BERNARD DEBROUX : MISSIE ( MISSION ) est né d’une série de rencontres déterminantes. Comment se situe ce spectacle dans ton trajet de metteur en scène ?
RAVEN RUËLL : C’est une longue histoire !
MISSIE s’inscrit dans la démarche suivie depuis un certain temps par le KVS1 : parler de plus en plus de notre pays et de ses liens avec le Congo.
Déjà, il y a sept ans, le deuxième spectacle que j’ai réalisé dans ce théâtre, à la demande du directeur artistique Jan Goossens, était une adaptation de la pièce d’Hugo Claus, LA VIE ET LES ŒUVRES DE LÉOPOLD II, qui traite du colonialisme belge au Congo. L’acteur
qui interprète le rôle du missionnaire dans MISSIE, Bruno Vanden Broecke, jouait à cette époque le rôle de Léopold II.
LÉOPOLD II mettait à jour un événement caché de notre histoire : les massacres perpétrés au début de la colonisation belge.
Des discussions nées après ce spectacle nous ont incités à évoquer plus généralement les liens entre la Belgique et l’Afrique.
J’ai mis en scène ensuite MARTINO, un texte d’Arno Sierens, interprété par sept comédiens d’origine africaine que nous sommes allés jouer au Congo. C’est lors de cette tournée que j’ai rencontré l’écrivain/ historien David Vanreybrouck. Il nous accompagnait et réalisait en même temps des interviews. L’idée nous est venue de faire le portrait d’un missionnaire…et David est devenu l’auteur de MISSIE.
B. D. : La réalisation de MISSIE est donc intimement liée au projet du KVS et en même temps la poursuite de ton intérêt pour l’Afrique et le Congo en particulier.
R. R. : Juste avant de commencer les répétitions de MISSIE, nous avons joué LÉOPOLD II au Congo pendant quelques semaines, ce qui a beaucoup aidé Bruno dans son travail d’acteur. C’est durant cette même tournée que David a commencé à écrire. Il est resté plus longtemps que nous sur place pour réaliser de nombreuses inter- views, plus approfondies. Son projet de départ était de faire le portrait de différents missionnaires puis de les fondre en un seul personnage. Un jour, il a rencontré un missionnaire, qui au départ ne voulait pas s’exprimer, mais qui finalement s’est mis à raconter son histoire ; ce fut une rencontre déterminante. Il a alors décidé de reprendre fidèlement de longs extraits de son témoignage qui constitue, à lui seul, environ quatre-vingt-cinq pour cent du spectacle, le reste provenant d’autres interviews, et il a fait de l’ensemble un montage cohérent.
B. D. : Ces entretiens n’ont pas dû se passer sans risques dans l’Est du Congo aujourd’hui…
R. R. : Le missionnaire raconte, au début de la pièce, qu’il s’est retrouvé un jour dans un petit avion équipé seulement de chaises en plastique librement disposées… David a vécu cette situation lui-même, pour aller au Kivu. Le fait qu’il prenne des risques pour écrire donne à son théâtre une autre voix. En voyant la situation à l’est du Congo aujourd’hui, le spectacle devient chaque jour de plus en plus important…