Marc Minkowski, portrait du chef d’orchestre en dramaturge

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Marc Minkowski, portrait du chef d’orchestre en dramaturge

Le 9 Juil 2012

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Couverture numéro 113_113 - Le théâtre à l’opéra, la voix au théâtre
113 – 114

L’OPÉRA, le met­teur en scène n’est pas seul maître de l’interprétation d’un texte ni du rythme d’un spec­ta­cle. Le chef d’orchestre est là aus­si, grand ordon­na­teur des représen­ta­tions aux­quelles il par­ticipe active­ment depuis sa posi­tion cen­trale en fos­se, quand le met­teur en scène reste dans l’ombre des couliss­es, réduit à « don­ner des notes » aux chanteurs s’il veut influer encore sur l’activité scénique. Cette com­plé­men­tar­ité du chef d’orchestre et du met­teur en scène demande cer­taines affinités. Lesquelles men­a­cent par­fois de tourn­er en con­cur­rence préju­di­cia­ble. Le « mariage » de ces deux artistes demeure donc une alchimie com­plexe et déli­cate, de celles qui ren­dent l’aventure lyrique aus­si pas­sion­nante que risquée. Mais par­mi la mul­ti­tude de chefs aux goûts et styles fort divers, il en est cer­tains qui ont la fièvre du théâtre en musique, jusqu’à sélec­tion­ner soigneuse­ment les met­teurs en scène avec lesquels ils tra­vail­lent et par­fois même à favoris­er des col­lab­o­ra­tions sur le long terme. Le Français Marc Minkows­ki fait indé­ni­able­ment par­tie de ceux-ci.

Né en 1962, Marc Minkows­ki a d’abord suivi une for­ma­tion de bas­son­iste avant de s’essayer à la direc­tion d’orchestre. Élève d’un lycée alsa­cien qui avait dévelop­pé un pro­gramme cul­turel soutenu, il y décou­vre à la fois la musique et l’art dra­ma­tique. « J’avais une sorte de don pour la réc­i­ta­tion, et j’adorais ça. Quand on nous fai­sait tra­vailler du Molière, j’étais ému, élec­trisé…» C’est dans les mêmes cir­con­stances que Marc Minkows­ki se décou­vre un goût pour l’art des sons. « Quand j’ai com­mencé à faire de la musique, l’amour du théâtre était tou­jours là, mais c’est bien plus tard, quand j’ai dirigé mon pre­mier opéra, DIDON ET ÉNÉE de Pur­cell, que j’ai réal­isé que tout était lié. J’avais dix-neuf ans, ce monde était nou­veau pour moi. Je n’avais pas encore com­pris com­bi­en il me ren­voy­ait à mes pre­mières amours et à ma voca­tion de comé­di­en. » Voca­tion ? « J’en ai pris con­science la pre­mière fois que j’ai vu Philippe Caubert dans un des épisodes ini­ti­aux du ROMAN D’UN ACTEUR. En sor­tant, j’étais telle­ment impres­sion­né et excité que je me suis demandé si je ne voulais pas arrêter la musique pour exercer ce méti­er-là. » Mais l’amour de la musique l’a emporté. Minkows­ki s’intéresse au renou­veau de la musique baroque et à l’interprétation « à l’ancienne ». Il fera d’ailleurs par­tie de l’orchestre d’Atys qui, sous la direc­tion de William Christie en 1987, con­stitue une étape impor­tante dans la redé­cou­verte de l’opéra baroque français.

Lorsque le jeune bas­son­iste passe du statut de musi­cien du rang à celui de chef d’orchestre, le hasard veut que ce soit d’emblée dans un con­texte théâ­tral. « Les mem­bres d’un chœur ama­teur m’avaient demandé de les diriger dans DIDON ET ÉNÉE de Pur­cell. Je les con­nais­sais pour avoir joué avec eux, au sein d’un orchestre. Après DIDON ET ÉNÉE, nous avons mon­té FAIRY QUEEN et KING ARTHUR. Ces œuvres de Pur­cell ont été les « ram­pes de lance­ment » de mon activ­ité de chef. C’était sans doute une manière de renouer avec mon attache­ment ancien au théâtre. » Quelques années plus tard, son pre­mier disque est d’ailleurs con­sacré aux par­ti­tions que Lul­ly a com­posées pour les comédies-bal­lets de Molière. Mais si l’opéra va devenir une activ­ité cen­trale dans la car­rière du jeune chef, elle n’est pas exclu­sive. « J’ai en même temps suivi des Académies aux États-Unis avec le chef d’orchestre Charles Brück, où je ne fai­sais que de la musique sym­phonique pour me for­mer. Je pro­gram­mais autant d’oeuvres instru­men­tales que vocales… Mais je n’avais rien plan­i­fié : tout cela s’est fait dans une joyeuse impro­vi­sa­tion. »

Il n’en reste pas moins que l’activité de chef en fos­se va aller en s’intensifiant avec les années, dans les fes­ti­vals et théâtres les plus dynamiques (Opéra de Lyon, Fes­ti­val de Salzbourg, Opéra nation­al de Paris, Théâtre de la Mon­naie à Brux­elles…) ou en con­cert (on se sou­vient de mémorables tournées d’ARIODANTE de Haen­del ou d’ARMIDE de Gluck). Là, le « style Minkows­ki » se dis­tingue par une atten­tion con­stante portée au rythme sur tous les plans, c’est-à-dire au grand arc assur­ant sa cohérence à une soirée lyrique comme aux con­trastes dra­ma­tiques qui ren­dent chaque scène néces­saire. D’aucun ont pu d’ailleurs lui reprocher cet amour des con­trastes qui le con­duit, par exem­ple, à diriger un des grands airs d’ARIODANTE en alan­guis­sant le tem­po jusqu’à le faire dur­er douze min­utes quand il n’en fait que sept dans d’autres inter­pré­ta­tions ! Mais le tal­ent « théâ­tral » de Minkows­ki ne réside pas seule­ment dans les choix de tem­pi : il se décline dans le car­ac­tère trou­vé à chaque instant du drame, dans des phrasés tou­jours sig­nifi­ants et expres­sifs, dans une atten­tion portée aux mots, une volon­té de « racon­ter » sans cesse, qui ren­dent ses ver­sions de con­cert et ses dis­ques aus­si pal­pi­tants que des représen­ta­tions scéniques.

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Alain Perroux
Alain Perroux est directeur général de l’Opéra national du Rhin depuis janvier 2020, après avoir...Plus d'info
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