Pourquoi Paul Emond ? Notations rapides au bout d’une lecture fébrile
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Pourquoi Paul Emond ? Notations rapides au bout d’une lecture fébrile

Le 5 Juin 2004
Article publié pour le numéro
Paul Emond-Couverture du Numéro 60 d'Alternatives ThéâtralesPaul Emond-Couverture du Numéro 60 d'Alternatives Théâtrales
60
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EN TANT QUE METTEUR EN SCÈNE on s’ap­proche des textes dans lesquels on se retrou­ve. Ou de ceux qui répon­dent à un manque pro­fond. Mais com­ment expli­quer un coup de foudre ?
Celui qui ressent douloureuse­ment sa soli­tude et pour la fuir fait du théâtre se recon­naît dans les pièces de Paul Emond. Celui-là par­court son théâtre avec délice, avec pas­sion, avec fer­veur et un arrière-goût de masochisme ; avec aus­si une cer­taine fièvre.

Pour un pro­fes­sion­nel habitué de longue date à lire d’in­nom­brables textes de théâtre, pour un met­teur en scène qui cherche et « hume » jour et nuit des pages et des pages pour les planch­es, être dans l’in­ca­pac­ité d’interrompre la lec­ture de ses pièces sig­ni­fie qu’il y décou­vre quelque chose. Quelque chose qui le fait souf­frir. Qui fait mal au lecteur, à l’auteur, au met­teur en scène. Quelque chose qui touche pro­fondé­ment l’Homme ! L’homme, le petit homme, le petit bon­homme ! On est dans un monde qui appar­tient aux petits bon­hommes. L’air qu’on respire ici a une vibra­tion ten­dre, triste et grotesque. Un bruit de vent. Recon­naiss­able. Un coup de vent cinglant et en même temps une douce bouf­fée. Le vent Tchekhov ! Ce Tchekhov plus froid que le dia­ble, selon les mots de Gor­ki.

Est-il cor­rosif Paul Emond ? Il est assuré­ment lucide. Sa ten­dresse est cru­elle. Dans son monde, le petit bon­homme, écrasé par l’époque, broyé par une vie hos­tile, se réveille en par­lant et vit en par­lant. Il par­le et par­le et par­le. Il vit grâce aux mots, il se cache par­mi les mots, il s’y perd et se rat­trape, il se drape dans la parole mais aus­si se dépouille jusqu’à los ! 

La vie sur l’île mag­ique de la « Paule­mondie », c’est la vie. On y trou­ve la ten­dresse, le grotesque, le grince­ment et le tin­te­ment. (Est-ce autrement sur le con­ti­nent de ‘Ichekhov ?) Atter­ris­sage et décol­lage. Le magna pol­lué du quo­ti­di­en et la détente. Envie de vol­er ? Théâ­tral­ité ! Le monde de partout. Le monde d’alentour et le monde de dedans ; l’u­nivers des petites gens, aplatis par un envi­ron­nement impi­toy­able, menaçant, écras­ant. Un univers com­posé de soli­tudes, châtré par l’in­tim­ité. Des soli­tudes sans mères. Des soli­tudes sans pères. Des craintes mul­ti­ples. La peur de sa pro­pre image. La peur de soi-même. La peur de l’autre. La vie, quoi ! Des soli­tudes qui refusent leur pro­pre com­pag­nie et s’échap­pent, fuyant dans le dis­cours !Soli­tudes effrayées par l’absolue plat­i­tude. Vies con­cassées, vies com­plète­ment plates. Avezvous remar­qué les cou­ver­tures des pièces éditées de Paul Emond ? Les cou­ver­tures créées par Maja Polack­o­va ? Je me pose la ques­tion suiv­ante : Les petits bon­shommes de Maja Polack­o­va sor­tent-ils du tour­bil­lon théâ­tral pro­pre à l’espace de la « Paule­mondie » ? S’y réfugient-ils effarés, écrasés, broyés par l’âpreté de la vie ? Se trou­vent-ils pro­jetés, tous, sur le mur de l’en­fer ?dans le noir ? Ou bien, essayent-ils de se sauver, en se dérobant devant la noirceur de leur exis­tence, pour se diriger vers l’île de la lucid­ité déli­cate, poé­tique et grotesque en s’accrochant comme de petits clowns aux cordes d’eau de ce Nia­gara de paroles ? 

Il y a aus­si l’hu­mour, Le regard acide, le doux-amer, le rire-pleur. Et de l’amour pour Tchekhov ain­si que pour ce cher Gogol.. Et l’ap­par­te­nance à une même con­frérie, celle des fous de théâtre ! Un par­ti qui, hélas, nulle part au monde ne se présen­tera aux élec­tions. Voilà assez de raisons pour con­cevoir deux pro­jets Paul Emond.… GRINCEMENTS ET AUTRES BRUITS, À L’OMBRE DU VENT, sut l’île mag­ique de la « Paule­mondie » ? Peut-être. 

Pro­pos traduits du roumain par Myra los­sif-Fis­chmann.

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Écrit par Adrian Lupu
Adri­an Lupu est met­teur en scène et dirige le théâtre de Galati en Roumanie. Il pré­pare actuelle­ment la...Plus d'info
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