Ombres et lumières du cabaret, L’Opéra de quat’sous

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Ombres et lumières du cabaret, L’Opéra de quat’sous

Mis en scène par Thomas Ostermeier

Le 1 Nov 2023
Véronique Vella (Celia Peachum), Christian Hecq (Jonathan Peachum), Marie Oppert (Polly Peachum) dans L’Opéra de quat’sous, création de Thomas Ostermeier, Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, 2023. Photo Jean-Louis Fernandez.
Véronique Vella (Celia Peachum), Christian Hecq (Jonathan Peachum), Marie Oppert (Polly Peachum) dans L’Opéra de quat’sous, création de Thomas Ostermeier, Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, 2023. Photo Jean-Louis Fernandez.

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Véronique Vella (Celia Peachum), Christian Hecq (Jonathan Peachum), Marie Oppert (Polly Peachum) dans L’Opéra de quat’sous, création de Thomas Ostermeier, Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, 2023. Photo Jean-Louis Fernandez.
Véronique Vella (Celia Peachum), Christian Hecq (Jonathan Peachum), Marie Oppert (Polly Peachum) dans L’Opéra de quat’sous, création de Thomas Ostermeier, Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, 2023. Photo Jean-Louis Fernandez.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 143 Cabaret - Althernatives Théâtrales
150 – 151

Au Fes­ti­val d’Aix-en-Provence, Thomas Oster­meier met en scène L’Opéra de quat’sous de Bertolt Brecht, Kurt Weill et Elis­a­beth Haupt­mann avec la troupe de la Comédie-Française, pour­suiv­ant une col­lab­o­ra­tion déjà engagée avec La Nuit des rois ou Tout ce que vous voulez (2018) et Le Roi Lear (2022). De son côté, la troupe du Français avait déjà mon­té depuis dix ans plusieurs cabarets chan­tés, notam­ment L’Interlope mis en scène par Serge Bag­das­sar­i­an (2016).

Mais cette fois le défi est tout autre. Cette « pièce avec musique » est aus­si un opéra, qu’il faut faire enten­dre comme tel à Aix. « Un opéra pour clochards », vrai­ment ? Des voy­ous déguisés en clochards plutôt, des maque­reaux maqués avec le chef de la police, des filles et des sbires qui se vendent au plus offrant, autant dire la loi du marché. Le titre de l’œuvre annonce une ironie qui se retourne sans cesse. Tout est faux et tout est vrai. C’est un opéra sans en être un, à la fois sor­dide et fleur bleue, sacré et pro­fane, du grand art, du polar et du bas­tringue. Quand Elis­a­beth Haupt­mann traduit le livret de L’Opéra du gueux de John Gay (1728), une par­o­die de l’opera seria et de ses grands airs, elle four­nit à Brecht tous les ingré­di­ents d’un « miroir des princes » par­faite­ment inver­sé : les bas-fonds dis­ent la vérité des grands et du cap­i­tal­isme. « Les uns dans l’ombre, les autres dans la lumière », cette dual­ité un peu trop sim­ple est sans cesse déjouée et rejouée. Ce sera à la fois un cabaret et un opéra, pourquoi décider ? Mais com­ment tenir cabaret à Aix-en-Provence ? La scène de l’Archevêché et la durée de l’œuvre ne facili­tent pas l’interaction com­plice avec le pub­lic que per­met une salle plus intime. Le spec­tre du cabaret restera donc dans la pénom­bre, mais pas en couliss­es. Il scin­tille par petites touch­es et finit par impos­er son fil rouge. Ce fil rouge han­tait déjà L’Opéra de quat’sous à sa créa­tion, suiv­ons sa trace et voyons com­ment Thomas Oster­meier a su s’en empar­er et l’actualiser.
À sa créa­tion, la pièce a sou­vent été com­prise comme une par­o­die de l’opéra et de l’opérette. Mais cer­tains jugent que la rad­i­cal­ité du pro­pos est vic­time de son suc­cès. À Berlin, Ernst Bloch con­state que l’œuvre ne fait pas scan­dale : les bour­geois qui applaud­is­sent les opérettes de Lehár sont enchan­tés par le cynisme des voy­ous de Brecht. Dans une cri­tique de 1929, le jeune Adorno tranche même : inutile de par­o­di­er l’opéra, puisqu’il est déjà mort, il vaudrait mieux que les Quat’sous jet­tent leur lumière dans la demi-pénom­bre des bars plutôt qu’en plein air – a for­tiori sous le ciel étoilé d’Aix-en-Provence. Le philosophe s’est en par­tie trompé, car l’œuvre ne se réduit pas à la par­o­die. Mais il repère bien une vérité de cette œuvre, la sor­tie de l’ombre, l’irruption bru­tale de la chan­son de rue sur la scène de l’opéra : Tosca revis­itée par Aris­tide Bru­ant.

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Jean Tain est agrégé et docteur en philosophie de l'École Normale Supérieure (Paris), ATER à l'Université...Plus d'info
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