La Balsamine, vers des lendemains qui chantent ?

Théâtre
Parole d’artiste

La Balsamine, vers des lendemains qui chantent ?

Le 13 Nov 2012
88 CONSTELLATIONS de Thomas Turine, Théâtre La Balsamine, La Balsamine, mars 2013.. Photo Photo Hichem Dahes.
88 CONSTELLATIONS de Thomas Turine, Théâtre La Balsamine, La Balsamine, mars 2013.. Photo Photo Hichem Dahes.

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88 CONSTELLATIONS de Thomas Turine, Théâtre La Balsamine, La Balsamine, mars 2013.. Photo Photo Hichem Dahes.
88 CONSTELLATIONS de Thomas Turine, Théâtre La Balsamine, La Balsamine, mars 2013.. Photo Photo Hichem Dahes.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 115 - Martine Wijckaert - La Balse
115

UN AUTRE TEMPS, un autre rap­port à l’altérité, voilà ce que nous propo­sions dans notre pro­jet de can­di­da­ture à la direc­tion avec toute la dif­fi­culté de pou­voir par­ler d’une utopie réal­iste. En revenir aux fon­da­men­taux et deman­der au théâtre l’impossible.

La Bal­samine se veut un tiers-lieu ouvert à tous, un lieu d’enjeu poli­tique, expéri­men­tal, envi­ron­nemen­tal. Place créa­tive, par excel­lence, où l’alchimie de la prox­im­ité et de l’échange prend tout son sens. C’est un lieu hybride et flu­ide où con­ver­gent des dynamiques de développe­ment social et cul­turel. À ce titre, la Bal­sa peut appa­raître comme la par­tic­ule élé­men­taire de la zone artis­tique. En somme, nous n’aurions pas pu pro­jeter ce désir ailleurs que dans ce cocon d’une beauté insai­siss­able. Ce site est par­ti­c­uli­er car il est imbibé de la fougue de sa pro­tec­trice dont nous sommes aujourd’hui les heureux com­plices.

Artiste asso­ciée d’évidence mais artiste sacrée avant tout, on ne peut citer qu’un exem­ple, qu’une seule source, qu’une seule référence : Mar­tine Wijck­aert qui, à elle seule, est l’origine et la con­ti­nu­ité. Énergie à l’état pur, sans con­ces­sion, dédiée entière­ment à l’Art. Son ADN artis­tique est sans com­mune mesure, elle ne cesse de le con­stru­ire, de le dévelop­per, d’en explor­er toutes les ressources, de défi­er ses pul­sions créa­tri­ces. Pour­rait-elle avoir plusieurs bras qu’elle devrait avoir deux claviers par mains et deux plateaux par bras pour extir­p­er ses émo­tions. Par­ler avec elle, c’est à la fois s’extraire et s’inscrire dans le moment présent. C’est avoir une vision au-delà du cadre de n’importe quelle œuvre. Son ambi­tion est totale­ment artis­tique. Elle est l’expression d’un Art en temps con­tinu.

Voilà pourquoi, il est impor­tant de dire que nous ne com­mençons pas une nou­velle his­toire, nous pour­suiv­ons une quête sans fin. Nous avons choisi de gér­er un lieu où le développe­ment ne se réduit pas à la crois­sance, nous sommes dans cet héritage-là. Il s’agit de met­tre en avant la sobriété, la lenteur, le temps qui passe, la coopéra­tion, la con­vivi­al­ité. Méti­er d’art, arti­sanat d’art, telle est la pra­tique de Mar­tine Wijck­aert, elle n’en revendique pas d’autre, elle se situe pré­cisé­ment sous ce soleil-là. Et cette manière de vouloir bien faire lui donne une vérité incom­pa­ra­ble.

Comme elle, nous tenons à diriger notre atten­tion, et ten­dre notre esprit vers toute man­i­fes­ta­tion de vie, fu t‑elle la plus silen­cieuse, comme elle, nous cul­tivons notre curiosité. Et pour encore par­ler de Mar­tine, puisqu’on y revient comme dans le cen­tre d’une tor­nade, sa ren­con­tre a été pour nous comme un incendie, comme une con­ta­gion du devenir. Et c’est cela que Mar­tine nous pro­pose dans sa quo­ti­di­enne vie de bureau, elle se remet en ques­tion per­pétuelle­ment, elle entre­tient avec le réel un rap­port de défi­ance, allant jusqu’à pos­tuler une sou­veraineté absolue de l’art. Et nous sommes comblés de pou­voir assis­ter à la nais­sance de la pure plasticienne(installations à venir LONELY VILLAGE et SEPT MAISONS) et de pour­suiv­re son proces­sus d’écriture (TRILOGIEDE L’ENFER, LES FORTUNES DE LA VIANDE). Nous sommes portés par cet ent­hou­si­asme, par ce goût de la vie en voie d’extinction.

En soi, la Bal­sa et Mar­tine ten­tent d’évoluer ou d’involuer ensem­ble… Ensem­ble, ils s’annoncent, et s’énoncent, dans le scé­nario d’une écri­t­ure à la ligne sin­ueuse et infinie – celle d’un sujet divers et ondoy­ant qui (s’)écrit texte et sujet, se sculp­tant l‘un l’autre en miroir. Et donc, comme un long livre de l’intranquillité, il se met en place, il se chapitre peu à peu, à tra­vers la per­son­ne de Wijck­aert qui se décline en d’innombrables oscil­la­tions vocales et, con­join­te­ment, en une infinité de modes d’être. Nous ne sommes que les passeurs, que les déposi­taires de cet héritage-là. Sans ego mais avec haltères, nous mus­clons notre volon­té à porter cette respon­s­abil­ité et si nous sommes là, en ce jour, c’est que le choix s’est fait en faveur de toute une manière de voir, de penser et d’être dans ce monde.

L’art de la renaissance

Suite à notre nom­i­na­tion en jan­vi­er 2011, nous devenons respon­s­ables de ce ter­ri­toire et pour cer­tains, nous sommes une décep­tion, pour d’autres une énigme et pour la plu­part une incon­nue. Plongés dans cet immense labeur et dans cette forte attente de change­ment, nous ten­tons de pren­dre à con­tre-pied l’effet révo­lu­tion­naire qu’implique une nou­velle direc­tion. En soi, c’est plus en pro­fondeur que nous désirons une remise en ques­tion. Alors nous creusons, nous créons quelques remous, nous agaçons, nous nous trompons par­fois, nous pas­sons par toutes ces étapes néces­saires à l’acceptation, nous réjouis­sons aus­si. L’art de la renais­sance que nous propo­sions trans­for­mait le théâtre en mai­son d’art et chaque artiste deve­nait le défenseur de cette notion essen­tielle. Amor­cé avec force, le début de sai­son s’ouvrait avec le fes­ti­val « Genèse » : sept jours, sept créa­teurs, sept créa­tions. Ce fes­ti­val annonçait la couleur en décloi­son­nant les pra­tiques tout en exposant les rup­tures impor­tantes qui inter­ro­gent nos pro­pres fonde­ments humains : l’artiste, comme tout homme, est un être trans­ver­sal et com­plexe.

Nou­velle façon de pra­ti­quer en réor­gan­isant l’institution, d’où l’idée de l’artiste en habi­ta­tion (rési­dence d’un an où l’artiste cherche pour lui avec un pied-à-terre offert, sans oblig­a­tion réelle de créer). Ouver­ture sur les autres pra­tiques artis­tiques, Hichem Dah­es devient notre pho­tographe asso­cié et por­trai­ture chaque por­teur de pro­jet. Des ren­dez-vous décalés sous forme de slow­dat­ings, (ren­dez-vous où un des artistes de la créa­tion revient sur une par­tie de son tra­vail)… Quelques ini­tia­tives par­mi d’autres qui ren­forceront cette action si néces­saire de remet­tre l’artiste au cen­tre du débat.

Onze créa­tions comme un pèleri­nage et le désir de laiss­er le temps au temps.

Le « Salon des Refusés » prend place au milieu du foy­er, hors scène très sym­bol­ique de notre posi­tion­nement. Un retour aux sources qui place l’artiste dans une cer­taine pré­car­ité et le con­traint, dans ce salon non-offi­ciel, à faire émerg­er les rebuts d’une pra­tique non assumée. Une scène où l’art perd ses fron­tières, ou du moins les rend plus floues et de même, quand un lieu décide de réin­ve­stir sa géo­gra­phie, de bous­culer ses espaces, de pro­pos­er d’autres issues, il subit une trans­for­ma­tion sig­ni­fica­tive et il devient sym­bol­ique­ment moins con­noté. Et dans cette même logique d’ouverture, bien d’autres choses encore, des débats, des per­for­mances dans la ville, des stages, des audi­tions ouvertes, quelques accueils étrangers, bref une année dense avec en plus un change­ment d’identité graphique rad­i­cal et un change­ment d’équipe inat­ten­du.

Soit, après une pre­mière année de con­fronta­tion sans recul, comme une pas­sion lancée en avant, sans pos­si­bil­ité de jeter un œil sur le chemin, nous réal­isons à quel point il était inévitable d’invectiver « Je suis cela » et qu’à l’aube de cette sec­onde sai­son de martel­er : « Pourquoi je fais cela » devient essen­tiel, non pas pour se jus­ti­fi­er mais bien pour dire ses sen­sa­tions car c’est de ce dire que l’histoire peut émerg­er et qu’un monde de vie se des­sine.

« Direction artistique » quand tu nous tiens !

Se ramass­er, compter, écrire, lire et class­er des dossiers, détach­er une à une les pétales d’une mar­guerite, on aime un peu beau­coup, on se voit con­fi­er des objets pour les trans­porter chez soi et ailleurs, on voy­age peu, on dia­logue tou­jours, on passe trop de temps à dire non, on s’interroge sur nos vies privées, on inter­roge le ciel. Et la ques­tion est tou­jours la même, quelle atti­tude doit être la nôtre, quelle est la noblesse de la fonc­tion de directeurs de théâtre ? Ici une dou­ble direc­tion, une ten­sion, on peut même par­ler par­fois d’une insoumis­sion, être dans l’urgence d’agir, de pos­er des gestes pour par­ticiper à la cir­cu­la­tion des idées, en même temps que de frein­er soi-même cette urgence en préférant tra­vailler dans la lenteur de la réflex­ion et celle aus­si de l’analyse.

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Monica Gomes
Monica Gomes Matosinhos naissance / Portugal / IAD Formation / Comédienne déformation / Metteuse en...Plus d'info
Fabien Dehasseler
Fabien Dehasseler Charleroi naissance / Belgique / IADesque odyssée / Comédien / Metteur en scène...Plus d'info
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