Une fantasmagorie technologique

Une fantasmagorie technologique

Entretien avec Denis Marleau

Le 5 Juil 2002
Céline Bonnier et Paul Savoie dans LES AVEUGLES de Maurice Maeterlinck, fantasmagorie technolo- gique de Denis Marleau, 2002. Photo Richard-Max Tremblay.
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Céline Bonnier et Paul Savoie dans LES AVEUGLES de Maurice Maeterlinck, fantasmagorie technolo- gique de Denis Marleau, 2002. Photo Richard-Max Tremblay.
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Article publié pour le numéro
Modernité de Maeterlick-Couverture du Numéro 73-74 d'Alternatives ThéâtralesModernité de Maeterlick-Couverture du Numéro 73-74 d'Alternatives Théâtrales
73 – 74
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Entre­tien avec Denis Mar­leau

LOUISE ISMERT — Quand ce pro­jet des AVEUGLES :FANTASMAGORIE TECHNOLOGIQUE et cette idée de pouss­er votre recherche à l’extrême, à la lim­ite du théâtre, ont-ils émergé ?

Denis Mar­leau — Cette recherche s’est dévelop­pée au fil de ma pra­tique théâ­trale, qui oscille entre le besoin d’éprouver toute dra­maturgie comme machine à ren­dre compte du réel et un désir de me con­fron­ter à d’autres modes d’expression artis­tique. Car les rêves de représen­ta­tion se trou­vent sou­vent au-dehors du théâtre lui-même, et il m’apparaît que la lit­téra­ture en con­stitue un des plus rich­es réser­voirs. Ce qui fait que ma pra­tique de mise en scène s’appuie aus­si sur une quête de ten­sion entre le sens, la voix, le corps, les formes, le rythme, pour don­ner une présence théâ­trale au texte lit­téraire. Un texte dont les enjeux dra­maturgiques ou poé­tiques inter­ro­gent ma pra­tique de mise en scène comme cela s’est pro­duit avec INTÉRIEUR, qui déplie le lan­gage en une longue didas­calie com­men­tant de l’extérieur ce qui se joue au-dedans d’une mai­son. Cette pre­mière ren­con­tre avec Maeter­linck m’a con­duit vers cette autre œuvre de jeunesse, LES AVEUGLES, où dès mes pre­mières lec­tures se sont, imposés le masque et la vidéo. Un choix qui a le mérite, me sem­ble-t-il, de désen­com­br­er l’acteur de son per­son­nage. Un choix qui recoupe mes recherch­es sur le sym­bol­isme au théâtre qui, au dire même d’Artaud, « n’est pas seule­ment un décor mais aus­si une façon pro­fonde de sen­tir ».

L. I. — Vous avez choisi d’approfondir votre com­préhen­sion de l’œuvre de Maeter­linck avec LES AVEUGLES, qui est égale­ment une pièce sur l’attente. Qu’est-ce qui vous retient dans cette dra­maturgie ?

D. M. — À la fois la moder­nité de sa vision théâ­trale et la prég­nance de son écri­t­ure qui induit, si on y est vrai­ment atten­tif, les con­di­tions mêmes de sa représen­ta­tion. Maeter­linck, qui était en quête d’un nou­veau corps pour le per­son­nage, avait imag­iné un théâtre d’androïdes remet­tant en cause la médi­a­tion de l’acteur. Comme essay­iste, il a ain­si ori­en­té l’art théâ­tral de son temps vers une représen­ta­tion des forces occultes en inven­tant ces notions de trag­ique quo­ti­di­en et de per­son­nage sub­lime par lesquelles il tente de reli­er la scène au monde cos­mique. En fait, ce qui me touche plus intime­ment dans ses écrits, c’est cette approche du sen­si­ble qu’il abor­de par l’évocation de l’enfance et de la vieil­lesse, ces deux temps de l’homme qui tra­versent sou­vent ensem­ble cha­cune de ses œuvres. La part muette de nos pen­sées, le désar­roi, l’inquiétude et le doute y sont dévelop­pés comme des principes act­ifs qui élèvent l’esprit humain plutôt que de l’appauvrir.

L. I. — Une des nou­veautés de l’écriture dra­ma­tique de Maeter­linck réside dans le boule­verse­ment du dia­logue, les paroles, les répliques, sou­vent ne se répon­dant pas. Com­ment avez-vous tra­vail­lé le texte ?

D. M. — Une part impor­tante de la dra­maturgie mod­erne et actuelle me sem­ble con­cernée par ce « boule­verse­ment du dia­logue » dont vous par­lez. Il est vrai qu’à la fin du XIXe siè­cle, peu d’auteurs ont pro­posé de telles béances dans le dis­cours théâ­tral et que cela fait de Maeter­linck un précurseur de Samuel Beck­ett qui portera plus loin encore le con­stat de la fail­lite du lan­gage ou de la ruine du dia­logue. Avec ces douze aveu­gles pétri­fiés dans les ténèbres, qui écoutent autant qu’ils ne par­lent, le texte instau­re un espace men­tal don­nant l’impression d’une quête dés­espérée de sens, comme si les per­son­nages étaient à la recherche d’une poly­phonie ou d’une unité per­due.

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