Le théâtre autrichien, encore et toujours …

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Le théâtre autrichien, encore et toujours …

Le 26 Juil 1999
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« APRÈS LES GUERRES PERDUES, il faut écrire des comédies » dit l’Homme dif­fi­cile de Hof­mannsthal, en citant Novalis… L’ef­fon­drement de l’Autriche le pri­va de la terre dans laque­lle il était enrac­iné. La pre­mière guerre mon­di­ale s’achève sur le mor­celle­ment de l’Em­pire aus­tro-hon­grois ; il n’en reste que le « moignon » ger­manophone, le dix­ième de la pop­u­la­tion d’a­vant 1914, sur un ter­ri­toire extrême­ment réduit — « L’Autriche, c’est ce gui reste », dira George Clé­menceau — et une cap­i­tale, Vienne, hydrocéphale. Un vide immense se creuse dans les con­sciences et dans les âmes. Une his­toire de près de mille ans a volé en éclats, sans qu’ apparem­ment rien ne sub­siste … L’étroitesse des fron­tières d’une part, le sen­ti­ment néces­saire­ment « ger­manique » nais­sant en République autrichi­enne d’autre part, la sépa­ra­tion rad­i­cale, hos­tile, avec les mul­ti­ples eth­nies « autrichi­ennes » antérieures, con­duisent le pays de l’in­cré­dulité d’abord, quant à sa chance de (sur )vivre au plan économique, poli­tique, cul­turel, à un nation­al­isme farouche, qui opposera notam­ment l’aus­tro-fas­cisme au nation­al-social­isme alle­mand. Quand Hitler accède au pou­voir, l’Autriche veut croire à son exis­tence pro­pre, indépen­dante, et voudra même se bat­tre pour sa République ; seule­ment, sous la men­ace immi­nente de l’an­nex­ion, le chance­li­er exhorte le peu­ple à « ne pas vers­er le sang des frères alle­mands » …

Ce vide, ce mor­celle­ment, cet éclate­ment sont exprimés et analysés par la philoso­phie révo­lu­tion­naire de la langue d’un Wittgen­stein, traités avec un implaca­ble sens cri­tique et satirique par Karl Kraus dans sa revue LE FLAMBEAU poussés à bout par Elias Canet­ti, notam­ment dans son roman AUTO-DA-FÉ et dans MASSE ET PUISSANCE somme de ses réflex­ions.

Le ques­tion­nement est repris après la (brève) péri­ode de mor­ti­fi­ca­tion gui suiv­it la deux­ième guerre mon­di­ale, après le choc que la décou­verte (tar­dive) de l’Holo­causte provo­qua (et con­tin­ue de provo­quer), après la prise de con­science que « après Auschwitz, on ne pou­vait plus écrire de poésie » … Une « bande » de jeunes artistes hétéro­clites, poètes, archi­tectes, musi­ciens, pein­tres, se retrou­vent dans le « Wiener Gruppe », foy­er expéri­men­tal aux effets et con­séquences sen­si­bles et vis­i­bles jusqu’à nos jours. Les écrivains de ce recom­mence­ment — Kon­rad Bay­er, H. C. Art­mann, Ernst Jan­dl, Elfriede May­rock­er, Ger­hard Rühm, Oswald Wiener et bien d’autres, mal­gré leur impact con­sid­érable sur la lit­téra­ture de langue alle­mande, gui dépasse large­ment les fron­tières de l’Autriche, ne sont pour­tant pas ou peu con­nus à l’é­tranger. Sans doute est-ce dû au fait même du traite­ment par­ti­c­uli­er qu’ils appliquent à leur langue mater­nelle. Ils se ressour­cent au « sein » des dialectes, les utilisent tels quels ; ils affir­ment ain­si égale­ment leur dif­férence par rap­port à la langue « offi­cielle », celle gui avait été épurée par les régimes fas­ciste et nazi et qui est tou­jours infec­tée par les con­tenus de l’idéolo­gie et de la pro­pa­gande des vingt années passées.

Dès 1943, l’Autriche est non seule­ment recon­nue non coupable par les Forces Alliées, mais pre­mière vic­time de Hitler. La « bonne con­science » gui en résulte réduit au silence pub­lic ceux gui pour­tant con­nais­sent la vérité ; un voile de silence se pose sur la par­tic­i­pa­tion active et sou­vent ent­hou­si­aste de la plu­part des Autrichiens aux atroc­ités de la guerre et des camps …

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Écrit par Heinz Schwarzinger
Heinz Schwarzinger (Hen­ri Christophe) est le tra­duc­teur de nom­breux auteurs de théâtre ger­manophones dont Ôdiin von Hor­vath, Elfriede...Plus d'info
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