La gemellité dans le travail de Tadeusz Kantor

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La gemellité dans le travail de Tadeusz Kantor

Entretien avec Leslaw et Vaclaw Janicki

Le 17 Nov 2000
LA CLASSE MORTE, mise en scène Tadeusz Kantor, 1977. Photo Marc Enguerand.
LA CLASSE MORTE, mise en scène Tadeusz Kantor, 1977. Photo Marc Enguerand.
LA CLASSE MORTE, mise en scène Tadeusz Kantor, 1977. Photo Marc Enguerand.
LA CLASSE MORTE, mise en scène Tadeusz Kantor, 1977. Photo Marc Enguerand.
Article publié pour le numéro
Le théâtre dédoublé-Couverture du Numéro 65-66 d'Alternatives ThéâtralesLe théâtre dédoublé-Couverture du Numéro 65-66 d'Alternatives Théâtrales
65 – 66
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Anne-Lau­re Czapla : Quand vous tra­vaillez avec les mar­i­on­nettes, est-ce que ces objets sont des adver­saires ou des parte­naires dans le jeu ? L’acteur charge la mar­i­on­nette de sa présence ou est-il con­t­a­m­iné par son absence ?

Les jumeaux : Il y a une sym­biose entre l’acteur et la mar­i­on­nette. Ce phénomène était présent pen­dant la péri­ode du Théâtre de la Mort car il soulig­nait la fron­tière frag­ile qui sépare la vie de la mort. Il ne s’agit pas d’une lutte con­tre l’objet.

Anne-Lau­re Czapla : Pour­tant, dans LA CLASSE MORTE, la poupée accrochée à l’acteur sem­ble le gên­er.

Les jumeaux : L’objet est une pro­thèse et il représente les com­plex­es et les prob­lèmes des per­son­nages. Les gens vivent avec leurs prob­lèmes mais ce n’est pas encom­brant. Il y a une unité parce que la vie ne peut pas exis­ter sans la mort.

Anne-Lau­re Czapla : Dans WIELO– POLE-WIELOPOLE, vous con­fondez l’acteur qui joue le prêtre et le man­nequin qui est son dou­ble. Est-ce que l’objet est au même niveau que l’acteur ?

Les jumeaux : Nous avons joué de la même façon avec l’acteur et le man­nequin. C’était une sit­u­a­tion nor­male et il n’y avait pas de dif­férence entre les deux.

Anne-Lau­re Czapla : Quel type de sen­ti­ment ressen­tez-vous dans LA CLASSE MORTE lorsque Kan­tor met en scène cette fusion entre le bio-objet (la fig­ure de cire) et l’acteur ?

Les jumeaux : La présence de la mar­i­on­nette facilite le jeu d’acteur. On est sur le plateau en étant con­scient qu’on n’est pas nor­mal et le spec­ta­teur voit cette excrois­sance. On n’a pas besoin de jouer de vieux messieurs qui revi­en­nent dans leur classe d’école car ce bagage qu’est la fig­ure de cire le sug­gère. Ce procédé théâ­tral lim­ite le jeu d’acteur au sens tra­di­tion­nel du terme. L’objet-machine implique un con­flit et le man­nequin une fusion… C’est l’autre type de jeu avec l’objet.

LA CLASSE MORTE, mise en scène Tadeusz Kantor, 1977. Photo Marc Enguerand.
LA CLASSE MORTE, mise en scène Tadeusz Kan­tor, 1977. Pho­to Marc Enguerand.

Anne-Lau­re Czapla : Est-ce que l’acteur établit davan­tage de rela­tions avec l’objet qu’avec son parte­naire ?

Les jumeaux : Kan­tor ne voulait pas que les scènes de dia­logues entre acteurs unis­sent les per­son­nages. Il préférait qu’on ne se regarde pas lorsqu’on se par­lait sur la scène car il a tou­jours voulu rompre avec le dia­logue théâ­tral con­ven­tion­nel.

Anne-Lau­re Czapla : En ce qui con­cerne la présence des man­nequins, Kan­tor dit s’être inspiré du TRAITÉ DES MANNEQUINS de Bruno Schulz. Ce dernier prône la matière et la camelote pour créer le monde une sec­onde fois. Le man­nequin rem­place l’homme alors que chez Kan­tor il est mod­èle. Com­ment est-ce que Kan­tor remod­èle cette théorie de Schulz ?

Les jumeaux : Ce qui est impor­tant pour Kan­tor si on par­le de man­nequin ou de sosie et qui était absent chez Schulz, c’est la gémel­lité. Le fait que nous soyons qua­si­ment iden­tiques extérieure­ment et dif­férents intérieu- rement lui plai­sait beau­coup. Le hasard de notre ren­con­tre l’a aidé à réalis­er son idée du dou­ble, du man­nequin. Déjà dans LE PETIT MANOIR, les deux actri­ces à l’intérieur du char­i­ot à ordures étaient maquil­lées de la même manière et elles devaient faire des mou­ve­ments iden­tiques, pour met­tre en scène son idée nais­sante du dou­ble.

Anne-Lau­re Czapla : Le man­nequin en tant que présence de l’absence représente-t-il pour vous une présence ou une absence dans le jeu ?

La marionnette du prêtre de WIELOPOLE- WIELOPOLE, mise en scène Tadeusz Kantor, 1980. Photo Anne-Laure Czapla.
La mar­i­on­nette du prêtre de WIELOPOLE- WIELOPOLE, mise en scène Tadeusz Kan­tor, 1980. Pho­to Anne-Lau­re Czapla.

Les jumeaux : Cet objet est tou­jours une présence bien con­crète. L’acteur ne joue pas mais « il est ». Il n’a pas con­science qu’il porte quelque chose de mort, mais ce man­nequin est un parte­naire révéla­teur de la mort ou du manque de vie. Dans WIELOPOLE- WIELOPOLE, la scène où on joue sur la con­fu­sion entre le vrai prêtre et son sosie-man­nequin, révèle que c’est le faux (le man­nequin) qui est le vain­queur. Il nous a fal­lu des mois pour ren­dre compte de ce prob­lème dans le jeu.

Anne-Lau­re Czapla : Est-ce que l’objet, tou­jours dégradé, est le maître de l’émotion ?

Les jumeaux : Les objets sont une mémoire. Lorsqu’un enfant trou­ve un objet sans valeur dans la rue il est capa­ble de lui don­ner « le rang le plus haut » car il cache un grand secret. Kan­tor est revenu à son enfance et il a trou­vé la vérité et la force de ce com­porte­ment. Ain­si sur scène tout est fait de matéri­aux sim­ples (bois ou métal) comme les jou­ets d’autrefois. Dans QU’ILS CRÈVENT LES ARTISTES !, le char­i­ot représente ce retour à l’enfance.

Pro­pos recueil­lis par Anne-Lau­re Czapla.

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Vaclaw Janicki
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