Un espace de mémoire

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Un espace de mémoire

Le 15 Avr 2001
François Sikivie, Carole Karemara, RWANDA 94. Photo Marc Pataut.
François Sikivie, Carole Karemara, RWANDA 94. Photo Marc Pataut.
François Sikivie, Carole Karemara, RWANDA 94. Photo Marc Pataut.
François Sikivie, Carole Karemara, RWANDA 94. Photo Marc Pataut.
Article publié pour le numéro
Rwanda 94-Couverture du Numéro 67-68 d'Alternatives Théâtrales
67 – 68
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J’AI, COMME TOUS LES PARTENAIRES du pro­jet RWANDA
94, par­ticipé aux divers­es réu­nions et con­férences, et apporté du matéri­au à dis­cuter ensem­ble. C’est la dynamique par­ti­c­ulière du Groupov.
Nous ne sommes pas un groupe, nous avons cha­cun nos vies, nos métiers, mais quand un pro­jet nous réu­nit, nous tra­vail­lons ensem­ble toutes ses dimen­sions pour le faire évoluer. Nous avions con­venu, Jacques Del­cu­vel­lerie et moi, de cer­tains principes pour la scéno­gra­phie : pas d’exotisme, pas d’ostentation, mais pas non plus le cliché de l’espace vide. Comme nous avons sou­vent tra­vail­lé ensem­ble (sur LA GRANDE IMPRÉCATION…, sur LA MÈRE, sur ANDROMAQUE et sur LE BARBIER DE SÉVILLE ), j’ai pro­gressé libre­ment, et n’ai pas hésité à amen­er beau­coup de propo­si­tions, en l’occurrence une ving­taine de maque­ttes, dont plusieurs vari­antes d’un même pro­jet. J’aime procéder de la sorte : accu­muler les propo­si­tions, créer le chaos, et ôter petit à petit pour ne garder que l’essentiel. Ain­si, le pre­mier pro­jet était une véri­ta­ble instal­la­tion déployée sur la scène et dans la salle, avec des passerelles, des écrans de télé… Mais l’ensemble était trop tech­nologique, et met­tait l’accent exclu­sive­ment sur la ques­tion des médias.

Finale­ment, c’est sur le pro­jet de mémo­r­i­al dédié aux morts qu’on s’est arrêté. Il a évolué en cinq ans de pré­pa­ra­tion : tout ce qui fai­sait trop orne­men­tal ou mon­u­men­tal a été sup­primé. Au résul­tat, il se com­pose d’un mur de terre ocre-rouge, for­mé de pan­neaux mobiles posés sur une grande struc­ture métallique de 15 mètres de long et 5 mètres de haut, qui occupe qua­si toute la largeur de l’espace. Ce dis­posi­tif joue du con­traste entre les matières et les couleurs : le mur évoque la chaude terre rwandaise, comme si on en avait coupé de grands morceaux pour les expos­er ; il est tra­vail­lé en reliefs abstraits, mais por­teurs d’imaginaire apparem­ment, puisqu’ils évo­quent pour cer­tains une carte géo­graphique du Rwan­da, pour d’autres des empreintes de corps… Cette terre était pour moi l’élément représen­tatif du pays, et sa dis­po­si­tion en forme de mur m’évoquait les murs de glaise des fos­s­es com­munes dans lesquelles étaient jetées les vic­times…
Au départ, il était con­venu que les mem­bres de l’équipe qui iraient au Rwan­da en ramèn­eraient de la terre, mais cela n’a pas été pos­si­ble. J’ai donc peint de la terre d’ici, et Yolande Muk­a­gasana s’est éton­née de la trou­ver si ressem­blante, alors que je n’avais jamais vu la terre du Rwan­da. Je devais avoir cette couleur dans ma tête, je pense…
La struc­ture, for­mée d’un fin gril­lage de métal, dégage la froideur du monde indus­triel occi­den­tal, sa fausse trans­parence. Quand on l’éclaire par der­rière, cette struc­ture dis­paraît, mais éclairée par-devant, elle a l’air obturée, elle devient totale­ment opaque.
Les pan­neaux du mur peu­vent gliss­er latérale­ment pour faire place à un écran de pro­jec­tion, ou pour dégager un espace de jeu à l’arrière, une « boîte noire » qui sert de stu­dio de télévi­sion dans la deux­ième par­tie. Dans la qua­trième par­tie est amenée sur le plateau une petite pièce d’un mètre de large sur deux mètres de long, plan­tée au milieu de la scène, deux chais­es de métal, une petite table et un samovar, pour évo­quer l’appartement de Jacob. C’est la seule évo­ca­tion « réal­iste » mais c’est une minia­ture.
Devant la struc­ture court un trot­toir de plexi qui con­tient aus­si des plaques de terre, comme autant de vit­rines exposant les tré­sors ramenés des colonies… C’est sur cette pro­lon­ga­tion du mur au sol que s’assied le Chœur. Ce trot­toir bril­lant, où se reflète le mur de terre, con­stitue un repère de lumière sur le sol uni­for­mé­ment gris du plateau. Tout l’espace devant ce « trot­toir » est libre, recou­vert d’un planch­er couleur ciment, avec une par­tie cir­cu­laire légère­ment surélevée pour l’orchestre.
Voilà pour la scéno­gra­phie, ramenée à une économie qui peut vivre dif­férem­ment selon les scènes. J’ai aus­si conçu du mobili­er : quelques tables et des sièges pour l’orchestre, en bois et métal per­foré ; des chais­es pour le Chœur des Morts, d’inspiration africaine (selon mon regard d’Européen!), en bois, métal et peau de vache.
Et j’ai par­ticipé à la con­cep­tion des masques et mar­i­on­nettes.

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Johan Daenen
Peintre et scénographe, Johan Daenen enseigne aux académies d’Anvers et de Maastricht. Pour la scène...Plus d'info
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