Construction et déformation : l’invention d’un Ultra World

Théâtre
Portrait

Construction et déformation : l’invention d’un Ultra World

Le 10 Oct 2019
Die Selbstmord Schwestern / The Virgin Suicides, d’après le roman de Jeffrey Eugenides, mise en scène Suzanne Kennedy, Muenchner Kamerspiele 2017. - Photo Judith Buss.
Die Selbstmord Schwestern / The Virgin Suicides, d’après le roman de Jeffrey Eugenides, mise en scène Suzanne Kennedy, Muenchner Kamerspiele 2017. - Photo Judith Buss.
Die Selbstmord Schwestern / The Virgin Suicides, d’après le roman de Jeffrey Eugenides, mise en scène Suzanne Kennedy, Muenchner Kamerspiele 2017. - Photo Judith Buss.
Die Selbstmord Schwestern / The Virgin Suicides, d’après le roman de Jeffrey Eugenides, mise en scène Suzanne Kennedy, Muenchner Kamerspiele 2017. - Photo Judith Buss.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 138 - Arts de la scène et arts plastique
138
« J’essaie toujours de créer sur la scène des espaces et des images capables d’attirer l’attention du spectateur. Un espace pour transformer notre sensation de l’espace et du temps. Une « machine spatiale» qui guiderait la dramaturgie. Comme dans Women in Trouble où le décor tournait pendant toute la durée du spectacle et dont la vitesse rythmait la dramaturgie: combien de temps a duré la scène, qui a joué la scène, etc. J’aime beaucoup cela. J’ai souvent le sentiment que les gens n’utilisent pas toutes les possibilités offertes par le théâtre. Mais pour faire de la magie peut-être faut-il d’abord apprendre l’artisanat du métier ? »

“La met­teuse en scène alle­mande Susanne Kennedy sem­ble avoir trou­vé le juste équili­bre des pou­voirs entre le corps, l’objet et la machine et invente une esthé­tique au-delà de l’humain. Un théâtre où l’on recon­naitrait le théâtre en ayant la sen­sa­tion de décou­vrir le théâtre. Un théâtre dis­ten­du, défor­mé, malaxé, à l’instar des acteurs por­teurs de masques, des dia­logues découpés, de la parole réor­gan­isée créant une langue « siri », des dop­pel­gängers et du bon usage du mul­ti­mé­dia. De ce théâtre là émane une sub­jec­tiv­ité post- human­iste. Susanne Kennedy a fait ses débuts sur la scène néer­landaise avec une série de mise en scènes de pièces d’Enda Walsh, Sarah Kane et Elfriede Jelinek, mais a aus­si créée un feuil­leton expéri­men­tal, Hideous (Wo)men. Dès ses pre­miers spec­ta­cles elle tra­vaille sur la défor­ma­tion, la créa­tion d’un autre monde qui serait un pré­cip­ité des plus anciens. Ain­si dans Fege­feuer in Ingol­stadt (Pur­ga­toire à Ingold­stadt), la pre­mière pièce de la com­pagne de Bertolt Brecht Marieluise Fleiss­er, Susanne Kennedy déploie la vie de la petite ville de Fleiss­er dans une boîte, sur scène, dans laque­lle les acteurs s’atrophient pro­gres­sive­ment en sculp­tures der­rière leurs masques, comme dans une instal­la­tion, alors que les voies enreg­istrées sont défor­mées. Un procédé que Susanne Kennedy réu­tilis­era ensuite dans Warum­läuft Herr R. Amok ? (Pourquoi Mon­sieur R. est-il atteint de folie meur­trière ?), le pre­mier de ses spec­ta­cles qui sera présen­té en France, basé sur le film de Rain­er Wern­er Maria Fass­binder et Michael Fen­gler.

Avec cette pièce au réper­toire des Kam­mer­spiele de Munich, Susanne Kennedy pour­suit sa réflex­ion autour du masque et de l’acteur, en faisant du théâtre un rit­uel impi- toy­able. Plus intéressée par des actions pro­fanes que par le con­flit dra­ma­tique, elle met en scène le quo­ti­di­en bour­geois dans son souci névro­tique du détail insignifi­ant et com­pose à par­tir d’actions théâ­trales aus­si sim­ples que franchir le seuil d’une porte, boire une bière, s’asseoir à son bureau…
Les per­son­nages appa­rais­sent comme des spec­tres ou des man­nequins postés dans les vit­rines des mag­a­sins, si bien qu’un vide incom­men­su­rable s’installe entre les acteurs et les fig­ures qu’ils représen­tent. Ces fan­tômes, dont les vis­ages révè­lent l’incapacité de faire face à la vie, se noient dans un flot de paroles hasardeuses, inter­prétées en play­back. Susanne Kennedy appro­fon­dit ain­si ses recherch­es autour de la décon­nex­ion entre la voix et le corps des acteurs, tout en explo­rant les lim­ites entre théâtre et instal­la­tion.

Die Selbstmord Schwestern / The Virgin Suicides, d’après le roman de Jeffrey Eugenides, mise en scène Suzanne Kennedy, Muenchner Kamerspiele 2017. - Photo Judith Buss.
Die Selb­st­mord Schwest­ern / The Vir­gin Sui­cides, d’après le roman de Jef­frey Eugenides, mise en scène Suzanne Kennedy, Muench­n­er Kamer­spiele 2017. — Pho­to Judith Buss.
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Susanne Kennedy
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Hervé Pons
Hervé Pons est dramaturge et critique de théâtre pour les Inrockuptibles. Il est l’auteur de...Plus d'info
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