Denis Marleau met en scène INTÉRIEUR
IL N’EST PAS SI FRÉQUENT qu’entre un dramaturge et un metteur en scène finisse par se révéler, comme naturellement, une sorte d’harmonie préétablie. C’est pourtant bien en termes d’affinités électives qu’il faudrait parler aujourd’hui de la rencontre de ces deux francophones du Nord que sont Maurice Maeterlinck et Denis Marleau. Ils se tendent la main de part et d’autre du XXe siècle écoulé. Les représentations du théâtre de Maeterlinck sont rares en dehors de la terre natale de l’écrivain. Plus rares encore celles appelées à faire date. Raison de plus de saluer le travail exemplaire accompli par Marleau sur INTÉRIEUR, un des moins joués parmi les drames de l’auteur de PELLÉAS, et pourtant peut-être son chef d’œuvre, jadis entré même au répertoire de la Comédie-Française.
Le fait que Denis Marleau a éprouvé le désir de monter aujourd’hui LES AVEUGLES de Maurice Maeterlinck, une mise en scène au sous-titre éloquent de « fantasmagorie technologique », éclaire au reste, rétrospectivement, le propos impliqué hier par sa mise en scène d’INTÉRIEUR, du même Maeterlinck, en 2001, donnée à Montréal, puis à Sceaux, près de Paris.
En effet, comme l’a bien vu le metteur en scène québécois, INTÉRIEUR est une pièce qui interroge déjà directement la mise en scène, et notamment le dispositif scénographique, visuel, lequel s’inscrit jusqu’au cœur même du texte du drame. Non seulement la didascalie liminaire souligne la sophistication d’un double espace (d’une part celui d’une chambre éclairée où l’on ne distingue que, de loin, des silhouettes muettes ; d’autre part celui d’un no man’s land extérieur ombreux d’où s’expriment des récitants appelés à commenter le destin de ces mêmes silhouettes); mais encore le dialogue lui-même explicite ces jeux complexes du regardé/regardant, vu/non vu :
Le Vieillard : « Ils regardent l’enfant »
L’Étranger : « Ils ne savent pas que d’autres les regardent »
Le Vieillard : « On nous regarde aussi »
L’Étranger : « Ils ont levé les yeux »
Le Vieillard : « Et cependant ils ne peuvent rien voir »