ANDREEA DUMITRU : En décembre 89, tu étais étudiant à la section de Scénographie de l’Académie des Arts Plastiques « Nicolae Grigorescu » de Bucarest. Comment les évènements ont-ils marqué ta trajectoire à cette époque ?
Dragos Buhagiar : Dans les premières années de Faculté, nos professeurs étaient compétents, mais ce n’étaient pas des noms importants au théâtre. C’est seulement après la révolution – grâce à la grande ouverture créée à ce moment-là — que nous avons eu le droit de choisir nos professeurs. Nous avons ainsi réussi à faire venir dans notre école une série de grands noms du théâtre roumain : Vittorio Holtier, Mihai Madescu, Ion Popescu Udriste, Nicolae Olaru, Dan Jitianu…
A. D.: Comment s’est située ta génération par rapport à l’héritage laissé par ces noms ? Êtes-vous entrés en polémique avec eux ?
D. B.: Pas du tout. Personnellement, j’ai profité de toute la période de la deuxième moitié des années quatre-vingt, avec les célèbres spectacles mis en scène par Catalina Buzoianu, Alexandru Tocilescu ou Aureliu Manea. J’étais très fan des scénographes avec lesquels ils avaient travaillé et les étudiais très attentivement. J’ai appris à leur contact beaucoup de choses importantes et j’ai mieux compris le contexte de leur création. Je me réfère à une certaine « pauvreté » qui ne provenait pas de leur inspiration ou de leur talent, mais de l’offre limitée qu’ils avaient à leur disposition, dans la Roumanie de ces années, tant pour les décors que pour les costumes… Ces conditions les ont poussés vers des solutions plastiques et vers un mode de pensée plus profond que celle qu’on pratique maintenant.
A. D.: Qu’a proposé ta génération ?
D. B.: Au début des années quatre-vingt-dix j’étais dans une recherche permanente. Intéressé plus spécialement par les problèmes techniques du métier. Toutes sortes de firmes importantes sont apparues, qui importaient de nouveaux matériaux et systèmes d’éclairage. Je prenais des échantillons de tout ce que je trouvais, j’expérimentais. Je me suis rendu compte qu’il fallait ouvrir des voies nouvelles, que nous devions parler avec d’autres moyens, ne pas répéter ce que nos maîtres avaient fait… J’essayais de venir avec d’autres types d’image, plus conceptuelles.
A. D.: Quand as-tu réussi à donner forme à ces idées ?