À la recherche d’un autre type de théâtre : le théâtre indépendant, une zone de risque aujourd’hui

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À la recherche d’un autre type de théâtre : le théâtre indépendant, une zone de risque aujourd’hui

Le 29 Nov 2010

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Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 106-107 - La scène roumaine. Les défis de la liberté
106 – 107

SI ON M’AVAIT DEMANDÉ, il y a quelques années d’écrire un arti­cle sur le théâtre indépen­dant en Roumanie, il est prob­a­ble que mon ton aurait été exalté et opti­miste. Mais aujourd’hui, il m’est impos­si­ble d’écrire un tel texte d’une manière calme et détachée. À l’heure où j’écris ces lignes, on annonce des réduc­tions mas­sives des salaires dans la fonc­tion publique, les rues sont paralysées par des grèves et l’atmosphère dans le pays est tout aus­si trou­ble que dans les années 90. Cette idée des roman­tiques (soutenue par Shel­ley dans LA DÉFENSE DE LA POÉSIE) selon laque­lle la vital­ité du théâtre est con­di­tion­née par la san­té de l’État sem­ble jus­ti­fiée et pour­rait expli­quer la cause de cette tor­peur qui a saisi le secteur indépen­dant du théâtre roumain – c’est-à-dire pré­cisé­ment le secteur artis­tique qui devrait être le plus récep­tif aux aspects soci­aux et poli­tiques.

Il y a sept ans, lorsque Gian­i­na Car­bunar­iu a écrit et mis en scène STOP THE TEMPO au Théâtre Luni de Green Hours (un des plus anciens théâtres privés), l’atmosphère était tout à fait dif­férente dans le secteur du théâtre indépen­dant. Si, avant 1989, les met­teurs en scène « affrontaient » le régime poli­tique par un dis­cours voilé, dans la péri­ode postrévo­lu­tion­naire, lorsque ce type d’attaques détournées n’avait plus de sens, beau­coup d’entre eux ont préféré la tour d’ivoire et l’isolement dans un théâtre métaphorique, « loin de la foule déchaînée ». Et voilà qu’en 2003, une jeune met­teur en scène écrit un texte-man­i­feste qui choque d’abord par la fran­chise (même le jeu frontal des trois acteurs était sug­ges­tif en ce sens): sans nuances, sans sym­bol­es, sans inten­tions de faire de la lit­téra­ture. Davan­tage qu’une cri­tique très dure à l’encontre de la société rav­agée par un cap­i­tal­isme sauvage, STOP THE TEMPO fut aus­si un cri con­tre le silence des autres et a été en même temps l’impulsion dont le théâtre indépen­dant avait besoin.

Pour mieux com­pren­dre le con­texte dans lequel un spec­ta­cle comme STOP THE TEMPO a été pos­si­ble quelques pré­ci­sions liées aux débuts du théâtre indépen­dant sont néces­saires. C’est le comé­di­en Mar­cel Iures qui a créé le pre­mier théâtre indépen­dant en Roumanie. Et par­mi ceux qui l’ont soutenu dans la créa­tion du Théâtre ACT (bien que le Théâtre ACT ait été fondé en 1995, son siège a été inau­guré en 1998), on trou­ve des artistes comme Tom Cruise, Richard Eyre, Tom Stop­pard, Diana Rigg, Judi Dench, Alan Bates et Ian Holm. Tou­jours à la même époque, Voicu Rade­s­cu, le pro­prié­taire du club de jazz Green Hours, a décidé de don­ner à ce lieu une dimen­sion théâ­trale. Ain­si est né le Théâtre Luni (le théâtre du lun­di), le pre­mier café-théâtre de Roumanie, situé à quelques mètres de dis­tance du Théâtre ACT.

Avec l’apparition de ces deux espaces théâ­traux, une muta­tion fon­da­men­tale a eu lieu : une autre manière de voir le théâtre. Quand je dis voir, je me réfère exacte­ment au sens con­cret du terme. Les spec­ta­teurs du théâtre ACT, habitués d’admirer Mar­cel Iures sur la scène à l’italienne, ont été choqués de le voir jouer à quelques mètres d’eux. Iuresse sou­vient qu’au début, le pub­lic était très réservé et hési­tait à réa­gir pen­dant les spec­ta­cles pré­cisé­ment à cause de cette prox­im­ité qui l’inhibait. Dans le cas du Théâtre Luni de Green Hours, le choc a été deux fois plus grand. Pour ceux qui voient le théâtre unique­ment comme un lieu de cul­ture et comme un tem­ple où l’on doit marcher pieuse­ment, l’image des spec­ta­teurs qui boivent de la bière et fument tan­dis que les acteurs jouent près d’eux ne pou­vait être com­prise autrement que comme un geste impie. Et pour­tant, ces deux théâtres sont devenus les références du mou­ve­ment théâ­tral indépen­dant de Roumanie.

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Ionut Sociu
Critique théâtral, prosateur et essayiste roumain, Ionut Sociu est diplômé de l’UNATC en 2007, section...Plus d'info
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