Faire du théâtre aujourd’hui à Buenos Aires

Entretien
Théâtre

Faire du théâtre aujourd’hui à Buenos Aires

Entretien avec Federico León et Mariano Pensotti

Le 30 Sep 2015
Sylvain Daï et Anja Tillberg dans PoURQUoI ÈVE VIENT-ELLE ChEz ADAM CE SoIR ?, mise en scène Ubik Group, 2012. Photo Andrés Donadio.
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Sylvain Daï et Anja Tillberg dans PoURQUoI ÈVE VIENT-ELLE ChEz ADAM CE SoIR ?, mise en scène Ubik Group, 2012. Photo Andrés Donadio.
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Article publié pour le numéro
126 – 127
Propos recueillis à l’occasion d’une rencontre publique organisée par le kunstenfestivaldesarts, 26 mai 2015.

BENOÎT HENNAUT : Le con­texte et le champ théâ­tral dans lequel vous tra­vaillez est le plus sou­vent défini comme le « théâtre indépen­dant » de Buenos Aires, par oppo­si­tion au théâtre offi­ciel directe­ment soutenu par l’état, d’une part, et au théâtre com­mer­cial, large­ment dif­fusé sur l’Avenue Cor­ri­entes notam­ment, d’autre part. Que pensez-vous de cette appel­la­tion ? Est-elle tou­jours val­able et utile aujourd’hui pour décrire votre tra­vail et son con­texte ? 

Mar­i­ano Pen­sot­ti : C’est un terme qui peut sig­nifier beau­coup de choses dif­férentes. Il définit au min­i­mum un sys­tème de pro­duc­tion qui s’éloigne d’un for­mat de deux mois de répéti­tions dans une salle con­trôlée par l’état, ou d’un lien avec un théâtre qui recherche un bénéfice com­mer­cial pri­or­i­taire. Il est au con­traire basé sur le désir com­mun d’un groupe de faire du théâtre de manière auto-gérée, coopéra­tive, qui démarre un pro­jet sans bien savoir ce qu’en sera la forme finale. De manière générale, le théâtre le plus intéres­sant qui est pro­duit à Buenos Aires appar­tient à cet ensem­ble du théâtre indépen­dant. En revanche, je reste réti­cent face à cette appel­la­tion et à la ten­ta­tion d’une forme de roman­tisme qui lui serait applic­a­ble. Il y a en effet un cer­tain dan­ger à penser qu’en Amérique latine un grand nom­bre de pro­duc­tions puisse se créer sans beau­coup d’argent, de manière frag­ile, sur base d’un fort engage­ment de la part des artistes et de leur entourage. La vérité est que cette sit­u­a­tion n’est ni agréable ni désir­able ! C’est un sys­tème qui s’impose à nous et qui nous oblige à fonc­tion­ner de cette manière. Ce n’est pas que notre créa­tiv­ité soit débor­dante grâce au fait de ne pas avoir d’argent et que per­son­ne ne nous appuie. Au con­traire, notre manière de tra­vailler doit s’inventer mal­gré ce con­texte, et non pas grâce à lui.

Fed­eri­co León : Indépen­dant réfère aus­si au fait que le théâtre que nous pra­tiquons réu­nit un cer­tain groupe de per­son­nes indépen­dam­ment du fait qu’une pièce doive en sor­tir et être créée à une cer­taine date et dans un cer­tain lieu. L’attention se porte essen­tiel- lement sur le proces­sus de créa­tion de la pièce, à la dif­férence d’un théâtre à visée com­mer­ciale ou d’un canevas plus insti­tu­tion­nel, dans lesquels le for­mat d’aboutissement du tra­vail est dès le départ beau­coup plus impor­tant.

B. H.: y a‑t-il un lien avec le sys­tème d’ateliers ou d’écoles de jeu et de dra­maturgie qui est par­ti­c­ulière­ment dévelop­pé au sein du théâtre indépen­dant ? L’idée y est en effet très sou­vent de dévelop­per un tra­vail dont l’issue est incer­taine, car c’est au proces­sus du jeu ou de l’écriture qu’on s’intéresse en pri­or­ité.

F. L. : C’est pos­si­ble. De manière générale, on con­naît évidem­ment le cadre dans lequel on tra­vaille, et l’existence d’un cal­en­dri­er de pro­duc­tion. Mais le fait est que le rythme et la tem­po­ral­ité s’envisagent sur un temps plus long, dans le respect du matériel qui va com­pos­er la pièce, ten­ant compte de son évo­lu­tion. L’indépendance c’est égale­ment une zone de lib­erté. Cepen­dant, la pro­duc­tion n’est jamais totale­ment indépen­dante, ne fût-ce que parce que la pièce devra au final cohab­iter avec d’autres dans un même théâtre, ce qui engen­dre d’énormes con­traintes.

Pour revenir à cette visée roman­tique ou idéal­isée d’une créa­tion sans argent, il faut égale­ment soulign­er que cette absence de sécu­rité des moyens influence cette emphase sur le proces­sus, le fait de démar­rer avec une idée ou un texte qui vont aller en se mod­ifiant. L’imprévisibilité du cadre ren­force l’imprévisibilité du proces­sus de créa­tion. Celui-ci reste ouvert, rece­lant sa part de mys­tère quant au développe­ment qu’il peut suiv­re. Ain­si, cette idée roman­tique d’un con­texte dans lequel rien n’est jamais cer­tain, d’un pays dans lequel changent con­stam­ment les règles, pro­duit quand même con­crète­ment une série de ressources créa­tives.

B. H.: Les deux spec­ta­cles que vous créez cette année présen­tent une série de points com­muns, bien qu’ils dévelop­pent des esthé­tiques très dif­férentes. C’est le cas par exem­ple du traite­ment de l’archive, du matériel per­du, jeté dans la cor­beille de l’ordinateur (LAS IDEAS) ou enter­ré dans des sacs plas­tiques au fond d’un jardin (CUANDO VUELVA A CASA). Il s’agit de tra­vailler avec quelque chose qui se refuse, qu’on ne veut plus voir ou con­naître, qu’on veut cacher, mais qui revient au devant de la scène mal­gré la volon­té des per­son­nes. Quelle est la rela­tion que vous avez dévelop­pée avec cette idée d’un matériel caché ou pro­scrit, en tant que matéri­au créatif ? 

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Benoit Hennaut
Benoît Hennaut est Docteur en lettres de l’ULB et de l’EHESS à Paris. Il est...Plus d'info
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