Soit une ville d’Europe. D’importance moyenne, elle fait 200 000 habitants, le double si 1’on compte sa banlieue très peuplée. Des monuments ou ce qu’il en teste témoignent de son passe ancien et parfois glorieux. Mais elle est surtout ville du grand essor industriel du XIXe siècle, houille et métaux faisant sa richesse. Sans parler des guerres, elle a connu au XXe deux cataclysmes : le déclin fatal de son Industrie et une « promotion » immobilière sauvage qui devait la défigurer. Et 1’on passe sous silence une gestion municipale sans envergure et qui a mis la cite au bord de la faillite. Aujourd’hui, elle panse ses plaies et pense a sa reconversion. Elle se sait déclassée par rapport a d’autres villes du même calibre. Elle peut craindre aussi que beaucoup des siens 1’abandonnent pour tenter fortune ailleurs. Mais elle se dit que les villes ne meurent pas ainsi et qu’elle garde pas mal de ressources qui lui viennent de ses traditions comme de ceux qui, venus d’ailleurs, ont choisi de s’y implanter. Cette ville-la pourrait porter différents noms. Convenons de dire que c’est de Liège qu’il s’agit
Et bien cette Liège se demande aujourd’hui comment remonter la pente. Plus exactement, quelques-uns se le demandent. Pour les autres, ils restent indifférents a la question pour la raison qu’ils n’ont jamais été associés a un débat public touchant 1’avenir de leur cite et les politiques a mettre en œuvre pour son redressement. Cependant, pour des raisons historiques, Liège possède une forte conscience d’elle-même. Mais cela ne suffit pas a en faire une communauté urbaine intégrée et soucieuse de son devenir. De longue date d’ailleurs, il y eut dans cette agglomération industrielle clivage et manque de communication entre la cite bourgeoise et sa ceinture rouge — clivage que ne réduisaient qu’épisodiquement la foire annuelle ou le marche dominical. Et ce clivage se perpétue avec 1’actuel manque d’intérêt pour les immigrés, nombreux et divers, et leurs cultures. Or, la ville est réputée conviviale ; elle fait rarement montre de racisme. Mais c’est comme si, cette bonhomie lui suffisant, elle lui tenait lieu de certificat de civisme. À 1’heure qu’il est, c’est devenu un assez pauvre alibi.
La question est désormais de mobiliser une collectivité dans toutes ses parties. Mais, il ne faut pas se leurrer, la division sociale demeure et ne risque guère de se réduire au moment ou le déclin économique atteint les groupes les plus domines. On ne peut la dépasser qu’en créant le double sentiment que la ville — au sens large —est un espace social partagé et qu’il y a lieu de s’y mettre tous pour le mettre en valeur. Il est vrai qu’a cet égard telles réalisations publiques — une place centrale rénovée, une gare futuriste — peuvent aider a faire naître ce sentiment. Mais place ou gare demeurent des coquilles vides tant qu’elles ne sont pas liées a quelque pratique ou projet commun.

