« Prendre la parole, c’est prendre sa place dans la société » (entretien avec Sylvain Bélanger)

Entretien
Théâtre

« Prendre la parole, c’est prendre sa place dans la société » (entretien avec Sylvain Bélanger)

Le 28 Août 2017
Sylvain Bélanger et Rabah Aït Ouyahia. Photos de répétitions pour "Bashir Lazhar" d’Evelyne de la Chenelière, nouvelle production septembre 2017. Photo Valérie Remise.
Sylvain Bélanger et Rabah Aït Ouyahia. Photos de répétitions pour "Bashir Lazhar" d’Evelyne de la Chenelière, nouvelle production septembre 2017. Photo Valérie Remise.
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Philippe Cou­ture : Il sem­ble que le théâtre soit à la traine d’une ten­dance à la diver­si­fi­ca­tion des artistes sen­si­ble en par­ti­c­uli­er dans la danse ou la musique, et à plus forte rai­son dans l’audiovisuel, depuis des années. Pourquoi une telle résis­tance ou réti­cence ? 

Syl­vain Bélanger : Cette ques­tion est intéres­sante et embar­ras­sante pour qui veut démoc­ra­tis­er le théâtre. Il peine his­torique­ment à le faire, quand on est bien hon­nête, mal­gré tout ce qu’on dit et met de l’avant (sou­vent dans les dis­cours)… Est-ce parce que le théâtre occi­den­tal a des racines plus éli­tistes ? Que c’est un art moins pop­u­laire ? Et de ce fait, est-ce que ça le rend plus laborieux et long à faire bouger ? Je crois que oui.

Aus­si : le proces­sus pour devenir un artiste de théâtre est long (la for­ma­tion, la tech­nique, l’élaboration néces­saire pour un artiste de théâtre de se trans­pos­er dans un dis­cours, un point de vue sur le monde, l’intégration à des groupes presqu’essentielle, du fait du car­ac­tère col­lec­tif de cet art, entr­er dans des pro­gram­ma­tions et donc OSER approcher des directeurs artis­tiques, etc.). Tout cela est long à acquérir ! Et avec tout ça, on imag­ine que c’est une forme d’art qui est un brin intim­i­dante à inté­gr­er, à la base ! Les étapes sont nom­breuses pour arriv­er à être con­nu et recon­nu, ne serait-ce que des pairs et des milieux. Même pour ceux qui ont œuvré en théâtre ailleurs.

Aus­si 2 : ayant gran­di dans une ban­lieue mul­ti­eth­nique de Mon­tréal, je peux avancer que ce que j’ai observé c’est que pour des familles d’immigrants, l’important est de se fab­ri­quer une sécu­rité, struc­turelle, famil­iale, même finan­cière. Encour­ager son enfant à faire une car­rière en théâtre est loin d’être naturel… Même pour les immi­grants de troisième généra­tion. La pré­car­ité qu’on accepte d’entrée de jeu n’est pas sexy et raisonnable à leurs yeux. Et on peut le com­pren­dre.

P. C. : Com­ment sor­tir d’un sys­tème de dis­tri­b­u­tion où les comé­di­ens issus de l’immigration sont le plus sou­vent relégués à des rôles sub­al­ternes, ou pire, à des rôles les con­duisant à sur­jouer les stéréo­types eth­niques ou raci­aux imposés par la société ?

S. B. : Il y a des dif­fi­cultés et des solu­tions. Il faut bien sûr attribuer des rôles, peu importe la couleur de peau, et décom­plex­er la ques­tion du cast­ing une fois pour toutes. Mais le bassin de comé­di­ens pro­fes­sion­nels issus de la diver­sité est très restreint pour l’instant, ne serait-ce qu’au Québec. Com­ment y arriv­er à tal­ents égaux ?

La prin­ci­pale dif­fi­culté est donc le luxe du choix.

La solu­tion sûre : à la base, créer des plate­formes inci­ta­tives pour faire con­naître nos écoles de théâtre par le biais de stages, pro­grammes, etc. Il faut donc d’abord réus­sir à en for­mer ! Par stages et par for­ma­tion pro­fes­sion­nelle. Ça se passe en ce moment, mais les résul­tats seront vis­i­bles dans quelques années seule­ment.

Com­ment y arriv­er plus vite ? En risquant. En faisant de la place tout de suite, même si toutes les con­di­tions ne sont pas rem­plies. Je tra­vaille en ce moment sur la recréa­tion de Bashir Lazhar avec un acteur de ciné­ma, rappeur, mais qui n’a aucune expéri­ence en théâtre. C’est mon Bashir ! Mais en met­tant de l’avant cette préoc­cu­pa­tion de la diver­sité, d’un point de vue social et artis­tique, je dois faire avec un tout autre bagage, qui nous sort de nos habi­tudes plus ras­sur­antes. Il y a des risques à faire avancer des caus­es… Est-ce qu’on est prêts à faire avancer des choses en adap­tant nos attentes et notre juge­ment aver­ti ? J’aurai ma réponse sous peu…

Mais la vraie solu­tion, et c’est mon cheval de bataille : les artistes issus de l’im­mi­gra­tion doivent pren­dre la plume, écrire, et mon­ter sur scène pour racon­ter leurs his­toires, leurs points de vue sur le monde glob­al­isé dans lequel le Québec vit. C’est évidem­ment l’idéal, le meilleur des mon­des car en écrivant les his­toires, ils font un théâtre per­son­nel qui évite l’appropriation cul­turelle ou les déli­cates ques­tions de cast­ing. Ils favoris­eraient égale­ment un pro­jet artis­tique et social du Québec hors de ses cuisines, c’est souhaitable ! Moi, sur cette ques­tion de la diver­sité, j’attends les auteurs. Or, pour un théâtre qui reçoit env­i­ron 125 pro­jets par année, depuis mon arrivée, j’ai recen­sé 5% de ces pro­jets qui étaient issus de la « dite » diver­sité. Cer­tains ont été pro­gram­més et d’autres ne pou­vaient pas être con­sid­érés comme pro­fes­sion­nels. Je me suis dit : « on est loin du compte… » et une grosse par­tie du prob­lème vient de là, pour moi, bien au-delà des ques­tions de cast­ing : Qui prend la parole ? Pren­dre la parole, c’est pren­dre sa place en société. Une autre par­tie impor­tante de la solu­tion vient de là : créer un ter­reau fer­tile pour voir éclore des auteurs de la diver­sité. J’y tra­vaille.

(…)

L'intégralité de cet entretien est disponible en accès libre sur notre site.

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