Citoyens et scènes, du théâtre acté par des non-professionnels

Entretien
Théâtre

Citoyens et scènes, du théâtre acté par des non-professionnels

Entretien croisé de SELMA ALAOUI et JENS CHRISTIAN LAUENSTEIN LED

Le 24 Avr 2016
Louis Smet dans Notes pour le futur de Selma Alaoui, Théâtre Les Tanneurs, Bruxelles, 2015. Photo Paul Jules Smith.
Louis Smet dans Notes pour le futur de Selma Alaoui, Théâtre Les Tanneurs, Bruxelles, 2015. Photo Paul Jules Smith.
Louis Smet dans Notes pour le futur de Selma Alaoui, Théâtre Les Tanneurs, Bruxelles, 2015. Photo Paul Jules Smith.
Louis Smet dans Notes pour le futur de Selma Alaoui, Théâtre Les Tanneurs, Bruxelles, 2015. Photo Paul Jules Smith.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 128 - There are aslternatives!
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SA Expéri­ence sociale, recherche artis­tique, désir de faire naître la parole autrement… les pro­duc­tions met­tant en jeu des acteurs non-pro­fes­sion­nels se font régulières en Europe. Cer­tains théâtres en font même une récur­rence de leur pro­gram­ma­tion. C’est le cas du Théâtre Les Tan­neurs à Brux­elles qui, depuis 2002, pro­pose le « Pro­jet Quarti­er » à des artistes, met­teurs en scènes ou choré­graphes, curieux de con­fron­ter leur proces­sus artis­tique à un cadre nou­veau. Il s’agit d’élaborer un spec­ta­cle exigeant avec des par­tic­i­pants volon­taires dont le théâtre ou la danse n’est pas le méti­er. C’est ain­si que j’ai créé Notes pour le futur en novem­bre 2015 avec la col­lab­o­ra­tion de la comé­di­enne et créa­trice Émi­lie Maque­st. Au Dane­mark, l’Aalborg Teater, dans lequel vous tra­vaillez comme dra­maturge, opère un même type d’expérience. Pourquoi cela a‑t-il com­mencé ?

JCLL L’Aalborg Teater développe une ou plusieurs pro­duc­tions annuelles avec des non-pro­fes­sion­nels depuis 2013. L’expérience a été mod­elée à par­tir de l’initiative « The­atron », un réseau européen né en Alle­magne (coor­don­né par l’Odense Teater) et qui regroupe notam­ment plusieurs théâtres soucieux d’engager un échange appro­fon­di avec les citoyens. C’est plus par­ti­c­ulière­ment le suc­cès des « Bürg­er­bühne », un con­cept du Staatss­chaus­piel de Dres­de, qui nous a inspiré la créa­tion de l’une des pre­mières « scènes citoyennes » du Dane­mark, les « Borg­er­sce­nen ». Nous avons trois salles dans le théâtre, l’une d’elle est con­sacrée à ce tra­vail. L’idée fon­da­trice est de per­me­t­tre un dia­logue créatif entre les publics et les acteurs de la scène. Nous pen­sons que pour faire des spec­ta­cles pleine­ment inscrits dans la société et le monde, il est essen­tiel d’aller voir ce à quoi le monde ressem­ble, ce à quoi les citoyens ressem­blent, et pour ce faire, de les con­vo­quer sur scène. 

SA La dynamique mise en place aux Tan­neurs est de porter atten­tion à ceux qui pour­raient être les plus éloignés de la scène, juste­ment. Le théâtre étant situé dans un quarti­er pop­u­laire de la ville, les par­tic­i­pants au Pro­jet Quarti­er sont d’abord les habi­tants d’un tis­su urbain mixte, où les dif­fi­cultés et la pau­vreté sont vécues au quo­ti­di­en. C’est le réseau asso­ci­atif du théâtre qui dif­fuse la propo­si­tion de par­ticiper à l’expérience. Quand j’ai pré­paré Notes pour le futur, ma volon­té était d’éviter de procéder à un cast­ing, afin que le désir des gens à venir par­ticiper ne se trou­ve pas entravé. Je ne voulais pas que le théâtre devi­enne sym­bol­ique­ment le lieu où l’on doit une fois de plus prou­ver ses capac­ités, son mérite, alors que cer­taines per­son­nes du quarti­er vivent dans une mar­gin­al­i­sa­tion sociale indé­ni­able. Nous avons eu six ren­dez-vous de tra­vail en six mois, chaque fois quelques après-midi, jusqu’à la phase finale plus inten­sive qui a précédé la pre­mière. Le groupe s’est con­sti­tué naturelle­ment sur la longueur : les plus curieux ou sim­ple­ment ceux qui avaient une place pour cette aven­ture-là à ce moment-là de leur vie sont restés. Qu’en est-il des étapes de votre proces­sus de créa­tion ? Com­ment naît le groupe ?

JCLL Il n’est finale­ment pas très dif­férent d’un proces­sus clas­sique de créa­tion. Par exem­ple, nous répé­tons générale­ment six ou sept semaines – en nous adap­tant aux rythmes pro­fes­sion­nels et famil­i­aux des gens. Nous déci­dons, en con­cer­ta­tion avec le met­teur en scène, d’un sujet pour la pièce, en lien avec les thèmes et dis­cus­sions qui ont émergé des échanges avec les dif­férents publics (les équipes artis­tiques de l’Aalborg Teater fonc­tion­nent comme une troupe per­ma­nente). Nous for­mu­lons alors une invi­ta­tion à par­ticiper au spec­ta­cle, qui paraît dans le jour­nal, puis nous procé­dons à la sélec­tion de cinq à sept per­son­nes. 

SA Le fait de « savoir jouer » fait-il par­tie de vos critères de sélec­tion ?

JCLL Bien enten­du, de même que dans un proces­sus clas­sique, notre choix se porte sur les per­son­nes à l’aise avec le plateau et qui sus­ci­tent l’envie d’une ren­con­tre. Mais à vrai dire, notre démarche est plutôt d’inciter les gens à être eux-mêmes plutôt qu’à « jouer », au sens où un acteur pro­fes­sion­nel le ferait. Ce qui leur est pro­posé est de venir racon­ter leur his­toire. Notre demande est sou­vent très ciblée, et c’est plutôt le manque de par­tic­i­pants que nous pou­vons par­fois red­outer. Par exem­ple, nous voulions abor­der la ques­tion de la pop­u­la­tion des Inu­its, large­ment présente au Jut­land du fait de notre lien avec le Groen­land. C’est le sujet de Kalaal­lit Aal­borgimi­it­tut (Groen­landais à Aal­borg), notre dernière pro­duc­tion. Toutes les per­son­nes sur scène sont donc d’origine inu­ite et nous par­lent de leur quo­ti­di­en à Aal­borg en regard de cette spé­ci­ficité. Au début du tra­vail, nous procé­dons à des inter­views et cher­chons ensem­ble la meilleure manière de racon­ter leur his­toire.

Kristoffer G. Terkelsen, Peter Hørlyck, Bjarke Schrøder, Kirsten Hegndal Bennike et John Melchiorsen dans Hjemvendt de Petrea Soe et Lisbeth Burian, Aalborgteater (Danemark), 2015. Photo Lars Horn.
Kristof­fer G. Terkelsen, Peter Hør­ly­ck, Bjarke Schrøder, Kirsten Heg­n­dal Ben­nike et John Mel­chiors­en dans Hjemvendt de Petrea Soe et Lis­beth Buri­an, Aal­borgteater (Dane­mark), 2015. Pho­to Lars Horn.
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