C’EST UNE CHAMBRE silencieuse, une chambre de bois et de lumière, et des images sont peintes sur les murs et au commencement un enfant se tient là, à l’intérieur de la chambre, un enfant esseulé qui regarde le plafond ou qui regarde par la fenêtre ou qui regarde à l’intérieur de lui-même. Des amis vont venir. C’est dans la chambre que les amis viennent, c’est dans la chambre que les amis finissent toujours par venir pour peu qu’on sache les désirer et les reconnaître, et c’est pourquoi l’enfant se tient là, dans l’impatience d’être rejoint. C’est dans la chambre que les amis viennent, fument, pleurent ou se taisent, restent les yeux clos ou se vautrent en ricanant, ça dépend, d’ailleurs toutes sortes d’amis viennent dans la chambre, avec toutes sortes de corps et de langages, tantôt c’est une jeune fille nue, tantôt un adolescent bavard, tantôt c’est tout un bataillon d’écrivains, d’acteurs, de musiciens, et parfois il se tient dans la chambre un ami qui n’a même pas de corps, c’est juste un livre, un disque, un objet perdu puis retrouvé. Et parfois la chambre ne se trouve pas ici mais dans une autre ville, dans un autre pays, c’est une chambre d’hôtel ou la maison d’un inconnu, parfois ça ne ressemble même pas vraiment à une chambre, parfois c’est une église, une forêt, le compartiment d’un train ou un cercle imaginaire au milieu de la fête. Parfois la chambre est petite comme une chaise ou comme un cerveau, et parfois la chambre est si vaste qu’on peut y faire entrer les batailles, les conquêtes et les cent mille bouches de la révolution. Parfois la chambre c’est une chambre, et parfois la chambre c’est un théâtre. Néanmoins où qu’elle se trouve, quels qu’en soient la taille et l’agencement, il ne peut se tenir dans la chambre que des amis, évidente question de protocole, nul ne comprendrait qu’il en soit autrement, ou pour mieux dire le fait qu’il en soit autrement paraîtrait suspect à quiconque connaît la manière dont il convient de se tenir dans une chambre, surtout si c’est la chambre d’un mort ou d’un nourrisson, ce qui est le cas de toutes les chambres du monde. Il ne peut se tenir dans la chambre que des amis, liés par autre chose que de seules relations de charge ou de profit, et ce pour la simple raison qu’il s’agit d’une chambre et pas d’un vestibule. C’est pourquoi les courtisans n’y sont pas les bienvenus, pas plus que les mercenaires, on n’y fait pas de pige de toute façon, on tâche de s’y écrire un destin, ça prend plus de temps et ça nourrit mal, du reste quand par mégarde l’un d’entre eux s’aventure dans la chambre il s’y sent vite à l’étroit et n’y reste pas longtemps, pas complètement stupide il retourne au salon où il est plus à son affaire.
Avec Norman c’est comme normal, à une lettre près, Clément Thirion, jeune metteur en scène belge, signe sa première production…