Le Théâtre Océan Nord, un théâtre implante dans son quartier
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Le Théâtre Océan Nord, un théâtre implante dans son quartier

Le 24 Oct 2004
Article publié pour le numéro
Le théâtre dans l'espace social - Couverture du Numéro 83 d'Alternatives ThéâtralesLe théâtre dans l'espace social - Couverture du Numéro 83 d'Alternatives Théâtrales
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L’art du théâtre doit s’ou­vrir au flux de la vie qui lui reste étrangère. C’est la scène qu’il faut ouvrir, la scène comme espace pra­tique, matériel. Il ne s’agit plus d’y accueil­lir les objets du monde, ce sont les hommes qu’il faut y faire entr­er. Non pas leur image mais leurs sin­gu­lar­ités et leurs groupes, en effet, vivants. Il faut ouvrir les scènes à la venue de ceux qui en sont ban­nis : les non-acteurs sup­posés, les non-artistes. Il y a sans doute place pour des spec­ta­cles pro­fes­sion­nels jouant entre eux, admet­tons. Pas de rai­son de vouloir leur peau. Mais il faut ouvrir les scènes aux altéra­tions de la vie externe, par 1’intrusion effec­tive des vivants du dehors.

Denis Gué­noun,

LE THÉÂTRE EST-IL NÉCESSAIRE ?

C’est dans cet esprit qu’auront lieu, en décem­bre 2004, les troisièmes Ren­con­tres d’ateliers du Théâtre Océan Nord. Un événe­ment bisan­nuel, au suc­cès de plus en plus évi­dent, et qui s’ouvre cette année à des pro­jets à la fois de prox­im­ité, mais aus­si à d’autres venus de France et de Pologne1. L’occasion aus­si, comme chaque fois, de présen­ter au pub­lic le spec­ta­cle issu d’un ate­lier mène au théâtre Océan Nord, dont Isabelle Pousseur assure elle-même la mise en scène, en col­lab­o­ra­tion avec Rosa Gas­quet et Amid Chakir.

Mais ces Ren­con­tres sont surtout le moment de répon­dre ou plutôt de refor­muler cette ques­tion de la place du théâtre dans son envi­ron­nement social, de ceux qui le font et de ceux qui vien­nent le voir. Les Ren­con­tres con­stituent un événe­ment phare pour la vis­i­bil­ité que le théâtre tient et a tou­jours tenu à avoir dans le quarti­er. Situé depuis 1996 à deux pas du quarti­er Nord, dans une rue rel­a­tive­ment hétérogène peu­plée majori­taire­ment de familles immi­grées, le Théâtre Océan Nord ne s’est pas posé là par hasard.

Récit d’une aventure

En 1993, Isabelle Pousseur tra­ver­sa une crise artis­tique, se sen­tant, mal­gré le suc­cès de ses spec­ta­cles, séparée d’avec le pub­lic et la réal­ité. Elle voulait rompre avec un théâtre pra­tiqué pour des raisons fan­tas­ma­tiques et per­son­nelles où le met­teur en scène se lance des défis artis­tiques un peu fous2, craig­nant de tomber dans un plaisir théâ­tral pur qui pou­vait 1’éloigner d’un ques­tion­nement sur la place du théâtre dans la société d’aujourd’hui. Cette crise aboutit d’une part sur À CEUX QUI NAÎTRONS APRÈS NOUS (1994), spec­ta­cle qu’elle a vécu comme une réponse à cette ques­tion de la ren­con­tre avec le réel. Une réponse non pas poli­tique mais intime. Un spec­ta­cle lim­ite : sans auteur, ni texte, ni mise en scène. Une espèce de prom­e­nade. De l’autre, sur la rédac­tion d’un pro­jet d’atelier d’acteurs pro­fes­sion­nels à Brux­elles et à Mar­seille, avec, déjà, 1’idée de faire un tra­vail sur la ville et de touch­er des ado­les­cents. Ce pro­jet n’a pas abouti alors, mais le désir est resté tenace.

À la fer­me­ture de 1’Atelier Saint-Anne3, Isabelle Pousseur sent qu’elle n’a d’autre solu­tion que d’ouvrir un lieu, et la néces­sité de s’investir dans la direc­tion de celui-ci, afin de pou­voir être respon­s­able de la ques­tion du rap­port au pub­lic et de faire des ate­liers. En 1996, sa Com­pag­nie trou­ve un lieu à Schaer­beek, faisant le choix réel de s’implanter dans un quarti­er défa­vorisé. Elle ne voulait pas par­tir de 1’idée de réalis­er un tra­vail poli­tique­ment cor­rect, mais essay­er de faire en sorte que la ren­con­tre soit dou­ble. Ce sen­ti­ment que le réel lui échap­pait, Isabelle Pousseur espérait y répon­dre par ce tra­vail d’atelier, tout en se deman­dant ce qu’elle pou­vait, elle, apporter à des ado­les­cents qui ne se des­ti­naient pas spé­ciale­ment à faire du théâtre. Les ate­liers n’avaient pas pour but d’occuper les jeunes du quarti­er. Tout de suite, est apparue 1’idée de se servir d’outils pro­fes­sion­nels, et la volon­té d’avoir cette hon­nêteté-là : ce qu’elle pou­vait leur apporter c’était son expéri­ence de met­teur en scène et de péd­a­gogue4. Voilà donc le Théâtre Océan Nord par­ti à la ren­con­tre du quarti­er via les asso­ci­a­tions, les groupes, afin de pro­mo­tion­ner un ate­lier pour ado­les­cents5. Isabelle Pousseur voulait tra­vailler sur la ques­tion iden­ti­taire, espérant de la sorte touch­er les jeunes de Schaer­beek : les faire inter­roger leur famille, etc., cher­chant ain­si à con­tin­uer le tra­vail entre­pris sur À CEUX QUI NAÎTRONS APRÈS NOUS, avec des ama­teurs cette fois. Mais c’est un échec. Parce que l’adolescence n’est sans doute pas le moment de ques­tion­ner 1’héritage, mais plutôt celui où 1’on rêve d’être quelqu’un d’autre et de se dégager de sa pro­pre his­toire. Échec aus­si en ceci que 1’équipe ne parvint pas à garder les jeunes du quarti­er. Que fait un jeune homme habitué a être dans la frime face à 1’impudeur qui con­siste à mon­ter sur un plateau ? Enfin, le théâtre s’est trou­vé con­fron­té à un phénomène de groupe pro­pre aux jeunes garçons du quarti­er, qui fait que si 1’un s’en va, tous le suiv­ent.

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Écrit par Catherine Mailleux
Cather­ine Mailleux a tra­vail­lé comme inter­prète, assis­tance à la mise en scène et dra­maturge (auprès de Rahim Elas­ri,...Plus d'info
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