Le Young Vic de Londres, un théâtre qui met en danger

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Le Young Vic de Londres, un théâtre qui met en danger

Le 23 Juil 2011
Le Young Vic Theatre de Londres. Photos Ellie Kurttz

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Le Young Vic Theatre de Londres. Photos Ellie Kurttz
Article publié pour le numéro
Couverture du 109 - Le théâtre en sa ville
109
Le Young Vic The­atre de Lon­dres. Pho­to Ellie Kurttz.

LE YOUNG VIC est très act­if, surtout en pro­duc­tions de spec­ta­cles. Le prin­ci­pal critère dans le choix des pro­duc­tions est tout sim­ple­ment le goût de mes col­lègues et le mien. J’aime dif­férents styles théâ­traux – les nou­velles pièces, les anci­ennes, les pièces accom­pa­g­nées de musique, les comédies musi­cales, les opéras – donc notre réper­toire est large. La seule restric­tion que nous avons est que si nous lisons quelque chose à pro­pos de la pièce dans un jour­nal et que nous ne nous dis­ons pas : « C’est une pièce que j’ai vrai­ment envie de voir », alors nous ne la pro­duisons pas. Nous ne pro­duisons que des spec­ta­cles aux­quels nous accorde­ri­ons per­son­nelle­ment une soirée au théâtre et qui, sans nous, ne seraient représen­tés nulle part ailleurs.

L’autre critère, qui est même plutôt une règle, est que chaque spec­ta­cle que nous créons doit don­ner l’opportunité à quelqu’un de faire quelque chose qu’il n’a jamais faite avant. Un jeune met­teur en scène ayant la pos­si­bil­ité de tra­vailler dans un plus grand espace, par exem­ple, ou avec une plus grande équipe, ou alors un met­teur en scène expéri­men­té faisant un tra­vail d’un style entière­ment nou­veau, ou, comme le spec­ta­cle qui se joue actuelle­ment, un célèbre met­teur en scène européen tra­vail­lant en anglais pour la pre­mière fois. La jeune per­son­ne dont nous admirons le tal­ent et qui dirige son pre­mier spec­ta­cle pro­fes­sion­nel ou Patrice Chéreau faisant sa pre­mière pro­duc­tion en anglais font donc tous deux par­tie de la même grande idée : un théâtre qui met en dan­ger. Nous espérons ressen­tir plus de peur que notre pub­lic, tout en leur trans­met­tant une par­tie de cette ten­sion.

Cette règle rend chaque spec­ta­cle dif­férent du précé­dent. Dans la sai­son actuelle, un clas­sique de Ten­nessee Williams est suivi d’une nou­velle adap­ta­tion musi­cale d’un roman racon­tant un mas­sacre dans une petite ville tex­ane. Celle-ci est suiv­ie d’une recon­cep­tion rad­i­cale d’un opéra de Mon­tever­di, qui est elle-même suiv­ie d’une pièce de Jon Fos­se prenant place au milieu de la mer. Pour chaque spec­ta­cle, nous essayons d’imaginer quel pub­lic l’auteur ou le com­pos­i­teur aurait voulu touch­er. Générale­ment, il n’y a qu’une seule réponse : tout le monde. Tous les auteurs écrivent pour le monde entier – pour qui d’autre ? 

Donc, avec nos petits moyens, nous ten­tons d’attirer le monde dans notre bâti­ment. Nous main­tenons les prix des places aus­si bas que pos­si­ble, nous offrons dix pour cent des tick­ets aux voisins, quelle que soit la pres­sion au guichet, et nous tra­vail­lons dure­ment pour avoir un pub­lic le plus var­ié pos­si­ble : noirs, blancs, rich­es, pau­vres, jeunes, vieux, habitués du théâtre et ceux qui n’ont jamais pen­sé y met­tre les pieds.

Notre théâtre se trou­ve dans un quarti­er mixte de Lon­dres où des maisons très chères côtoient d’énormes lotisse­ments soci­aux. Nous voulons que le pub­lic dans le théâtre soit le même que celui que nous croi­sons quo­ti­di­en­nement dans la rue. Un tiers de nos revenus vient de fonds publics, donc nous voulons que « le pub­lic » sente que notre théâtre est le leur aus­si. Qu’ils s’y sen­tent chez eux. Lorsque nous l’avons rénové, nous voulions que la façade soit en grande par­tie en verre. Le foy­er se trou­ve dans la rue (mais pro­tégé de la pluie). Tout ceci rend le Young Vic assez unique à Lon­dres. Nous sommes atten­tifs à ce que le spec­ta­cle que nous avons créé sat­is­fasse le pub­lic que nous avons créé pour le spec­ta­cle. Rien d’autre n’a d’importance à part cet instant pré­cieux inten­sé­ment ancré dans le présent.

En bref, nous espérons que ce théâtre soit un endroit chaleureux et accueil­lant, d’émerveillement et de décou­verte. Nous voulons qu’il soit une source d’intelligence, d’énergie et de plaisir. Nous voulons créer l’angoisse que quelqu’un pour­rait ressen­tir en se dirigeant vers l’inconnu : qui sait ce qu’on ver­ra après ? 

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David Lan
David Lan, né à Cape Town, est auteur, metteur en scène et anthropologue. Il est...Plus d'info
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