Les Moches

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Les Moches

Le 7 Nov 2023
Awa Joannais dans Les Moches, cabaret de Axel Ibot et Carla Subovici, Le Consulat, 2023. Photo Mical Valusek.
Awa Joannais dans Les Moches, cabaret de Axel Ibot et Carla Subovici, Le Consulat, 2023. Photo Mical Valusek.
Awa Joannais dans Les Moches, cabaret de Axel Ibot et Carla Subovici, Le Consulat, 2023. Photo Mical Valusek.
Awa Joannais dans Les Moches, cabaret de Axel Ibot et Carla Subovici, Le Consulat, 2023. Photo Mical Valusek.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 143 Cabaret - Althernatives Théâtrales
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L’autrice améri­caine Joan Did­ion écrit dans L’Année de la pen­sée mag­ique : « La vie change vite. La vie change dans l’instant. » Cette véloc­ité du change­ment, Axel Ibot, danseur à l’Opéra de Paris, l’expérimente aujourd’hui avec le cabaret Les Moches, qu’il a co-fondé il y a tout juste un an avec Car­la Sub­ovi­ci, alors médi­atrice à la Bourse de com­merce – col­lec­tion Pin­ault, et actuelle­ment respon­s­able des pro­duc­tions au Silen­cio Ibiza. « “Fake it until you make it” est vrai­ment notre devise » ou com­ment le spec­tre de Blake Car­ring­ton rôde sur le suc­cès de ce nou­veau cabaret parisien, itinérant, con­fi­den­tiel, entre la per­for­mance d’art con­tem­po­rain et le strip club.

Awa Joan­nais dans Les Moches, cabaret de Axel Ibot et Car­la Sub­ovi­ci, Le Con­sulat, 2023. Pho­to Mical Valusek.

Créer son pro­pre cabaret est un rêve de gosse pour Axel : « Petit, quand je voy­ais un trans­formiste sur scène, j’étais tou­jours touché, impres­sion­né, même un peu jaloux. Et très tôt, j’ai dévelop­pé cette idée qu’après ma car­rière à l’Opéra de Paris j’aimerais avoir mon cabaret. » Il anticipe sa recon­ver­sion avec l’énergie de son amie Car­la, qui se voit dans le rôle de la ten­an­cière. « Car­la tra­vaille dans l’art con­tem­po­rain, moi dans le domaine de la danse et des arts vivants, on a très vite sen­ti qu’il y avait un poten­tiel créatif, une iden­tité à défendre. » Iels adressent leurs prières à l’univers, et d’emblée l’équipe du mag­a­zine Draft 001 con­tacte Axel et Car­la : « Il paraît que vous lancez un cabaret, ce serait bien de faire quelque chose pour notre soirée anniver­saire » sur la scène du Cirque Élec­trique. Car­la dit : « Vas‑y, on fait comme si on avait fait ça toute notre vie. » Axel pré­cise : « Il n’y avait rien, juste trois lumières, c’était vrai­ment fait mai­son. » Il con­stru­it sa pre­mière pro­gram­ma­tion avec des per­for­mances exis­tantes, de qual­ité, où se croise art lyrique (Faus­tine de Mon­es), danse du ven­tre (Eli The Sul­tan), explo­ration capil­laire et choré­graphique (Char­lie Le Min­du et Letizia Gal­loni). « Qua­tre cent cinquante per­son­nes sont venues et tout a com­mencé ce soir-là. » Cette pre­mière expéri­ence campe la vision artis­tique des Moches : pas de tour de chant, pas de bur­lesque. « Notre idée, c’est de faire ren­con­tr­er des artistes issu·e·s des insti­tu­tions (Thibault Lac, Sal­va­tore Calcagno), du strip club (Medusa), ou de soirées (Boy Fall Out), et de met­tre tout le monde sur la même ligne, au même niveau. Nous n’avons pas envie de faire un cabaret de diver­tisse­ment. Nous cher­chons à déplac­er l’émotion. Nous voulons que le pub­lic ait accès à des univers, des dra­matur­gies très dif­férentes. Qu’il soit choqué, boulever­sé par la tech­nic­ité, l’esthétisme, la per­son­nal­ité des artistes. Oui c’est ça, nous cher­chons à créer des petits chocs esthé­tiques, des flashs, des cap­sules à pail­lettes. Et tout cela con­stitue une sorte de voy­age, un trav­el­ling sexy de Paris, la nuit. » Axel partage avec moi un autre critère de pro­gram­ma­tion, immuable : « Il y aura tou­jours un numéro de danse clas­sique. Nous avons déjà pro­gram­mé deux ver­sions de La Mort du Cygne : une ver­sion académique au Silen­cio, inter­prétée par l’étoile Han­nah O’Neill, et au Con­sulat, une ver­sion trans­for­mée et pail­letée avec Awa Joan­nais, claire­ment aux antipodes de ce que l’on s’imagine quand on dit “Opéra de Paris”. Nous avons envie de déplac­er les artistes de leurs con­textes habituels ; comme avec Medusa et son tra­vail de pole dancer. Nous la met­tons sur scène pour mon­tr­er que c’est une artiste avant tout, que sa danse n’existe pas unique­ment dans un rap­port lubrique à la salle. » Un lab­o­ra­toire éphémère, plébisc­ité par les artistes qui vien­nent ici pour chal­lenger leur créa­tiv­ité, tester de nou­veaux pro­to­types. « Il n’y a pas de con­cur­rence entre les per­form­ers. Au con­traire, tout le monde se sou­tient, s’inspire. C’est très beau ce qui se passe en coulisse entre elles·eux. » Un doc­u­men­taire, en cours de réal­i­sa­tion, cap­tur­era ces moments d’intimité partagés. « Une dernière chose : l’écart généra­tionnel. C’est très impor­tant de ne pas être dans du jeu­nisme et de con­fron­ter les âges, c’est même indis­pens­able, comme avec Fred Junot, qui est dans une démarche très clas­sique du trans­formisme, d’une ressem­blance bluffante – presque mys­tique – avec ses icônes (Régine, Bar­bara…). Pour nous, l’intérêt qu’il par­ticipe aux Moches, c’est qu’il ren­con­tre par exem­ple une Mina Ser­ra­no, qui est aus­si dans une dynamique de trans­formisme mais très con­tem­po­raine, per­for­ma­tive, dura­tionnelle. C’est fon­da­men­tal. Et c’est cela le lan­gage les Moches. » Mal­gré l’itinérance, un pub­lic de fidèl·e·s s’agrège, même si « pour l’instant, il y a un côté : tu chopes l’info comme tu peux sur les réseaux et puis tu viens ». Mais, le pub­lic en demande encore. « Après la soirée au Con­sulat, une fille est venue nous dire que si on ouvrait notre lieu, elle serait là tous les soirs. » Des retours chaleureux qui con­tin­u­ent sur Insta­gram, à coups de sto­ry dithyra­m­biques : « le plus beau moment de ma vie », « tant de beautés ce soir », « mag­ique, incroy­able ». Je demande à Axel de pren­dre un peu de dis­tance sur cette année folle, et l’impact sur sa car­rière de danseur, alors que la retraite – à 42 ans et demi – approche : « Dans ma vie à l’Opéra de Paris, j’ai vu des choses dingues. Même à la retraite, j’ai encore envie de sen­sa­tions fortes, j’ai encore envie d’être touché. J’ai créé ce cabaret, un peu égoïste­ment, avec cette envie de con­tin­uer d’être proche des artistes, de voir des belles choses et de les offrir au pub­lic. » Un partage qu’il espère élargir à toute la France, sans logique busi­ness, plutôt en mode «  bus tour », son nou­veau rêve d’adulte.

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Axel Ibot
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Pablo-Antoine Neufmars
Pablo-Antoine Neufmars est un poly-amoureux de l’art. Interprète en théâtre et danse, il est aussi...Plus d'info
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