Fragments d’un discours sur le théâtre

Fragments d’un discours sur le théâtre

Le 24 Juin 2004
Patrick Descamps dans Out de Thomas Bernhard, mise en scène Marc Liebens. Photo: Danièle Pierre.
Patrick Descamps dans Out de Thomas Bernhard, mise en scène Marc Liebens. Photo: Danièle Pierre.

A

rticle réservé aux abonné·es
Patrick Descamps dans Out de Thomas Bernhard, mise en scène Marc Liebens. Photo: Danièle Pierre.
Patrick Descamps dans Out de Thomas Bernhard, mise en scène Marc Liebens. Photo: Danièle Pierre.
Article publié pour le numéro
Michèle Fabien-Couverture du Numéro 63 d'Alternatives ThéâtralesMichèle Fabien-Couverture du Numéro 63 d'Alternatives Théâtrales
63
Article fraîchement numérisée
Cet article rejoint tout juste nos archives. Notre équipe le relit actuellement pour vous offrir la même qualité que nos éditions papier. Pour soutenir ce travail minutieux, offrez-nous un café ☕

Atget : Ce que vous pou­vez écrire, c’est que le vieil homme a tra­ver­sé
beau­coup de temps, mais qu’il n’a rien appris, sauf une chose,
aujour­d’hui, que la pho­to, par­fois, vous fait aller là
où il n’y a plus rien, et que c’est bien ain­si. ATGET ET BERENICE.

En août 1992, Michèle Fabi­en avait accep­té de répon­dre à quelques ques­tions sur l’écri­t­ure et le « méti­er » d’au­teur dra­ma­tique dans le cadre d’une réflex­ion sur le statut et l’image du dra­maturge dans l’in­sti­tu­tion théâ­trale en Bel­gique fran­coph­o­ne. Ces quelques pages n’ont jamais été pub­liées. Michèle Fabi­en y livre des remar­ques sur son par­cours, sur le théâtre, avec une grande spon­tanéité et beau­coup de sim­plic­ité. Son regard, par­fois sans illu­sion, sait aus­si se col­or­er d’ironie. Un regard mali­cieux dont les pho­tos et le sou­venir pro­tè­gent désor­mais la trace. 

Com­ment on devient auteur…

PENDANT L’ADOLESCENCE, comme beau­coup de jeunes, j’ai écrit toutes sortes de choses : des poèmes, des romans que je n’ai jamais ter­minés, des jour­naux intimes, et aus­si une pièce en alexan­drin et en cinq actes dont les per­son­nages s’appelaient — quelle orig­i­nal­ité ! — Pyrrhus, Andro­maque, Hermione, etc. Le cinquième acte n’a jamais été ter­miné. Heureuse­ment ! 
Ce qui, plus tard, a stim­ulé cette activ­ité, c’est mon inca­pac­ité à devenir actrice. Sur une scène, avec mon corps, je suis inca­pable de pass­er à la fic­tion ; avec les mots, c’est plus facile.
Dif­fi­cile de par­ler des auteurs qui m’ont influ­encée : ado­les­cente, j’aimais beau­coup Racine ; à l’âge adulte, j’ai décou­vert Genet et Brecht. Brecht le théoricien plus que l’auteur, d’ailleurs. Cela a déter­miné une con­cep­tion du théâtre comme pra­tique civique, et pas mal de ques­tions sur la représen­ta­tion, l’il­lu­sion dra­ma­tique, le leurre, le faux-sem­blant, le mimétisme, etc.
Mais en ce qui con­cerne le pas­sage à l’écri­t­ure de fic­tion, c’est HAMLET-MACHINE de Hein­er Müller qui a, selon moi, été la pièce La plus déter­mi­nante. Ce texte qui ne ressem­blait pas à une pièce de théâtre m’a libérée. Je me suis dit : « Si on n’est plus obligé de faire des sit­u­a­tions, des per­son­nages, des entrées et des sor­ties, si on n’est plus obligé de racon­ter une intrigue, alors, cela peut être intéres­sant d’écrire pour le théâtre ». J’au­rais dû savoir cela déjà à par­tir des lec­tures que j’avais faites des Grecs, mais il se fait que c’est le tra­vail sur Müller qui a re-déter­miné une autre façon de Lire les pièces grec­ques, plus intéres­sante, je crois. 

L’émer­gence

Ma pre­mière pièce mon­tée n’est pas ma pre­mière pièce écrite. La pre­mière pièce mon­tée s’ap­pelle JOCASTE, c’est une sorte de com­mande. Je tour­nais autour d’ŒDIPE ROI depuis un bon bout de temps, j’au­rais bien aimé que Marc Liebens monte cette pièce, mais lui, qui avait ter­miné un tra­jet sur les « clas­siques » et ne se con­sacrait plus qu’aux con­tem­po­rains, m’a pro­posé de faire une JOCASTE. Con­trainte : il ne faut qu’un seul per­son­nage — pour des raisons économiques évi­dentes — et il faudrait imag­in­er un musi­cien. 

Le regard sur cette pre­mière fois

Un regard ému, for­cé­ment, recon­nais­sant aus­si, vis-à-vis du met­teur en scène et de l’ac­trice qui ont pris le risque de jouer le texte de quelqu’un qui n’avait, et pour cause, aucune répu­ta­tion d’au­teur. Ensuite, j’ai Atget : Ce que vous pou­vez écrire, c’est que le vieil homme a tra­ver­sé beau­coup de temps, mais qu’il n’a rien appris, sauf une chose, aujour­d’hui, que la pho­to, par­fois, vous fait aller là où il n’y a plus rien, et que c’est bien ain­si. ATGET ET BERENICE. eu la chance de la voir jouée dans qua­tre mis­es en scène dif­férentes et par trois actri­ces dif­férentes. À chaque fois, des choses dif­férentes se passent 

La place de l’auteur de théâtre con­tem­po­rain dans l’in­sti­tu­tion

Mon cas est un peu par­ti­c­uli­er puisque je suis dra­maturge à l’Ensem­ble Théâ­tral Mobile et que c’est dans le cadre de cette insti­tu­tion que j’écris mes pièces, que je fais les dra­matur­gies, les tra­duc­tions et les adap­ta­tions. Il n’y a donc pas à pro­pre­ment par­ler de sec­onde pro­fes­sion et mon activ­ité de dra­maturge est très liée dialec­tique­ment à mon activ­ité d’au­teur. Écrire pour le théâtre, c’est, pour moi, répon­dre à un spec­ta­cle précé­dent, l’interroger, le cri­ti­quer, l’u­tilis­er, etc.
Je ne suis donc pas oblig­ée d’en­voy­er mes man­u­scrits à gauche et à droite comme on envoie des bouteilles à la mer en sachant très bien qu’ils ne seront pas lus. Il ne faut pas se faire d’illusion : un auteur qui tra­vaille seul dans son coin sans aucune con­nivence avec le monde du théâtre (et de préférence le monde des met­teurs en scène, car ce ne sont pas les acteurs qui déci­dent) un auteur soli­taire, donc, n’a, je pense, pra­tique­ment aucune chance d’être mon­té.
Les auteurs con­tem­po­rains n’é­tant pas très con­nus, ne font pas recette. Des directeurs courageux peu­vent met­tre à leur pro­gramme ou peu­vent s’adjoindre un ou deux con­tem­po­rains, mais pas plus : insti­tu­tion­nelle­ment, ils n’ont pas le droit de vider les salles à tous les coups. Ils ne cherchent donc pas sys­té­ma­tique­ment des textes nou­veaux. Cela dit, je trou­ve quand même que les auteurs con­tem­po­rains ont leur place dans les insti­tu­tions. Des gens comme Michel Deutsch, Enzo Cor­mann, Yves Laplace, Philippe Minyana, Joël Jouan­neau sont mon­tés régulière­ment, et pas dans des petits théâtres incon­nus. 

A

rticle réservé aux abonné·es
Envie de poursuivre la lecture?

Les articles d’Alternatives Théâtrales en intégralité à partir de 5 € par mois. Abonnez-vous pour soutenir notre exigence et notre engagement.

S'abonner
Déjà abonné.e ?
Identifiez-vous pour accéder aux articles en intégralité.
Se connecter
Accès découverte 1€ - Accès à tout le site pendant 24 heures
Essayez 24h
1
Partager
auteur
Écrit par Michèle Fabien
Michèle Fabi­en est l’au­teur de plusieurs textes de théâtre : JOCASTE, NOTRE SADE, SARA Z, TAUSK, CLAIRE LACOMBE, ATGET...Plus d'info
Partagez vos réflexions...
Précédent
Suivant
Article publié
dans le numéro
Michèle Fabien-Couverture du Numéro 63 d'Alternatives Théâtrales
#63
mai 2025

Michèle Fabien

24 Juin 2004 — Écrit peu après les cinq tableaux de GRINCEMENTS ET AUTRES BRUITS, ce texte en aurait constitué le sixième, si je…

Écrit peu après les cinq tableaux de GRINCEMENTS ET AUTRES BRUITS, ce texte en aurait con­sti­tué le six­ième,…

Par Paul Emond
Précédent
23 Juin 2004 — AU COMMENCEMENT — c’est comme dans le grand livre! — il y a des mots. Des mots qui se pressent.…

AU COMMENCEMENT — c’est comme dans le grand livre ! — il y a des mots. Des mots qui se pressent. Qui cherchent, qui insis­tent. Qui cherchent un corps à habiter. Qui insis­tent pour devenir une…

Par Paul Emond
La rédaction vous propose

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements

Mot de passe oublié ?
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total