Apprendre la mise en scène avec Anatoli Vassiliev — Du spectacle comme laboratoire : « La vie ininterrompue sur scène »

Apprendre la mise en scène avec Anatoli Vassiliev — Du spectacle comme laboratoire : « La vie ininterrompue sur scène »

Le 18 Juil 2008

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SOUVENT les gens qui ont du tal­ent ne sont pas capa­bles de se bat­tre et ce sont ceux qui savent se bat­tre qui sont au pre­mier rang, tan­dis que les autres cèdent. J’ai vu ça partout en Europe.

Ana­toli Vas­siliev

D’octobre 2004 à décem­bre 2007, s’est déroulée la pre­mière for­ma­tion du nou­veau départe­ment de For­ma­tion et Recherche à la mise en scène qui a été ouvert à Lyon à l’ENSATT. La direc­tion péd­a­gogique de cette pre­mière pro­mo­tion a été con­fiée à Ana­toli Vas­siliev. Georges Banu m’a pro­posé d’écrire un texte. Lors de notre entre­vue nous avons util­isé le mot « témoignage », seule forme d’écrit en effet qui me sem­ble pou­voir pré­ten­dre relater une expéri­ence aus­si var­iée, riche et sin­gulière que celle de ces qua­tre années. Témoignage, avec tout ce qu’il peut com­porter d’absences, de manque et de sub­jec­tiv­ité, car l’expérience a été en effet partagée au sein d’un ensem­ble com­posé de per­son­nal­ités très dif­férentes. Ecrire sur cette for­ma­tion pour ma part, et dans un pre­mier temps, c’est ten­ter d’en retrac­er la tra­ver­sée.

Douze travaux

La déci­sion de pass­er le con­cours a été prise pen­dant le stage sur le poème dra­ma­tique que Vas­siliev don­nait en mars 2004 à l’ARTA. La veille de refaire le tra­jet pour cette mai­son de la car­toucherie où déjà de nom­breuses expéri­ences s’étaient forgées, j’avais marché tard dans la nuit à tra­vers Paris. Exaltée, tran­sie, prise ce soir-là d’une mécon­naiss­able mal­adie. « Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème / De la Mer, infusé d’astres et lactes­cent » Le Bateau ivre et aus­si Le Voy­age, le train­ing ver­bal avec Valérie Dréville. Voix, vis­ages, sons, rythmes des entrailles, ce stage avait passé comme un mirage, avec un sig­nal toute­fois aus­si, le bruit d’une for­ma­tion à la mise en scène que Vas­siliev dirig­erait à la ren­trée à Lyon à L’ENSATT. Un con­cours dan­tesque. Une pre­mière en France. Un événe­ment. C’était il y a qua­tre ans exacte­ment.
Tout me plai­sait dans ce con­cours. Ce qui était demandé sem­blait hors lim­ite. La présélec­tion se ferait sur dossier. Puis le con­cours se déroulerait à Lyon en juil­let.
Pour le pro­jet de mise en scène, j’en­voy­ai une adap­ta­tion scénique du Por­trait de Dori­an Gray, avec sons, images, adap­ta­tion dra­maturgique bilingue, le tout avec un tableau sous forme de col­lages.
Le par­cours de jeu devait se com­pos­er d’une liste de douze travaux à com­pos­er soi-même. Trois au moins devaient être tirés d’œuvres dra­ma­tiques. Les autres pou­vaient être des extraits de roman, de traités philoso¬phiques ou esthé­tiques. Pas de restric­tion sur le siè­cle, le genre, la longueur, la langue. Ma liste prof­i­tait large­ment de l’excentricité de la demande. Une scène extraite du Por­trait DE Dori­an Gray en anglais, où je jouais le rôle du pein­tre Basil Hall­ward, le dernier mono­logue de Val­mont dans Quar­tett de Hein­er Muller, le chant cinq de la DIVINE COMÉDIE en ital­ien.
Juil­let. Le con­cours ressem­blait aux jours de Pakas des stages aux­quels j’avais déjà assisté. À une répéti­tion en somme. Le pas­sage se fai­sait au sein d’un groupe d’une quin­zaine de par­tic­i­pants. Pas­sait celui ou celle qui voulait quand il ou elle voulait. Vas­siliev a regardé la liste puis il m’a demandé de choisir moi-même deux mono­logues.
Après le jour des mono­logues, celui des scènes. De nou­veau on pro­poserait celle désirée. Il faudrait choisir sa réplique au sein de son groupe, jouer soi-même et diriger sa réplique. Il fal­lait don­ner la réplique aux can­di­dats qui le demandaient. J’avais pro­posé le pre­mier dia­logue entre Lord Hen­ry Wot­ton et Basil Hall­ward dans Dori­an Gray. Une scène jouée ce seul jour. Une demi-heure que je n’oublierai jamais.
Les jours suiv­ants ont été mar­qués par une série d’exercices, un sur « la pause » et un autre sur « la phrase ». Il s’agissait d’exercices d’improvisation, sans mots pour la pause, ou en paroles pour la phrase. Les propo­si­tions étaient en lien avec La CERISAIE de Tchékhov. En deux heures, il fal­lait se met­tre d’accord avec un parte­naire. Inven­ter une his­toire. Ela­bor­er une com­po­si­tion. Jouer soi-même au sein de la propo­si­tion et diriger son parte­naire. De nou­veau être égale­ment soi-même réplique dans le pro­jet d’un autre.
Puis le dernier jour. Le groupe de plus en plus restreint était déjà presque con­sti­tué. Il restait env­i­ron trente per­son­nes. Six groupes de cinq. C’était le jour de l’entretien indi­vidu­el avec les mem­bres du jury. Il fal­lait présen­ter son pro­jet de mise en scène. Les ques­tions de Vas­siliev con­cer­naient surtout l’analyse. À la fin, il m’a demandé quelle était pour moi « l’image scénique » du spec­ta­cle ? « L’image scénique ? » Il s’impatientait.Je pen­sais à la fin du roman.J’ai vu quelque chose. Peut-être ce dont il par­lait. Mon tra­vail de plusieurs mois dans une image.Je suis allée me rasseoir.J’en serai.
«Qu’est-ce que tu sais faire ? Le dia­logue, en principe je sais faire ça. »
Je serai ici inévitable­ment sub­jec­tive et impos­si­ble­ment exhaus­tive. Pour cha­cun de nous for­mé au sein de l’ensemble, il y a eu des moments dif­fi­ciles, et d’autres excep­tion­nels. Pour cha­cun, sur des temps et des sujets dif­férents. Ce fut lié aux textes, aux tâch­es, aux incli­na­tions de cha­cun, aux désirs, aux expéri­ences respec­tives, aux réus­sites, aux ratages, à notre pro­pre évo­lu­tion, en somme aux per­son­nal­ités déjà là et en ges­ta­tion. Ce fut lié aus­si au rap­port con­flictuel que cette for­ma­tion a tou­jours entretenu avec la vie. Le groupe était con­sti­tué de dix-huit per­son­nes lorsque nous avons com­mencé. Les par­cours et les pro­fils très var­iés. La tranche d’âge entre vingt-deux et trente-huit ans, plus deux sta­giaires invités étrangers entre quar­ante et cinquante ans. Presque qua­tre généra­tions.
Le tra­vail « inin­ter­rompu » a com­mencé dès la pre­mière semaine. Dix heures — vingt-trois heures, same­di inclus. Si l’immersion artis­tique m’excitait avant d’entrer, la réal­ité de cette vie m’a vite décon­certée. Ça com­mençait le matin. Trois heures d’arts mar­ti­aux. Pour beau­coup de mes cama­rades, le Kung Fu et le Tai-chi sont devenus incon­tourn­ables. Décou­verte du poten­tiel physique, prise de puis­sance. Corps effec­tive­ment et remar­quable­ment mod­i­fié. Sur le plateau, ils sont devenus plus forts, plus ancrés, plus sta­bles, plus cen­trés, plus ensem­ble aus­si car le train­ing du matin c’était le temps d’être réu­nis. Je trou­vais pour ma part que ce tra­vail s’imposait de manière trop exclu­sive, qu’il occul­tait à regret d’autres formes de travaux cor­porels possibles.Je regret­tais la con­nais­sance de l’anatomie et les secrets de la médecine chi­noise du maître chi­nois avec qui j’avais tra­vail­lé à Paris. Les excel­lents cours de barre au sol de mon ado­les­cence, les cours de danse, de yoga, de res­pi­ra­tion, d’improvisation, de butô, tout un panora­ma cor­porel que j’aurais préféré, que j’attendais et que nous n’aurions pas.
La journée com­mençait donc avec un tra­vail physique oblig­a­toire, impos­si­ble à rem­plac­er.
L’année s’organiserait au rythme de ses­sions. Vas­siliev viendrait sur des péri­odes de deux ou trois semaines. La pre­mière ses­sion avait com­mencé avec Pla­ton. Le pre­mier tra­vail col­lec­tif porterait sur Ion. Pour abor­der ce tra­vail, il avait pro­posé l’analyse du Criton puis du MÉNON. Nous com­mence­ri­ons donc la for­ma­tion par ce qu’il nomme les struc­tures de jeu. Struc­tures selon lui fon­da­tri­ces du théâtre. Ces struc­tures sont mar­quées notam­ment par une com­po­si­tion tournée essen­tielle­ment vers un objet méta­physique qui se révèle gradu­elle­ment à la fin du texte. Com­mencer par définir la struc­ture du texte est le pre­mier pas pour Vas­siliev. De là découle l’orientation de l’analyse et déjà un style de jeu. À tra­vers deux textes qui intro­duisent le dia­logue socra­tique et qui posent les ques­tions des Lois, et de l’Immortalité de l’âme, Vas­siliev com­mençait à nous trans­met­tre ce qui con­stitue selon lui l’enseignement fon­da­men­tal et le secret de ce méti­er, la chose essen­tielle qui s’apprend véri­ta­ble­ment : l’art de la com­po­si­tion. Ou plutôt ce qui dans la phase de l’analyse s’apparente à un art de la décom­po­si­tion. On apprend en effet à nom­mer, à mon­tr­er dans des endroits pré­cis du texte, le type de struc­ture dra­ma­tique, le ter­ri­toire de l’exposition, des par­ties, des nœuds, de l’événement orig­inel et de l’événement prin­ci­pal. On définit les zones du dia­logue, les endroits des scènes. On découpe le texte. On en a une vision d’ensemble struc­turelle. Puis on définit le sujet, le thème, l’objet s’il s’agit d’un dia­logue. Analyse qui vise à répon­dre aux deux prin­ci­pales ques­tions pour le jeu : « De quoi (l’Objet)» ? et « Qu’est-ce que je fais ? (l’Action)».
Ces réflex­es. Ces pre­miers pas. Nous nous y ini­tions, en même temps qu’au pas­sage sur le plateau qui en était le but. Met­teurs en scène et acteurs. Découpeur et découpé. Chercheur expéri­men­tant d’abord sur lui-même. La mise en scène, matière plus ou moins vis­i­ble qui struc­ture et définit tout l’ensemble et dont une des par­ties les plus vis­i­bles est celle qui est don­née à voir à tra­vers le jeu de l’acteur.
Par­al­lèle­ment au tra­vail col­lec­tif, il y aurait les travaux per­son­nels à pré­par­er entre les ses­sions avec Vas­siliev. Un texte dra­ma­tique qui se présen­terait comme une analo­gie du Criton et un traité sur l’art sous forme dialogique.
Le dia­logue. Toute cette pre­mière année serait con­sacrée à l’art du dia­logue.
La ses­sion suiv­ante, nous avons mon­tré en par­al­lèle ION, les analo­gies et les traités sur l’art, suiv­ie par une bril­lante pre­mière ses­sion sur L’Impromptu de Ver­sailles de Molière.
Jusque-là, pour moi, le tra­vail avec Vas­siliev avançait très bien. Puis il y a eu un tour­nant. Au moment de la nou­velle propo­si­tion, celle de tra­vailler sur un dia­logue de Pla­ton com­biné avec une pein­ture de Magritte. Prob­a­ble­ment parce qu’il en restait un sou­venir mit­igé des cours de philoso­phie et trop de par­a­sitages intel­lectuels sur la théorie des idées…, les textes de Pla­ton me sem­blaient dif­fi­ciles à aimer, secs, mon cœur ne s’y sen­tait pas attiré. J’avais alors l’impression de ne faire que répon­dre à l’exercice imposé. J’aurais souhaité choisir moi-même un auteur, moi-même un pein­tre. J’étais blo­quée d’autant que les péri­odes où Vas­siliev était à Moscou étaient sur­chargées. Le temps était rem­pli jusqu’à dix-neuf heures par des cours théoriques. Les civil­i­sa­tions, philoso­phies et spir­i­tu­al­ités ori­en­tales, Inde, Chine, Japon, puis cycle sur l’histoire des trois grandes reli­gions monothéistes, Judaïsme, Chris­tian­isme, Islam. Des cycles pas­sion­nants mais d’une den­sité qui s’accommodait dif­fi­cile­ment avec le temps de pré­par­er des pro­jets per­son­nels. Je me sou­viens encore des ques­tions que je con­tin­u­ais à me pos­er sur la mise en œuvre d’une école idéale. J’achevais ma thèse, j’étais sub­mergée. Les con­tra­dic­tions avec la vie deve­naient pré­dom­i­nantes. La pente ardue. Je glis­sais en direc­tion de la descente.
Puis ce fut l’annonce de la nou­velle ses­sion avec Vas­siliev. Avril se déroulerait dans son Théâtre-Ecole à Moscou. Les répéti­tions de la deux­ième ses­sion sur L’Impromptu de Ver­sailles auraient lieu dans le nou­veau bâti­ment rue Sreten­ka. Le tra­vail au sein du Théâtre-École me lais­sait des impres­sions bien dif­férentes de celui à Lyon. L’atmosphère créa­trice qui habitait le lieu était con­tagieuse. Thomas Richard don­nait un stage. Les acteurs de deux­ième année du lab­o­ra­toire mon­traient Roméo et Juli­ette dans le texte dur. Un groupe d’acteurs étrangers arrivait pour tra­vailler sur Phè­dre. Ses acteurs répé­taient L’Iliade. J’aimais les acteurs de ce théâtre. J’étais con­sciente de l’histoire hors du com­mun de ce lieu. La ville aus­si jouait son rôle. Moscou m’inspirait. J’étais frap­pée par une jeunesse que je trou­vais fraîche comme un print­emps, vibrante, qui me touchait au cœur directe­ment. Un côté punk, brut, effer­ves­cent et poignant, comme une chan­son de Tuxe­do­moon. Éros des villes, désen­chan­té, fuyant.
Le tra­vail au sein du Théâtre ne me sem­blait pas con­tra­dic­toire avec la vie, au con­traire. Le lab­o­ra­toire était au cœur de la ville. Aucune sen­sa­tion d’isolement comme sou­vent à Lyon. La sen­sa­tion plutôt que la ville et le Théâtre-École se nour­ris­saient mutuelle­ment, qu’ils s’assemblaient dans des éner­gies com­plé­men­taires. Le silence à l’intérieur était généré par le chaos à l’extérieur. La res­pi­ra­tion par l’encombrement. Le fond gris fai­sait ressor­tir l’éclat du blanc.
Moscou, l’oiseau de cette pre­mière année. Le temps d’un éblouisse­ment. Celui d’un évanouisse­ment.
De retour à Lyon au mois de juin. Je ne souhaitais pas pour­suiv­re le tra­vail sur Pla­ton. Je ne le sai­sis­sais tou­jours pas. Mon non-pas­sage en deux­ième année planait du côté de l’administration. L’idée d’un ren­voi me rap­pelait à un sys­tème sco­laire que j’avais tou­jours fui. Aux lan­guis­santes années de Lycée. Aux cours de philoso­phie aus­si où j’entendais par­ler pour la pre­mière fois d’expériences péd­a­gogiques et d’écoles alter­na­tives, par­al­lèles ou expéri­men­tales. Je vivais alors dans la con­tra­dic­tion totale. Le désir réel d’apprendre et la han­tise d’un max­i­mum struc­turé. J’enviais mes amis des Beaux-Arts, des écoles de ciné­ma, j’enviais ce que je me fig­u­rais comme le luxe de leur lib­erté, je me débat­tais.
Un après-midi de juin, je suis allée voir Vassiliev.Je voulais arrêter. Il fumait une cig­a­rette, m’écoutait atten­tive­ment. Il était calme, bien­veil­lant. Il n’allait ni juger, ni imposer.J’étais « indépen­dante, plutôt une qual­ité pour ce méti­er. M’absenter. Pren­dre mes dis­tances. La porte resterait ouverte.Je pour­rais revenir quand je voudrais ».
C’était la fin du print­emps, les fleurs en grappes qui tombaient.J’avais tou­jours été à l’école.Je l’avais tou­jours cri­tiquée sans pou­voir la quitter.Je descendais la côte en courant. Le ciel. La vie. Le vent. Un rêve d’idéal qui sem­blait ne cor­re­spon­dre jamais.

La Foi, l’Amour, l’Espérance. Trois Sœurs.

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Écrit par Stéphanie Lupo
Stéphanie Lupo est Doc­teur en Études Théâ­trales de la Sor­bonne et diplômée de mise en scène de l’ENSATT....Plus d'info
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