Le répondeur de Michèle
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Le répondeur de Michèle

Le 18 Juin 2004
Dominique Boissel dans LES BONS OFFICES de Pierre Mertens, mise en scène Marc Liebens. Photo: Jean-Pierre Hubin.
Dominique Boissel dans LES BONS OFFICES de Pierre Mertens, mise en scène Marc Liebens. Photo: Jean-Pierre Hubin.
Dominique Boissel dans LES BONS OFFICES de Pierre Mertens, mise en scène Marc Liebens. Photo: Jean-Pierre Hubin.
Dominique Boissel dans LES BONS OFFICES de Pierre Mertens, mise en scène Marc Liebens. Photo: Jean-Pierre Hubin.
Article publié pour le numéro
Michèle Fabien-Couverture du Numéro 63 d'Alternatives ThéâtralesMichèle Fabien-Couverture du Numéro 63 d'Alternatives Théâtrales
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IL ME SEMBLE que quelques jours après sa moft, son répon­deur télé­phonique dis­ait encore, au nom de Marc et d’elle, qu’ils n’é­taient momen­tané­ment pas en mesure de don­ner la réplique à qui la cher­chait. À qui venait pren­dre de leurs nou­velles. 

Ain­si com­mençait son som­meil. Mais elle n’avait pas quit­té la scène. (Je me sou­viens de longues con­ver­sa­tions, nouées la nuit avec Marc. Comme clan­des­tines. Dérobées à la bru­tal­ité de l’événe­ment). 

Puis il n’y eut plus de mes­sage du tout. Marc ne l’avait pas rem­placé. Pour lui par­ler, il fal­lait tomber sur lui, en direct. On dirait une his­toire qui se serait passée durant une guerre.

De fait, il y en avait bien eu une.
La pre­mière fois que je l’ai réen­ten­du, ce mes­sage, alors que Michèle n’é­tait plus, ça a été plus fort que moi. Je lui ai répon­du. Pris au dépourvu par cette voix. Qui forçait encore qu’on par­le. Qu’on par­le à Marc de la voix de Michèle. 

Il y a encore le sou­venir du mes­sage de Michèle sur son répon­deur. Je me demande si toute son œuvre n’a pas été conçue sut ce mod­èle. Cette façon de dire d’emblée qui on est. 

« Je m’ap­pelle Jocaste. »
«Là où il y a de la haine, je suis ; là où il y a de l’amour, je suis aus­si. » (L’embaumeuse dans DÉJANIRE.)
 « Moi, je suis un morceau des morts » (CASSANDRE).
On décline — ou mieux : on affirme une iden­tité.
Et pas seule­ment de cer­taines femmes légendaires, ou mythiques. Mais aus­si celle d’hommes en vie. Tous, seule­ment, comme Tausk, en dan­ger de mort.
Elle savait de quoi elle par­lait. Son intel­li­gence con­sis­tait surtout à pressen­tir la men­ace.
«Nous sommes nées mortes », fai­sait-elle dire à Claire Lacombe. Et « Nous sommes l’abîme de l’His­toire. » 

Toute son œuvre a maille à par­tir avec la mort. Il fau­dra encore écouter longtemps ce qu’elle nous en dis­ait. Pour mesur­er la portée de ses aver­tisse­ments. De ses mis­es en garde.
Où finis­sait Marc, où com­mençait Michèle ?
Eux-mêmes n’au­raient pu, sans doute, le dire.
Ils ne tra­vail­laient pas ensem­ble seule­ment. Il y avait Michèle. Marc. Et en plus d’eux : Marc et Michèle.
Marc va devoir con­tin­uer de mon­tr­er cela. Seul ? Sans doute. Investi, sûre­ment. Accom­pa­g­né.
Elle s’est col­letée avec les Grecs, Kleist, Duras, Pasoli­ni : tous ceux qui toi­saient la mort. 

Dans ce tra­vail de deuil, jamais elle ne sac­ri­fait au mor­bide.
Il y avait de l’allégresse dans son approche. Une ami­tié secrète.
Elle a lu LES BONS OFFICES et UNE PAIX ROYALE sur un mode fes­tif.
À l’é­cart des approches doc­tri­naires, des amal­games, des réduc­tion­nismes, des sim­pli­fi­ca­tions — qui sont autant de ter­ror­ismes intel­lectuels —, elle était folle de com­pren­dre.
Par­fois elle répondait à la ques­tion par une autre ques­tion. Ou elle la précé­dait.
Elle répon­dra désor­mais à nos inter­ro­ga­tions, nos per­plex­ités. Plus vite que son ombre

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Écrit par Pierre Mertens
Né en 1939 à Brux­elles Pierre Mertens, qui fut aus­si obser­va­teur judi­ci­aire inter­na­tion­al, s’est illus­tré dans tous les...Plus d'info
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Michèle Fabien-Couverture du Numéro 63 d'Alternatives Théâtrales
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Michèle Fabien

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