LILIANE CAMPOS : Dans NEUTRINO, votre premier spectacle lié à la physique, vous avez utilisé une conférence sur la physique en contrepoint de la pièce. Des scènes entre personnages dans un train alternent avec des exposés tout à fait pseudo-scientifiques sur les neutrinos. Pourquoi avez-vous décidé d’utiliser la physique des particules dans cette pièce ?
Jon Spooner : Nous aimions l’idée d’interconnexion, c’est-à-dire que selon la représentation du monde de la physique quantique nous ne sommes que des atomes et nous sommes connectés, à un niveau physique très profond, à tout le monde et à toutes les choses qui nous entourent. Cela était très intéressant pour nous en tant qu’artistes, car ça correspond à notre vision du monde. Nous recherchons ces connexions entre les gens, c’était donc une bonne analogie. De plus, nous nous sommes intéressés au langage de la popular science (vulgarisation scientifique) car aujourd’hui les gens s’intéressent de plus en plus à la science.
Or, une grosse partie de la science populaire est populiste, elle n’est pas correcte et induit en erreur. Ben Goldacre a souvent écrit à ce sujet dans le quotidien britannique « The Guardian » ainsi que dans son livre BAD SCIENCE . Un exemple est la peur du vaccin MMR, surtout dans ce pays (ndlr : Grande-Bretagne). Une étude affirmait des liens entre ce vaccin et l’autisme et cela a pris une ampleur démesurée. Les gens s’en inquiètent encore dix ans plus tard alors que cette crainte a été entièrement provoquée par la réaction des médias.
En outre, nous nous sommes toujours intéressés en tant que troupe de théâtre à la force du langage et à son pouvoir d’évoquer des mondes. Et avec ce langage de science populaire, qui passionnait les gens, on a pu utiliser des mots ayant une consonance impressionnante et intéressante concernant la physique quantique alors que personne ne savait vraiment ce qu’ils voulaient dire. Nous voulions utiliser ce style de langage à travers une conférence pour proposer des concepts qui semblaient justes mais qui étaient complètement faux. Nous suivions une logique très claire au travers d’explications sur le fonctionnement des neutrinos et l’idée centrale était que si un neutrino nous touche, une coïncidence se produit.
L. C.: Les comparaisons que vous avez utilisées dans les conférences, comme l’image du tir de petits pois dans une cathédrale, m’a fait penser à une parodie des images que l’on trouve dans la physique populaire.
J. S.: Absolument, Chris Thorpe a écrit ces conférences et Chris Goode, avec qui nous travaillions à l’époque, a écrit le dialogue du train en réponse aux répétitions. Les idées d’interconnexion et de coïncidence étaient présentes aussi bien dans la conférence que dans le dialogue.
L. C.: Comment le texte de TANGLE a‑t-il été conçu ?