Rodrigo García, homme de lettres

Théâtre
Portrait

Rodrigo García, homme de lettres

Le 8 Juil 2007
MURGA, scène de rue à Buenos Aires.
MURGA, scène de rue à Buenos Aires.

A

rticle réservé aux abonné.es
MURGA, scène de rue à Buenos Aires.
MURGA, scène de rue à Buenos Aires.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 93 - Ecrire le monde autrement
93

LES DERNIÈRES mis­es en scène de Rodri­go Gar­cía, ET BALANCEZ MES CENDRES SUR MICKEY, APPROCHE DE L’IDÉE DE MÉFIANCE, et le dip­tyque BORGES / GOYA font débor­der mots, phras­es puis textes entiers sur fond de scène. L’affrontement avec l’horreur mon­di­al­isée se man­i­feste moins par la prise à par­tie physique de ses pro­duits que par un geste d’écriture vis­i­ble, la poé­tique d’un vidéaste affichiste. Des gra­phies se don­nent comme matière, des écrans comme pages, et le théâtre comme un lieu de lec­ture trou­blé par l’exhibition de corps souf­frants, un ciel du verbe dressé sur une ter­restre scène de douleurs. Un écrivain – inspiré par la sus­pi­cion envers Borges – et un pein­tre – inspiré par les lumières de Goya – dia­loguent de part et d’autre d’une barre que ten­teraient d’effacer le passé d’écriture et le présent du jeu. Dans sa ver­ti­cal­ité, le texte s’inscrit comme néces­saire et vaine dom­i­na­tion de l’esprit sur l’horizontalité de corps qui con­tin­ueront de rouler sans cesse sur eux-mêmes, dans une fatal­ité de lait, de miel ou de boue.

Dans l’avant-propos de ET BALANCEZ MES CENDRES SUR MICKEY, suivi de APPROCHE DE L’IDÉE DE MÉFIANCE 1, Rodri­go n’en rejette pas moins ses textes pub­liés comme des « restes » de ses créa­tions théâ­trales, dif­fi­ciles à sépar­er d’elles. « Chaque mot est lié à un corps en sueur », insiste-t-il. Comme si, avant d’entrer en scène, les mots pressen­tis n’étaient pas déjà « en sueur », extraits à chaud de son com­bat quo­ti­di­en avec un monde qu’il réprou­ve, quand bien même l’ordre des phras­es s’établirait au moment de l’écriture scénique. Si ses mots sont des « restes » – comme il écrit aus­si –, ce sont ceux des échanges (de coups) entre celui qui se bat « pour élargir la lib­erté impos­si­ble » et un sys­tème d’enfermement mon­di­al­isé. Ces mots, qu’il affecte égale­ment de livr­er au titre de « sou­venir » au spec­ta­teur – « détri­tus », « amas de résidus », écrit-il enfin –, déga­gent un espace con­ceptuel durable, dont l’écriture, indé­ni­able­ment à vif, a acquis la dimen­sion d’une autre per­for­mance, enreg­istrée celle-là, d’où Rodri­go émerge comme plas­ti­cien et homme de let­tres, tant la dimen­sion lit­téraire reste con­sti­tu­tive de son théâtre.

Il insiste cepen­dant : ce n’est pas parce que ses textes sont « lis­i­bles » qu’ils sont pub­liés, mais parce qu’ils sont pub­liés qu’ils sont lis­i­bles. Ils ne pèseraient pas plus que le cos­tume d’un acteur endossé par un spec­ta­teur, une musique de scène recy­clée hors les murs. Il leur recon­naît assez d’intérêt pour leur accorder l’imprimatur mais, dans le même mou­ve­ment, affecte de leur tor­dre le cou. Tor­sion, con­tre-tor­sion : la fig­ure demeure au cœur de sa prob­lé­ma­tique de la raclée comme geste amoureux, démon­stra­tive d’une autre accul­tur­a­tion, célébra­tion d’un geste plus reten­tis­sant mais moins offen­sant que les insi­dieuses douceurs du verbe marc­hand. La fig­ure scelle le rap­port acteur-texte, mais aus­si celui de la scène et du spec­ta­teur. Sou­venons-nous de « l’action bais­er-gifle » qui ponctue, au sens strict – elle en forme le seul point typographique –, chaque page de VOUS ÊTES TOUS DES FILS DE PUTE, sou­venons-nous des « bran­lées » éduca­tives d’AGAMEMNON, des « raclées » non moins éduca­tives de FALLAIT RESTER CHEZ VOUS, TÊTES DE NŒUDS ou des « roustes » de L’HISTOIRE DE RONALD, LE CLOWN DE MCDONALD’S. Rodri­go se plaît à bais­er-gifler ses textes comme il se plaît à bais­er-gifler ses spec­ta­teurs.

A

rticle réservé aux abonné.es
Envie de poursuivre la lecture?

Les articles d’Alternatives Théâtrales en intégralité à partir de 5 € par mois. Abonnez-vous pour soutenir notre exigence et notre engagement.

S'abonner
Déjà abonné.e ?
Identifiez-vous pour accéder aux articles en intégralité.
Se connecter
Accès découverte. Accès à tout le site pendant 24 heures
Essayez 24h
Théâtre
Portrait
Rodrigo García
1
Partager
Partagez vos réflexions...
La rédaction vous propose
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total

 
Artistes
Institutions

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements