Entretien avec Xavier Schaffers
Bernard Debroux : Quelles sont les étapes qui ont abouti au GRAND BAL DES MAROLLES ?
Xavier Schaffers : Le théâtre des Tanneurs m’a demandé d’assurer la coordination du projet. J’ai d’emblée dit que si le travail débouchait sur un spectacle, ça m’intéresserait d’en faire la mise en scène. On a travaillé en équipe, c’est essentiel pour ce genre de démarche. Tant pour l’écriture, assurée par Veronika Mabardi, que pour les ateliers menés par les deux comédiens Étienne Vanderbeelen et Béatrice Didier. Les ateliers se déroulaient sous mon regard et celui de l’auteur. Plein de techniques ont été abordées au sein de ces ateliers. Ils se déroulaient sans objectifs précis, il n’y avait pas d’obligation de résultats à la clé, mais la volonté d’un aboutissement concret. Il y avait donc une grande fragilité ; à tout moment ça pouvait s’arrêter ou aller vers autre chose. Il y avait aussi la volonté de création d’un groupe digne de ce nom. Le groupe est capital, prioritaire, tant pour la cohésion du travail que pour la cohésion d’ambiance. II y avait donc à la fois un aspect structuré par les techniques de travail et par la rigueur exigé par la régularité et le travail à long terme mais aussi un aspect ludique, donc pas nécessairement blindé sur le plan de la discipline. C’est une envie commune qui avance d’étapes en étapes et qui reste ouverte très longtemps. On démarre sur rien, on ne sait pas du tout ce que ça peut donner au bout d’un an de travail. Parfois c’est assez flippant, car on n’avait toujours pas de texte au mois de juin, alors que la première du spectacle était prévue pour le début du mois d’octobre. On a finalement eu les brochures début septembre. C’est important dans ces moments-là de garder la confiance du groupe.
Bernard Debroux : Pendant ce temps-là, avais-tu connaissance des entretiens que faisait Veronika Mabardi ?
Xavier Schaffers : J’avais eu connaissance de la masse considérable des entretiens qu’elle avait ramenés dans la période préalable au démarrage proprement dit et j’étais sur le terrain au moment où elle les poursuivait encore au théâtre pendant le travail d’atelier. C’était fascinant parce que les participants ne racontaient pas nécessairement la même chose et de la même manière dans les entretiens avec Veronika et lorsqu’ils s’exprimaient sur le plateau. Les techniques servaient à faire émerger des choses, toujours de façon ludique mais avec une certaine rigueur. Qu’est-ce que c’est mettre le pied sur un plateau, qu’est-ce que c’est jouer ensemble, qu’est-ce que c’est prononcer un mot, une phrase, face au public ou avec un partenaire ou en marchant lentement, ou en faisant une action. C’étaient de petites choses mais avec la difficulté qu’on ne leur faisait jamais jouer un rôle. C’était très difficile à un certain moment de faire vivre cette dialectique : les comédiens sont sur scène et en même temps, ils sont eux-mêmes. On tenait à ce que les choses viennent des participants eux-mêmes et qu’il n’y ait rien, dans le contenu, qui leur soit imposé de l’extérieur. Par les exercices, par l’ambiance, par les synergies créées, il faut arriver à ce que les choses viennent de leur propre personne, que le théâtre leur donne une parole à eux et pas notre parole. Nous apportons les techniques qui peuvent faire fleurir cette parole.


