FAUT-IL opposer écoles affiliées à un théâtre (ou écoles d’un maître) aux écoles générales (conservatoires, académies ou universités) ? Je ne le crois pas. Les jeunes qui cherchent leurs voies dans la profession et l’art de l’acteur, ont devant eux aujourd’hui de nombreuses possibilités de formation, toutes valables et pas du tout incompatibles. Car la grammaire de base de l’art de l’acteur ne dépend ni de styles, ni de genres. C’est Stanislavski qui l’a le premier ressenti, au-delà du naturalisme propre au travail théâtral de son l’époque. Qu’attend-on des études ? Une période de concentration sur les outils de base de la voix, du corps et de l’esprit pour qu’ils deviennent plus aigus, un espace d’exercice pour que la liberté créative aille de pair avec la discipline nécessaire. L’école est une parenthèse créative dans la vie de l’acteur : on peut être acteur sur scène sans passer par une école, ou revenir aux études et aux ateliers après une expérience de scène.
J’ai pris la direction des études de l’École du Théâtre National de Grèce en 2007. Elle m’a été confiée par Yannis Houvardas, le directeur artistique fraîchement nommé du théâtre. Il m’a laissé le champ libre pour une rénovation complète de l’École d’Acteurs rattachée au Théâtre National : sa philosophie, son personnel enseignant et son fonctionnement. L’École du Théâtre National de Grèce est l’une des deux écoles publiques (et non payantes) de Grèce. Fondée dans les années trente, elle a acquis un très grand prestige par la qualité des enseignements fournis et le recrutement sévère de ses élèves (seize sont retenus chaque année parmi six cents candidats environ). C’est une école publique chargée de former des acteurs professionnels durant trois années d’études ultra-intensives (neuf heures par jour, quarante-cinq heures par semaine). Son intégration au Théâtre National la laisse entièrement indépendante des implications bureaucratiques de l’Éducation nationale, mais elle reste toujours dépendante de la direction artistique du théâtre et de son budget. Demain ou après-demain, quand un autre directeur sera nommé à la tête du Théâtre National, l’école pourra peut-être changer radicalement de méthode et de direction artistique.
Le parcours historique de cette École est significatif des questions soulevées dans ce dossier : destinée originellement aux besoins de « reproduction », et de renouvellement de la troupe du Théâtre National, elle est restée pendant des années « fermée » dans son style qui, jusque dans les années soixante, était très reconnaissable et différent du style de théâtre propre à l’autre pôle de la scène théâtrale grecque, le Théâtre d’Art de Karolos Koun 1 – qui lui aussi avait sa propre école.
Dans les années 1980, l’École du théâtre National est devenue une école générale qui alimente la totalité de la vie théâtrale (on pourrait la rapprocher du Conservatoire National de Paris). En revanche, l’école « adversaire », celle du Théâtre d’Art, qui après la mort de son fondateur Koun s’est voulue gardienne de son style et de sa « tradition », est tombée progressivement dans la déchéance.
Avec Norman c’est comme normal, à une lettre près, Clément Thirion, jeune metteur en scène belge, signe sa première production…