L’acte de théâtre Table ronde
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L’acte de théâtre Table ronde

Le 17 Jan 2001
Janine Louvet et Éric Firmani dans L'AMÉNAGEMENT, mise en scène Jean Louvet. Photo Véronique Vercheval.
Janine Louvet et Éric Firmani dans L'AMÉNAGEMENT, mise en scène Jean Louvet. Photo Véronique Vercheval.

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Janine Louvet et Éric Firmani dans L'AMÉNAGEMENT, mise en scène Jean Louvet. Photo Véronique Vercheval.
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Article publié pour le numéro
Jean Louvet-Couverture du Numéro 69 d'Alternatives ThéâtralesJean Louvet-Couverture du Numéro 69 d'Alternatives Théâtrales
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En mai 2001, Alter­na­tives théâ­trales a organ­isé au Cen­tre Dra­ma­tique Hain­uy­er un entre­tien-débat entre Jean Lou­vet, Daniel Cor­do­va, directeur du CDH, Yves Vasseur, met­teur en scène du GRAND COMPLOT, Bernard Debroux et Nan­cy Del­halle

NANCY DELHALLE : Jean Lou­vet, pourquoi avoir pour­suivi un tra­vail avec le Stu­dio-Théâtre de La Lou­vière alors que vous étiez joué dans le cir­cuit théâ­tral pro­fes­sion­nel ? Quels sont les moti­va­tions, les objec­tifs et les avan­tages de cette dou­ble démarche 

Jean Lou­vet : Le théâtre per­me­t­tait un dis­cours impens­able dans une assem­blée poli­tique ou syn­di­cale. Dans de telles assem­blées, si vous essayez de cass­er la langue de bois, de cass­er la parole bureau­cra­tique, très vite la parole vous est reprise. L’in­stau­ra­tion du Théâtre Pro­lé­tarien dans le con­texte des années 60/70 par­tic­i­pait de cette moti­va­tion. À l’époque, on assis­tait à une remon­tée du mou­ve­ment ouvri­er en Europe (grèves de 60, mai 68 etc.). Pourquoi con­tin­uer ? Si notre généra­tion a été con­fron­tée au prob­lème de l’ef­fi­cac­ité du mou­ve­ment ouvri­er, d’autres sont arrivées ensuite, en reposant la même ques­tion et en essayant d’y trou­ver des solu­tions. C’est là une con­ti­nu­ité d’or­dre idéologique. Toute­fois, même s’il est pos­si­ble de par­ler de néo-mil­i­tan­tisme, il ne s’ag­it plus du mil­i­tan­tisme des années pathé­tiques, des années 60, où, à la lim­ite, vous met­tiez votre vie privée en jeu. Nous étions jour et nuit en route, nous col­lions des affich­es et nous nous occu­pi­ons très peu de nos enfants. Cela a créé des désas­tres au niveau de la vie privée. Ceux qui sont arrivés après nous ont con­tin­ué l’action de ce théâtre pro­lé­tarien par­fois sous d’autres appel­la­tions. Mais le mil­i­tan­tisme a changé : ils tra­vail­lent avec Amnesty Inter­na­tion­al, sur la ques­tion des droits de l’homme etc. 

En out­re, le con­tact d’un auteur avec la pra­tique théâ­trale reste assez pau­vre. Si un met­teur en scène monte votre pièce, soit il vous asso­cie au tra­vail, ce qui est extrême­ment rare, soit vous arrivez à la pre­mière comme tout le monde ou la veille, à la générale. Dans ce monde non pro­fes­sion­nel, par con­tre, ce cli­vage n’ex­iste pas. 

À la fin des années 60, Madeleen­er, Mey­er et moi voulions créer un théâtre pro­fes­sion­nel. Je suis allé avec Madeleen­er vis­iter Aubervil­liers, je suis allé au Berlin­er.. Les com­munes de gauche en France appor­taient beau­coup de moyens : des camions, de la régie, du per­son­nel. Cela allégeait les coûts. Mais La Lou­vière n’était pas prête à faire cela. Aujourd’hui, la prise en charge de la cul­ture en Wal­lonie par les munic­i­pal­ités com­mence. Je me sou­viens très bien avoir décidé que j’écrirais parce que, pour cela, il ne faut pas d’ar­gent. De même, j’ai choisi de tra­vailler avec le théâtre pro­fes­sion­nel mais de garder à La Lou­vière une for­mule de théâtre pau­vre : un théâtre qui se veut malin, qui veut men­er une réflex­ion sur l’état du monde mais avec très peu de moyens financiers. En Bel­gique, à la dif­férence du Québec, il n’est guère admis qu’un auteur fasse du théâtre ama­teur, ce n’est pas dans les codes. D’ailleurs, le milieu du théâtre pro­fes­sion­nel ne vient pas voir nos spec­ta­cles 

N. D.: Com­ment cette dou­ble démarche s’inscrit-elle dans le proces­sus d’écri­t­ure ? Écrivez-vous spé­ci­fique­ment pour le théâtre pro­fes­sion­nel et pour le Stu­dio-théâtre ?

J. L.: J’ai écrit vingt pièces. Très vite, les six pièces que j’écris pour le théâtre pro­lé­tarien vont toutes avoir une réper­cus­sion inter­na­tionale. Par exem­ple, L’AN 1 est pris par le Théâtre Nation­al de Bel­gique, MORT ET RÉSURRECTION DE JULIEN T, est présen­té par Pol­lac à la cinquième bien­nale de Paris. Ces pièces qui se sont faites avec des bouts de ficelle dans une arrière salle de café con­nais­sent tout à coup un appel. Quelques pièces seule­ment ont été cir­con­scrites au théâtre pro­lé­tarien ; la plu­part ont con­nu un va-et-vient entre les deux démarch­es. J’ai aus­si beau­coup écrit sur com­mande : FAUST, LE GRAND COMPLOT… 

Bernard Debroux : Les formes de représen­ta­tion ne sont-elles pas très dif­férentes ? Y a‑t-il eu des réper­cus­sions, des influ­ences d’un univers de représen­ta­tion à l’autre ? 

J. L.: Je ne crois pas. Prenons l’ex­em­ple de UN HOMME DE COMPAGNIE une pièce que j’ai écrite suite à des dis­cus­sions avec mon fils. Je la monte et Marc Liebens assiste au spec­ta­cle. La mise en scène n’é­tait pas du tout nat­u­ral­iste, elle était très épurée. Nous en avions dis­cuté avec Marc Liebens et Michèle Fabi­en et le pro­jet  était de la mon­ter au Théâtre Nation­al. Mais en voy­ant ma mise en scène, Liebens a dit : « je ne peux pas mon­ter ça…»

Yves Vasseur : Mais CONVERSATION EN WALLONIE est un exem­ple plus heureux. Cette pièce a été mon­tée au théâtre pro­lé­tarien et a ensuite été don­née à Marc Liebens. C’est le même texte. L’écri­t­ure s’adapte au pro­jet. Il y a par­fois dans l’écri­t­ure de Jean un excès de dra­maturgie. Mais Jean n’est pas un met­teur en scène. 

J. L.: Quand je monte UN HOMME DE COMPAGNIE, le spec­ta­cle dure trois heures. Jacques De Deck­er voit la pièce et encour­age Armand Del­campe à la mon­ter. Mais c’est suite à l’ex­péri­ence de ma mise en scène au théâtre pro­lé­tarien que je décide de couper un tiers du texte. 

B. D.: Inverse­ment, y a‑t-il eu une influ­ence des mis­es en scènes pro­fes­sion­nelles sur l’écri­t­ure ?

J. L.: Prenons LE TRAIN DU BON DIEU. C’est après avoir été écouter Sartre à Brux­elles, en ren­trant chez mon père à Tour­nai que j’ai écrit vingt pages de cette pièce. Un peu plus tard, un ouvri­er me demande de mon­ter une pièce sur la grève qu’on vient de faire ? Je développe alors ces vingt pages pour le théâtre pro­lé­tarien. Au terme des représen­ta­tions, en fonc­tion de ce que j’ai enten­du, je réécris une ver­sion. Ensuite quand Lucien Attoun pro­pose de repren­dre la pièce à Théâtre Ouvert dans une mise en scène de Marc Liebens, Jean-Marie Piemme, qui tra­vaille avec Liebens, éla­bore une dra­maturgie très ser­rée. Durant les répéti­tions, je mets encore au point une nou­velle ver­sion, celle qu’Ar­mand Del­campe pub­liera dans les Cahiers Théâtre à Lou­vain. Dans ce cas-ci, le théâtre pro­fes­sion­nel influ­ence donc mon écri­t­ure, notam­ment aus­si grâce au regard des acteurs sur la pièce. 

N. D.: Quel pub­lic fréquente le Stu­dio-théâtre ? 

J. L.: Nous essayons d’accrocher un pub­lic dif­férent. À La Lou­vière, le pub­lic de théâtre, est con­sti­tué de 500 per­son­nes — 300 s’il s’agit d’un auteur con­tem­po­rain. Out­re les « insti­tu­tion­nels », il y a un pub­lic « de gauche », des jeunes amenés par un ani­ma­teur de rue, quelques chômeurs.

En tout cas, une par­tie de ce pub­lic n’i­rait jamais au théâtre ailleurs…

D. C.: La ques­tion du pub­lic est une ques­tion déli­cate. On ne peut pas com­par­er la sit­u­a­tion de Lou­vain-laNeuve où UN HOMME DE COMPAGNIE et SIMENON ont touché 5000 spec­ta­teurs et celle de La Lou­vière où UN HOMME DE COMPAGNIE, avec les moyens d’un théâtre pau­vre, a touché 300 per­son­nes. Dans l’un et l’autre cas, la réso­nance est de même impor­tance. 

J. L.: Il me paraît aus­si impor­tant de pou­voir mon­tr­er UN HOMME DE COMPAGNIE à des gens qui ne sont pas dans la sit­u­a­tion décrite dans la pièce. Cela peut créer, je l’e­spère, une forme de sol­i­dar­ité, pro­pos­er une forme de com­préhen­sion de celui qui est dans la mis­ère…

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Bernard Debroux
Co-écrit par Bernard Debroux
Fon­da­teur et mem­bre du comité de rédac­tion d’Al­ter­na­tives théâ­trales (directeur de pub­li­ca­tion de 1979 à 2015).Plus d'info
auteur
et Nancy Delhalle
Nan­cy Del­halle est pro­fesseure à l’Université de Liège où elle dirige le Cen­tre d’Etudes et de Recherch­es sur...Plus d'info
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Jean Louvet

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