Idéklic, un festival pour l’enfance et la jeunesse à la frontière du Haut-Jura

Entretien
Jeune Public

Idéklic, un festival pour l’enfance et la jeunesse à la frontière du Haut-Jura

Le 22 Mai 2025
Le spectacle de danse Goal-Fantaisie pour passement de jambes, de la compagnie Fattoumi-Lamoureux, qui sera présentée à l’édition 2025 d’Idéklic. Crédit : Laurent Philippe.
Le spectacle de danse Goal-Fantaisie pour passement de jambes, de la compagnie Fattoumi-Lamoureux, qui sera présentée à l’édition 2025 d’Idéklic. Crédit : Laurent Philippe.
Le spectacle de danse Goal-Fantaisie pour passement de jambes, de la compagnie Fattoumi-Lamoureux, qui sera présentée à l’édition 2025 d’Idéklic. Crédit : Laurent Philippe.
Le spectacle de danse Goal-Fantaisie pour passement de jambes, de la compagnie Fattoumi-Lamoureux, qui sera présentée à l’édition 2025 d’Idéklic. Crédit : Laurent Philippe.
Article publié pour le numéro

Depuis trente-cinq ans, chaque été, la petite ville de Moirans-en-Mon­tagne accueille Idék­lic, l’un des fes­ti­vals d’art vivant dédiés à l’enfance par­mi les plus anciens. Grâce au solide engage­ment de tout un ter­ri­toire, et de nom­breux bénév­oles, 15 000 vis­i­teurs vien­nent y décou­vrir des spec­ta­cles de haute qual­ité pen­dant qua­tre jours. Ren­con­tre avec Sylvie Mar­tin-Lah­mani1, en charge de la pro­gram­ma­tion artis­tique de ce « fes­ti­val inter­na­tion­al jeune pub­lic » en milieu rur­al, auquel on peut aus­si pren­dre part à plus d’un titre.

Quelle respon­s­abil­ité est-ce que cela représente de pro­gram­mer des spec­ta­cles jeune pub­lic ? 

« À Idék­lic, nous voulons offrir du diver­tisse­ment et des chocs artis­tiques, mais aus­si trans­met­tre des valeurs aux enfants : le respect de l’autre, le partage, la bien­veil­lance. Des valeurs comme la par­ité, la diver­sité ou l’écologie me tien­nent aus­si à cœur. Ces sujets peu­vent tra­vers­er le spec­ta­cle de manière légère, avec une approche poé­tique par exem­ple. Je priv­ilégie les formes qui posent des ques­tions, sans être péd­a­gogique ; qui offrent un espace de réflex­ion et aident à aigu­is­er l’esprit cri­tique. Les bons spec­ta­cles, selon moi, utilisent tout ce qui fait signe sur une scène : le texte, la musique, la danse, les images éventuelle­ment, pour s’adresser à tous les sens des enfants, pas seule­ment à leur cerveau. Idék­lic a lieu au cœur de l’été, dans un mag­nifique écrin jurassien, et s’adresse à un pub­lic famil­ial. C’est pourquoi je pense aus­si aux ‘‘grands’’ : j’aimerais que les spec­ta­cles les intéressent autant que les petits, qu’ils puis­sent retrou­ver leur ‘‘âme d’enfant’’, cette part d’imaginaire et de lib­erté, trop sou­vent refoulée avec l’âge de la matu­rité ; cette puis­sante capac­ité qu’ont les enfants à rêver. »

 Le public d’Idéklic sur l’un des sites en plein air du festival. Crédit : Idéklic.
Le pub­lic d’Idéklic sur l’un des sites en plein air du fes­ti­val. Crédit : Idék­lic.

La pro­gram­ma­tion suit une thé­ma­tique dif­férente chaque année. En 2025, il s’agit de « Drôles d’his­toires ! ». Com­ment faut-il l’entendre ?  

« Après avoir abor­dé le cabaret, en 2024, et l’image pro­jetée l’année précé­dente, j’avais envie de présen­ter des dra­matur­gies plurielles, de mon­tr­er com­ment les artistes écrivent des his­toires avec des lan­gages très var­iés. Par­mi la douzaine de pro­duc­tions que j’ai choisies, il y a des his­toires écrites avec les mots, dont Thélo­nius et Lola, de Serge Kribus, et deux propo­si­tions des Tréteaux de France-Cen­tre dra­ma­tique nation­al, une struc­ture impor­tante du réseau jeune pub­lic. Le par­rain de l’édition 2025 est d’ailleurs Paul Rondin, directeur de la Cité inter­na­tionale de la langue française. La pro­gram­ma­tion compte aus­si des his­toires écrites avec le corps, comme Relief, de la choré­graphe Maud Mar­quet, en dia­logue avec une géo­logue, et deux pièces choré­graphiques de la com­pag­nie Fat­tou­mi-Lam­oureux, recon­nue inter­na­tionale­ment. »

Le fes­ti­val pro­pose des spec­ta­cles pour tous les âges, y com­pris pour les bébés. Com­ment se déroule cette ren­con­tre avec les artistes ?

« D’un côté, on a des tout-petits, à par­tir de six mois, et les adultes qui les accom­pa­g­nent. De l’autre, des formes cour­tes qui con­juguent la mise en scène, le jeu, l’éveil sen­soriel, pour don­ner un moment véri­ta­ble­ment artis­tique. Je pense, par exem­ple, à une « sieste trapèze » – No Pan­i­ca­tion, avec San­dra Reichen­berg –, qui invi­tait à s’allonger pour regarder évoluer la trapéziste au-dessus de nous, au son de la gui­tare élec­trique. Mais aus­si à Pourquoi Pas !, spec­ta­cle sur les nou­veaux modes de parental­ité du TOF théâtre en Bel­gique. Les tout-petits for­ment un pub­lic hyper-atten­tif, qui réag­it spon­tané­ment tout au long de la représen­ta­tion. Chez eux, l’écoute est intense. Chez les artistes aus­si, d’ailleurs, qui peu­vent rebondir sur leurs réac­tions. C’est un partage per­ma­nent de sen­sa­tions en direct. Quant aux par­ents, ils regar­dent autant le plateau de théâtre que leur enfant. Se tisse une rela­tion tri­an­gu­laire, humaine­ment très forte, entre l’artiste, le bébé et le par­ent. » 

En plus des spec­ta­cles, le pub­lic a la pos­si­bil­ité de par­ticiper à des ate­liers très var­iés, de l’illustration à l’acrobatie en pas­sant par le djem­bé. Qu’est-ce que cela apporte au fes­ti­val ?

« Depuis la fon­da­tion d’Idéklic en 1989 par Chris­t­ian Piron et avec la prési­dente de l’association Dominique Lacroix aujourd’hui, les enfants vien­nent ici pour décou­vrir des spec­ta­cles, mais aus­si pour jouer et expéri­menter. Pen­dant qua­tre jours, une cinquan­taine d’ateliers sont pro­posés, autant que de représen­ta­tions ! Ce sont des espaces libres, sans critères d’admission : on a le droit d’essayer une activ­ité, puis de la quit­ter pour aller voir ailleurs, ou d’y rester la journée entière. Cette approche vient de la péd­a­gogie Freinet. Pour les petits habitués du fes­ti­val, il est tout aus­si naturel d’aller au spec­ta­cle que d’aller suiv­re un ate­lier. Ils n’ont pas de bar­rière cul­turelle pour pénétr­er dans une salle ni pour par­ler de ce qu’ils vien­nent de voir. » 

 Damien Bouvet, artiste de la compagnie Voix Off, dans le spectacle Pantoufle au cœur présenté à Idéklic en 2024. Crédit : Philippe Cibille.
Damien Bou­vet, artiste de la com­pag­nie Voix Off, dans le spec­ta­cle Pan­tou­fle au cœur présen­té à Idék­lic en 2024. Crédit : Philippe Cibille.

Ces dernières années, le fes­ti­val ménage une place aux pra­tiques ama­teurs. Pourquoi cette évo­lu­tion ?

« Les spec­ta­teurs et les bénév­oles ont un désir accru de par­ticiper à des pro­jets artis­tiques. C’est stim­u­lant pour tout le monde. Il ne s’agit pas de con­fon­dre ama­teurs et artistes. Je défends les pro­fes­sion­nels qui con­sacrent leur vie à leur art et pren­nent des risques pour créer et inven­ter. Je défends aus­si la pra­tique ama­teur, qui peut être catal­y­seur de ren­con­tres et de rela­tions essen­tielles. Le con­tact entre les deux peut pro­duire des déclics, sus­citer des voca­tions. Depuis deux ans, j’ai imag­iné des pro­jets par­tic­i­pat­ifs entière­ment pris en charge par des ama­teurs éclairés, comme la Pépinière Jeunes tal­ents d’Idéklic, ou L’Été aux bal­cons. De nom­breux tal­ents se cachent par­mi les 250 bénév­oles de dif­férentes généra­tions qui por­tent le fes­ti­val avec ent­hou­si­asme et pas­sion. Cette année, nous aurons aus­si des scènes ouvertes, sans lim­ite d’âge. »

Propos recueillis par NG 
INFOS PRATIQUES

35e édition du festival Idéklic
Du mercredi 9 au samedi 12 juillet 2025, à Moirans-en-Montagne (Jura)

Tél. : 03 84 42 00 28
Lien : https://www.ideklic.fr

Si besoin : Liens vers les spectacles cités
  1. Codi­rec­trice puis direc­trice édi­to­ri­ale d’Alter­na­tives théâ­trales (2016 – 2024) ↩︎
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Sylvie Martin-Lahmani
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Écrit par Naly Gérard
Jour­nal­iste indépen­dante spé­cial­isée dans la cul­ture, en par­ti­c­uli­er dans les arts du spec­ta­cle, depuis une ving­taine d’années. A...Plus d'info
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