Ouvertures

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Le 31 Déc 2009
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 102-103 - Côté Sciences
102 – 103

« CÔTÉ SCIENCES » est né d’une envie d’explorer le théâtre de Jean-François Peyret et la con­nivence par­ti­c­ulière qu’il noue avec le monde du lab­o­ra­toire. Ce numéro a été imag­iné avec sa com­plic­ité : il cherche à ren­dre compte d’une démarche par­ti­c­ulière qui con­siste, depuis quinze ans, à inviter le chercheur au théâtre et à en faire un acteur de la créa­tion. Les spec­ta­cles issus de son « accoin­tance » avec les hommes et les femmes de sci­ence sont présen­tés ici comme autant d’expériences, dont le point com­mun est ce désir d’ouverture de la scène à des voix et des matéri­aux peu habituels.

En prenant comme point de départ son geste d’invitation du chercheur au théâtre, nous avons cher­ché d’autres per­spec­tives européennes sur les con­ver­sa­tions qui peu­vent se nouer entre le théâtre et les sci­ences : en Grande-Bre­tagne, où ces expéri­ences se mul­ti­plient, mais aus­si dans des créa­tions ital­i­ennes, belges et espag­noles. Ce numéro ne pré­tend pas épuis­er la ques­tion « théâtre et sci­ences », mais pro­pose au lecteur quelques chemins dans ce nou­veau paysage, quelques pistes fondées sur des affinités, des gestes partagés par des dra­maturges et des met­teurs en scène d’horizons très dif­férents. Le fil con­duc­teur de cette explo­ration a été celui du dia­logue avec la sci­ence. Sont donc priv­ilégiées les œuvres qui, comme celles de Luca Ron­coni en Ital­ie ou de Simon McBur­ney en Grande-Bre­tagne, sont nées de col­lab­o­ra­tions avec des chercheurs. Et lorsqu’il s’agit d’aborder des spec­ta­cles de fac­ture plus clas­sique, comme LA VIE DE GALILÉE de Bertolt Brecht ou COPENHAGEN de Michael Frayn, nous don­nons la parole à des représen­tants du pub­lic sci­en­tifique de ces pièces, qui nous livrent ici leurs réac­tions. « Côté sci­ences » réu­nit ain­si des entre­tiens et des analy­ses de spec­ta­cles, des réac­tions de per­son­nal­ités sci­en­tifiques à l’image de la sci­ence que leur pro­pose la scène, et des textes com­posés par des chercheurs dans l’optique d’un théâtre à venir.

Galilée est notre pre­mier guide dans ce voy­age : fig­ure incon­tourn­able de la ten­ta­tion sci­en­tifique du théâtre, il hante toutes les inter­ac­tions de la scène et du lab­o­ra­toire. Il s’agit en effet d’un dou­ble mythe : celui du père de la sci­ence mod­erne, celui aus­si d’une pièce, LA VIE DE GALILÉE, dont l’influence a été con­sid­érable sur la représen­ta­tion de la sci­ence après Hiroshi­ma. Son spec­tre provoque ici une réac­tion en chaîne, qui com­mence par la dénon­ci­a­tion dra­ma­tique du texte de Brecht pro­posée par Lewis Wolpert dans BONSOIR, MONSIEUR GALILÉE, puis se pro­longe dans une série de répons­es à l’ellipse tracée par Jean-François Peyret autour de Galilée (et de Brecht) dans son TOURNANT AUTOUR DE GALILÉE, pro­posées par Lau­rent Jean­pierre, Françoise Bal­ibar, Nat­acha Michel et Julie Valero. À ces deux grandes fig­ures de la sci­ence au théâtre s’ajoute alors celle de Dar­win : des drames biographiques de Tim­ber­lake Werten­bak­er et Peter Par­nell aux VARIATIONS DARWIN de Jean-François Peyret et Alain Prochi­antz, celle-ci est de plus en plus présente dans la créa­tion con­tem­po­raine. L’auteur de L’ORIGINE DES ESPÈCES est perçu ici à la lumière d’un pro­jet de col­lab­o­ra­tion entre le biol­o­giste Stephen Jay Gould et le met­teur en scène Luca Ron­coni, dia­logue inter­rompu dont Kirsten Shep­herd-Barr nous livre la sub­stance.

L’investigation se pour­suit ensuite sur le mode de la réplique : Jean-François Peyret répond aux ques­tions de Georges Banu, et les spec­ta­teurs de son théâtre lui ren­voient des inter­ro­ga­tions sur ce que pour­rait être un « théâtre de l’expérience » (Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour), puis sur les modal­ités d’un « théâtre de la preuve » qui évit­erait les écueils du théâtre d’idées (Elie Dur­ing). Ces réflex­ions sont suiv­ies des témoignages de deux math­é­mati­ciens sur leur par­tic­i­pa­tion à une créa­tion : celui de Michèle Audin sur sa col­lab­o­ra­tion avec Jean-François Peyret pour LE CAS DE SOPHIE K., et celui de John Bar­row sur la mise en place du dis­posi­tif d’INFINITIES par Ron­coni au Pic­co­lo Teatro de Milan. Le filon math­é­ma­tique nous mène ain­si en Ital­ie, avant de nous attir­er de l’autre côté de la Manche, où les expéri­ences de Simon McBur­ney et de sa com­pag­nie Com­plicite pren­nent le con­tre­pied de celles du Pic­co­lo. Tan­dis que Ron­coni a cher­ché à libér­er la représen­ta­tion de la sci­ence de la forme du drame biographique, McBur­ney a choisi au con­traire de met­tre en scène des math­é­mati­ciens célèbres, et de s’inspirer de leurs écrits pour explor­er le poten­tiel esthé­tique et métaphorique de leur dis­ci­pline. Ce recours poé­tique au dis­cours de la sci­ence est représen­tatif de bon nom­bre d’expériences ten­tées aujourd’hui en Grande-Bre­tagne, et nous pro­posons donc un par­al­lèle entre l’approche de Com­plicite et celle de deux autres com­pag­nies de théâtre bri­tan­niques : On The­atre et Unlim­it­ed The­atre.

Cette explo­ration se con­clut par une série de réflex­ions sur la façon dont la théorie sci­en­tifique peut se muer en matéri­au dra­maturgique. Alain Prochi­antz revient sur le dia­logue qu’il a noué au fil des spec­ta­cles avec Jean-François Peyret, et rêve à ce lan­gage qui per­met à la scène comme au lab­o­ra­toire d’interroger le vivant. Puis l’influence de la mécanique quan­tique sur le théâtre con­tem­po­rain est exam­inée à tra­vers les expéri­ences de trois dra­maturges : l’Espagnol Raúl Hernán­dez Gar­ri­do, le Bri­tan­nique Michael Frayn, et le Belge Paul Pourveur. Ces dra­maturges ont trou­vé une inspi­ra­tion formelle et thé­ma­tique dans la physique, et le rap­port ain­si con­stru­it entre la scène et la théorie quan­tique est abor­dé ici à l’aide de per­spec­tives com­plé­men­taires : du point de vue d’une spec­ta­trice lit­téraire (Agnès Surbezy), d’un physi­cien (Adri­an Kent) et d’un dra­maturge (Paul Pourveur). Enfin – retour au plateau – Yan­nick Butel nous entraîne dans les couliss­es du fes­ti­val d’Avignon pour suiv­re les impro­vi­sa­tions organ­isées par Jean-François Peyret en com­pag­nie d’acteurs et de chercheurs prêts à se livr­er à des expéri­ences inhab­ituelles. Afin de don­ner au lecteur une idée con­crète des « matéri­aux » ain­si pro­duits pour le théâtre, nous lais­sons finale­ment la parole à ces invités sci­en­tifiques : Miroslav Rad­man, Alain Prochi­antz, Jean-Claude Weill, Jean Lassègue, Philippe Descamps et Philippe Desco­la nous livrent leurs pen­sées et leurs provo­ca­tions pour le théâtre d’aujourd’hui.

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Liliane Campos
Liliane Campos est attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’université de Paris 4 et...Plus d'info
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