WOYZECK « d’en bas »

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WOYZECK « d’en bas »

Le 20 Avr 2004
WOYZECK de Büchner, mise en scène de Thomas Ostermeier, Schaubühne de Berlin, 2003. Photo Arno Declair.

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WOYZECK de Büchner, mise en scène de Thomas Ostermeier, Schaubühne de Berlin, 2003. Photo Arno Declair.
Article publié pour le numéro
Théâtre à Berlin-Couverture du Numéro 82 d'Alternatives ThéâtralesThéâtre à Berlin-Couverture du Numéro 82 d'Alternatives Théâtrales
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LES PIÈCES DU MÉTÉORE LITTÉRAIRE1 ont été mon­tées tant de fois. Qu’est-ce qui inspire, attire, attise encore la saine colère des met­teurs en scène de Büch­n­er, quelle sub­stan­tifique moelle Thomas Oster­meier prélève-t-il de l’animal Woyzeck ? Sans doute un peu de cette bes­tial­ité qui est le pro­pre de l’homme : cri­ante dans les villes-casernes d’Allemagne du début du XIXe siè­cle ; hurlante dans les cités d’aujourd’hui.

L’art du mon­tage

WOYZECK est un puits d’images qui per­met des tra­duc­tions visuelles très var­iées. Dernière­ment, William Ken­tridge en a fait une adap­ta­tion pour mar­i­on­nettes. Pas éton­nant quand on sait que le fiévreux Büch­n­er nous décrit, pau­vres humains, comme des pan­tins « manœu­vrés par des forces incon­nues ». André Engel avait égale­ment réal­isé une ver­sion très réussie. Un découpage ciné­matographique don­né à voir par le truche­ment d’une machiner­ie, qui per­me­t­tait l’éclatement du dis­posi­tif en de mul­ti­ples aires de jeu, reliées par des fon­dus-enchaînés réglés par un gigan­tesque diaphragme. Cette pièce frag­men­taire se prête bien au jeu de la recom­po­si­tion. Pas de découpage en actes, mais une série de scènes cour­tes dont l’ordon- nance­ment fait s’arracher les cheveux à quelques tra­duc­teurs et autres met­teurs en scène courageux2. À leur tour, Thomas Oster­meier et son dra­maturge Mar­ius Von Mayen­burg ont dû pren­dre à bras-le-corps ces ques­tions d’écriture. Optant comme Engel pour un art du mon­tage ciné­matographique, mais sans recourir à un dis­posi­tif qui l’évoquerait, ils ont recom­posé la pièce comme un scé­nario de film. Si l’essentiel du texte alle­mand d’origine est con­servé – quelques par­ties sont coupées, d’autres incon­nues de la ver­sion française3 –, la véri­ta­ble par­tic­u­lar­ité de cette adap­ta­tion tient à l’ajout de plusieurs scènes muettes. Non pas de sim­ples tran­si­tions diver­tis­santes, mais des « natures vivantes » à part entière. Petites choré­gra­phies sur­réal­istes sur fond de rap toni­tru­ant, strip-tease grotesque et hila­rant du cap­i­taine… Ces moments de jeu sem­blent emportés par la gestuelle et les déci­bels et les tableaux entrent en col­li­sion, relayés par la bande-son. Moments de silence, crisse­ments, tubes anglo-sax­ons ou rap hyp­no­tique et menaçant… hantent le plateau comme autant de rup­tures sonores pour ces scènes auto-tam­pon­neuses.

WOYZECK hic et nunc

On l’aura com­pris, ce WOYZECK-là par­le de nos con­tem­po­rains à nos con­tem­po­rains. Inspiré de l’histoire vraie de Johann Chris­t­ian Woyzeck, à la fin du XVI­I­Ie siè­cle, le per­son­nage inven­té par Büch­n­er était un sim­ple sol­dat : vic­time d’un cap­i­taine qui l’exploite, sujet d’expérimentation d’un doc­teur Mabuse, et trompé par la femme qu’il aime. Au bas de la hiérar­chie sociale, il n’est plus ce petit mil­i­taire sans car­rière, mais un de ceux « d’en bas » – pour emprunter à une sin­istre expres­sion min­istérielle en cours. Le WOYZECK d’Ostermeier est un de ces « sans » – logis, tra­vail, papi­er… –, un exclu de nos sociétés relégué à la périphérie d’une ville quel­conque. Un indi­vidu proche d’une réal­ité que l’on préfère ignor­er. Par souci de vraisem­blance his­torique, poli­tique et psy­chologique, Büch­n­er avait cam­pé son per­son­nage en puisant dans des comptes-ren­dus juridiques de l’époque. Armé d’un même souci de vérité, Oster­meier trans­plante l’histoire dans une cité. Au cen­tre du plateau, une place assez sor­dide avec un point d’eau desservi par un énorme tuyau d’évacuation, le tout cerné par un amphithéâtre de béton. À part une baraque à frites plan­tée là en per­ma­nence, quelques chais­es, un pro­jecteur, des mer­guez et autres tripes de chat… sont intro­duits au fil du réc­it. Sur la scène, dans le loin­tain, à cour et à jardin, sur les murs latéraux de la salle où le pub­lic est instal­lé, l’on ne voit que pylônes, immeubles et fils élec­triques.

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Sylvie Martin-Lahmani
Professeure associée à la Sorbonne Nouvelle, Sylvie Martin-Lahmani s’intéresse à toutes les formes scéniques contemporaines....Plus d'info
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