venue de grandes fig­ures mon­di­ales de la danse et du théâtre. Nous avons eu aus­si une pro­gram­ma­tion lati­no-améri­caine, ce qui était en fait notre volon­té du départ : dès la qua­trième édi­tion du fes­ti­val nous avons inclus le Brésil — que nous n’avons jamais cessé d’in­viter depuis lors — puis les années suiv­antes la Bolivie, l’Ar­gen­tine, nos pays voisins, qui sont en fait plus dif­fi­ciles à faire venir que des com­pag­nies européennes, parce que celles-ci ont du finance­ment pour s’ex­porter.

B.D.: Au départ, l’idée du fes­ti­val était de faire la pro­mo­tion du théâtre chilien. Quand l’idée est-elle née de lui don­ner une dimen­sion inter­na­tionale ?

C. R.: Il s’agis­sait surtout d’or­gan­is­er une ren­con­tre pour sen­tir que nous pou­vions tous ensem­ble trou­ver une façon dif­férente de faire les choses, de se con­necter d’un point de vue indépen­dant, mais pas à une échelle inter­na­tionale. Notre cible était le pub­lic chilien unique­ment. C’est quand nous avons com­mencé à tra­vailler avec le Mer­co­sur que nous avons envis­agé le thème sud améri­cain. À la suite de notre par­tic­i­pa­tion à la Bien­nale des pro­mo­teurs cul­turels d’Amérique latine et des Caraïbes, nous nous sommes con­fron­tés aux dif­férentes réal­ités de notre région. C’est ain­si qu’après cinq ou six ans, le fes­ti­val est devenu une vit­rine inter­na­tionale, ce qui a beau­coup d’im­por­tance. Le fes­ti­val d’Av­i­gnon est impor­tant non seule­ment parce qu’il fait bouger les grands cri­tiques, les jour­nal­istes, les pro­gram­ma­teurs, mais aus­si grâce au tourisme. Nous essayons de pro­pos­er chaque année une pro­gram­ma­tion dif­férente et intéres­sante, attrac­tive même pour ceux qui fréquentent le fes­ti­val depuis des années. Cela implique de rester ouverts et disponibles.

Daniel Cor­do­va : Com­ment trou­ves-ru les moyens financiers pour organ­is­er le fes­ti­val ?

C. R.: Nous avons réal­isé un tra­vail de four­mi, très féminin. Je le souligne, parce que ces qua­torze années ne s’ex­pli­queraient pas si nous étions des hommes dans la pro­duc­tion. Je crois qu’au­cun homme n’au­rait pour­suivi ce pro­jet parce qu’il n’a pas de but lucratif et qu’il a été très dif­fi­cile à met­tre en place. Si tu en mesurais la rentabil­ité — ce que deman­dent les hommes en pre­mier — tu ne la trou­verais tout sim­ple­ment pas. Au début, on se con­tentait de pay­er nos dettes, de ne pas pay­er pour faire ce que nous voulions faire. Mais ce tra­vail soutenu de four­mi a per­mis que nous béné­fi­cions aujour­d’hui d’une sub­ven­tion de l’É­tat et d’un grand appui des entre­pris­es privées, qui aboutit à un finance­ment du fes­ti­val avec 60 % de fonds privés, 20 % de sub­ven­tions de l’É­tat et le reste des recettes pro­pres et des échanges.

D. C.: Que sont exacte­ment les échanges ? Est-ce quand ce sont les pays des spec­ta­cles invités qui payent les voy­ages ?

C. R.: Exacte­ment. Mais je pense que cette année nous allons chang­er cela parce que nous avons eu des recettes excep­tion­nelles. Il faut savoir que ce fes­ti­val est un peu par­ti­c­uli­er car les com­pag­nies nationales ne reçoivent que le pro­duit des recettes, parce que nous n’avons mal­heureuse­ment pas encore les ressources néces­saires pour pay­er des cachets. Mais nous nous diri­geons vers ce but-là. Nous sommes tous des asso­ciés, en quelque sorte, un grand réseau, une grande société d’artistes chiliens.

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Bernard Debroux
Co-écrit par Bernard Debroux
Fon­da­teur et mem­bre du comité de rédac­tion d’Al­ter­na­tives théâ­trales (directeur de pub­li­ca­tion de 1979 à 2015).Plus d'info
auteur
et Daniel Cordova
Diplômé en Mise en scène et cinéma à l’IN­SAS, Daniel Cor­do­va exerce d’abord une carrière de musi­cien. Per­cus­sion­niste,...Plus d'info
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