Varier, Demeurer, Hériter, Transmettre

Entretien
Théâtre

Varier, Demeurer, Hériter, Transmettre

Le 10 Déc 2009

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Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 102-103 - Côté Sciences
102 – 103

MICHEL DEZOTEUX, Mar­cel Del­val et Philippe Sireuil avaient trente ans lorsqu’ils ont fondé le Théâtre Varia. En marge de la paru­tion du numéro hors série de notre revue con­sacré à l’histoire de ce théâtre 1, une table ronde publique avait lieu le ven­dre­di 2 octo­bre 2009.

Réu­nis­sant une dizaine de jeunes met­teurs en scène trente­naires face à plusieurs des fon­da­teurs du lieu, la ren­con­tre avait pour ambi­tion de met­tre à jour les préoc­cu­pa­tions artis­tiques et les enjeux insti­tu­tion­nels trans­mis d’une généra­tion à l’autre.

On trou­vera ici un ensem­ble d’instantanés, for­mant un aperçu des sujets abor­dés ce soir-là…

Antoine Laubin : Dans un texte récent 2, notre col­lab­o­ra­trice Nan­cy Del­halle recen­sait trois car­ac­téris­tiques nou­velles des met­teurs en scène des années deux mille : une émer­gence dans un con­texte de pro­duc­tion où une cer­taine mécanic­ité existe, due à des réformes struc­turelles du secteur ; un souci « thé­ma­tique » lais­sant sou­vent davan­tage de place à la prob­lé­ma­tique de la trans­mis­sion qu’à celle de l’inaugural ; la fin de la rela­tion dialec­tique entre le texte et la scène comme « enjeu majeur où s’élabore la sig­na­ture du met­teur en scène ». Com­mençons par le dernier élé­ment cité. Pensez-vous que la rela­tion texte – scène ne con­stitue plus l’enjeu majeur de votre tra­vail ?

Anne Thuot : À l’intérieur du Groupe Toc, même si les rôles sont défi­nis, tout se décide col­lec­tive­ment. C’est cette expéri­ence com­mune, la théâ­tral­ité que nous met­tons en place petit à petit, qui déter­mine notre désir de tra­vail.

Jeanne Dan­doy : Je n’ai jamais mon­té d’autres textes que les miens. C’est mon désir de par­ler d’un sujet qui est déter­mi­nant et j’utilise l’écriture comme mon out­il d’actrice ou de mise en scène. Je pense à un spec­ta­cle avant de penser à un texte.

Sabine Durand : Pour ma part, j’ai tra­vail­lé sur base des textes d’auteurs. Au bout du tra­vail, il me sem­blait qu’il s’agissait plus d’un proces­sus de trahi­son de cet auteur que de vas­sal­i­sa­tion de son pro­pos. Il s’agissait d’être au plus près d’un auteur pour mieux le trahir, pour qu’il s’agisse d’une belle trahi­son, ce qui implique un rap­port de prox­im­ité et de con­nais­sance de cet auteur. En ce sens, il peut y avoir de la « réécri­t­ure » même si on ne change pas le texte.

Aurore Fat­ti­er : Je partage ce point de vue. J’ai mon­té jusqu’ici des textes clas­siques et je vais bien­tôt chang­er de prob­lé­ma­tique puisque je m’attaque à de l’adaptation, notam­ment romanesque. Je m’aperçois que mon­ter PHÈDRE s’inscrivait dans une logique de for­ma­tion con­tin­ue au sor­tir de l’école. Le cadre clas­sique me ser­vait de filet dans une sorte d’«entraînement ». À l’INSAS (école de théâtre de Brux­elles), on tra­vaille beau­coup sur le texte, on nous apprend à être indépen­dant vis-à-vis de lui. Si je n’avais pas vécu le choc entre une cer­taine tra­di­tion française et l’enseignement reçu à cette école, je n’aurais pas fait les choses de la même façon. Ma mise en scène de PHÈDRE s’inscrit aus­si en réac­tion à la manière dont d’autres mon­tent PHÈDRE en France, Chéreau par exem­ple.

Sel­ma Alaoui : Le texte est le matéri­au qui vient con­cré­tis­er un désir de parole. On cherche le texte le plus proche de ce désir et s’il ne con­vient pas totale­ment, on le manip­ule, on le tord. L’enjeu n’est pas de don­ner une nou­velle ver­sion de tel ou tel texte mais de se l’approprier. Ce n’est sans doute pas une nou­velle chose dans l’histoire de la mise en scène. Ce qui change peut-être, c’est la hiérar­chi­sa­tion du tra­vail qui dimin­ue. Les acteurs ou tech­ni­ciens sont de moins en moins les exé­cu­tants des idées du met­teur en scène.

Denis Lau­jol : Mes envies de mise en scène nais­sent tou­jours de lec­tures. Je ressens une urgence et une néces­sité à mon­ter un texte quand sa lec­ture fait écho à une préoc­cu­pa­tion intime pour moi et qu’elle fait sens pour aujourd’hui. C’est aus­si bête que ça. Étant d’abord comé­di­en, je suis habité en pre­mier lieu par l’envie de trans­met­tre une parole.

Antoine Laubin : On peut relever que les met­teurs en scène présents aujourd’hui sont pour la plu­part égale­ment des acteurs. Ce « cumul » était net­te­ment plus rare il y a trente ans.

Denis Lau­jol : C’est cer­taine­ment un phénomène généra­tionnel. Le rap­port de tra­vail décrit par Sel­ma provoque la fin de la sacral­i­sa­tion du met­teur en scène.

Combats…

Yan­nic Man­cel : On retrou­ve dans les pro­pos tenus ici ce car­bu­rant qu’est le meurtre du père. Pour tuer le père, il faut le fan­tas­mer. Quand j’entends par­ler de trahi­son, j’entends donc aus­si le fan­tasme de la fidél­ité, qui n’existait déjà plus dans les précé­dentes généra­tions. Tout acte de mise en scène est d’un cer­tain point de vue sac­rilège. Il serait intéres­sant de vous enten­dre à pro­pos de ce qui a lieu sur les scènes insti­tu­tion­nelles aujourd’hui, sachant que ceux qui les occu­pent ont été eux-mêmes les meur­tri­ers de la généra­tion d’avant. Quel est l’enjeu du com­bat, réel ou fan­tas­ma­tique, entre la généra­tion d’aujourd’hui et celle des pères, qui sont aus­si des par­rains puisqu’ils vous invi­tent dans leurs lieux ou ont été vos pro­fesseurs (ce qui, bien enten­du, com­plique la donne)?

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Antoine Laubin
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Metteur en scène au sein de la compagnie De Facto.Plus d'info
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