J’accuse
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J’accuse

Le 26 Jan 2005
Article publié pour le numéro
Jean Christophe Lauwers-Couverture du Numéro 84 d'Alternatives ThéâtralesJean Christophe Lauwers-Couverture du Numéro 84 d'Alternatives Théâtrales
84
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J’accuse le monde de se men­tir
J’accuse le monde de cat­a­strophisme et d’amalgame
J’accuse ceux qui com­par­ent Auschwitz et Timisoara
J’accuse ceux qui com­par­ent et ne sépar­ent rien
J’accuse ceux qui accusent la démoc­ra­tie de tous les maux car ceux-là même l’ont instau­rée
J’accuse les hygiénistes, les eugénistes
J’accuse les anti-fumeurs, les anti-alcooliques, j’accuse les anti
J’accuse Mon­sieur Pro­pre d’avoir pris le monde en otage, j’accuse le monde de s’être lais­sé pren­dre en otage par Mon­sieur Pro­pre
J’accuse le manque d’accusation et le con­sen­sus général­isé, j’accuse la dém­a­gogie, le pop­ulisme, le pou­jadisme, j’accuse la démoc­ra­tie directe et la non-représen­ta­tiv­ité, j’accuse les hommes de refuser la poli­tique, j’accuse la poli­tique de refuser les hommes
J’accuse les intel­lectuels de vouloir devenir rois et poètes de cour, j’accuse les intel­lectuels de se sub­stituer aux poli­tiques, j’accuse les spé­cial­istes et les experts
J’accuse les artistes de n’être que des artistes
J’accuse les artistes de croire que tout leur est dû, j’accuse les artistes de ne rien défendre qu’eux-mêmes
J’accuse le théâtre de rester archaïque, de s’interdire tout dis­cours, j’accuse le théâtre de faire sem­blant que tout est comme avant
J’accuse le théâtre de faire croire qu’il ne peut sauver le monde, j’accuse le théâtre d’être trop mod­este, j’accuse le théâtre de faire croire qu’il ne peut que lire des let­tres sur l’ex-Yougoslavie
J’accuse les met­teurs en scène de s’aimer trop, de ne pas déclencher de con­flits
J’accuse les met­teurs en scène de refuser de haïr, j’accuse les met­teurs en scène de fab­ri­quer des spec­ta­cles, de pro­duire des images
J’accuse les acteurs de ne pas crier assez fort, j’accuse les acteurs de ne pas pren­dre le pou­voir, j’accuse les acteurs de s’excuser de pass­er
J’accuse les spec­ta­teurs d’accepter les con­ven­tions du théâtre, d’accepter de s’emmerder, de ne pas réa­gir, de ne pas quit­ter les salles en hurlant lorsqu’ils en ont assez du ron­ron mer­dassier des ténors de l’ennui
J’ordonne au monde de pos­er un regard sere­in sur ses déchire­ments
J’ordonne aux mil­lé­nar­istes et aux autres cat­a­strophistes de s’immoler immé­di­ate­ment
par le feu
J’ordonne l’exécution immé­di­ate de ceux qui ne sont pas prêts à se fâch­er avec leur voisin
J’ordonne la mise sous scel­lés du livre de la Genèse qui définit la cul­pa­bil­ité des hommes
dans l’affaire de l’assassinat du monde
J’ordonne aux hommes de devenir sur l’heure méga­lo­manes et ambitieux
J’ordonne l’arrestation immé­di­ate et la mise au cachot de tous les para­noïdes
et tous les para­noïaques de la terre
J’ordonne à Hélène de ne plus jamais revoir les garçons
J’ordonne au pape de lire les oeu­vres com­plètes du Mar­quis de Sade

Enfin, j’ordonne à tous les artistes de la planète de lire les œuvres de Vsevolod Mey­er­hold
et en par­ti­c­uli­er ce petit texte qu’il écrit en 1901 alors qu’il est âgé de 27 ans :
« Le désir des hau­teurs n’a de rai­son d’être que s’il est sans com­pro­mis. Il faut se bat­tre,
coûte que coûte. En avant, en avant, en avant ! Tant pis s’il y a des erreurs, tant pis si tout
est extra­or­di­naire, cri­ard, pas­sion­né jusqu’à l’horreur, dés­espéré au point de cho­quer,
de faire peur, tout sera mieux qu’une médi­ocrité dorée. Il ne faut jamais tran­siger,
mais tou­jours innover, jouer des feux mul­ti­col­ores, nou­veaux, jamais vus. Les feux aveu­g­lent,
mais ils se met­tent à flam­ber en vifs brasiers et nous habituent à la lumière. »

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Jean Christophe Lauwers-Couverture du Numéro 84 d'Alternatives Théâtrales
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Jean-Christophe Lauwers

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