Comment bien se dissoudre 

Entretien
Théâtre

Comment bien se dissoudre 

Entretien avec Patrick Corillon, plasticien-performeur

Le 21 Avr 2014
Patrick Corillon dans L’APPARTEMENT À TROUS, création Patrick Corillon, Le Corridor (Liège), 2013. Photo Bohumil Kostohryz.
Patrick Corillon dans L’APPARTEMENT À TROUS, création Patrick Corillon, Le Corridor (Liège), 2013. Photo Bohumil Kostohryz.

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Patrick Corillon dans L’APPARTEMENT À TROUS, création Patrick Corillon, Le Corridor (Liège), 2013. Photo Bohumil Kostohryz.
Patrick Corillon dans L’APPARTEMENT À TROUS, création Patrick Corillon, Le Corridor (Liège), 2013. Photo Bohumil Kostohryz.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 120 - Les théâtres de l'émotion
120

LES 21 – 22 FÉVRIER DERNIERS, le plas­ti­cien Patrick Coril­lon présen­tait au Cor­ri­dor – mai­son de pro­duc­tion, de rési­dence et de créa­tion pour les arts vivants à Liège, où il est artiste asso­cié avec sa com­pagne, la met­teure en scène Dominique Roodthooft – qua­tre réc­its-per­for­mances sous le titre générique :
LES VIES EN SOI, VOYAGES EXTRAORDINAIRES DANS LE MONDE DES OBJETS
La riv­ière bien nom­mée – 60 min­utes pour être de son temps
Le ben­shi d’Angers – 60 min­utes et des pous­sières
L’ermite orne­men­tal – 60 min­utes pour ne rien dire
L’appartement à trous – 60 min­utes pour par­ler toutes les langues

Dans ces spec­ta­cles de petite forme, écrits, fab­riqués et racon­tés par lui-même, Patrick Coril­lon nous entraîne dans des his­toires inven­tées qui inter­ro­gent métaphorique­ment la quête d’identité à tra­vers un dis­posi­tif d’objets, de livres, d’images et de sons qu’il manip­ule en revis­i­tant de manière per­son­nelle dif­férentes tra­di­tions de nar­ra­tion orale (le ben­shi, le kamishibai, les can­tas­to­ries).

En tant que plas­ti­cien, l’artiste fait depuis longtemps usage des his­toires et de l’écriture… Il a même inven­té un per­son­nage, Oskar Ser­ti, dont les aven­tures, relatées sur son site, inter­vi­en­nent dans ses créa­tions divers­es (objets, instal­la­tions, dessins, images ani­mées, livres…). Exposé dans de nom­breux musées européens, invité entre autres à la Doc­u­men­ta de Kas­sel, à la bien­nale de Sao Paulo, de Lyon et de Syd­ney, Patrick Coril­lon a reçu égale­ment de nom­breuses com­man­des publiques dont la plus récente con­cerne le nou­veau Théâtre de Liège où il est inter­venu graphique­ment en imp­ri­mant des mots et des phras­es – comme autant d’amorces ou bribes d’histoires – à divers endroits du théâtre (frise du grand hall, pla­fond de la ver­rière, comp­toir du bar, loges des artistes, jusque dans la pen­derie du concierge !).

Depuis 2006, il développe aus­si des spec­ta­cles d’art vivant : avec Dominique Roodthooft, il a créé la trilo­gie du DIABLE ABANDONNÉ dont le réc­it était porté par l’actrice mais où il inter­ve­nait pour faire défil­er les mots et les images. Son per­son­nage Oskar Ser­ti a don­né lieu à une créa­tion musi­cale, OSKAR SERTI VA AU CONCERT, au Klang­fo­rum de Vienne. Et, à la demande de LOD, mai­son de pro­duc­tion de théâtre musi­cal basée à Gand, il a conçu un opéra à par­tir des AVEUGLES de Maeter­linck avec le jeune com­pos­i­teur Daan Janssens.

Dans LES VIES EN SOI, Patrick Coril­lon per­forme lui-même ses textes. Pas comme un acteur, ni même comme un con­teur. Il se présente à nous tel qu’en lui-même – car c’est sa pro­pre his­toire qu’il racon­te et réin­vente à chaque fois – avec sa per­son­nal­ité joyeuse, joueuse et désireuse de partager avec autrui ce qui l’anime. Com­bi­nant l’érudition et l’émerveillement, la spon­tanéité et la fausse naïveté, il nous embobine dans ses fic­tions qui par­lent vrai avec une dis­cré­tion pais­i­ble et mali­cieuse, agis­sant à tra­vers le sup­port d’ « objets » fab­riqués par lui – dont beau­coup de livres-objets regorgeant de sur­pris­es –, d’une géométrie épurée et d’une esthé­tique raf­finée, à par­tir de matéri­aux sim­ples, voire pau­vres : papi­er, car­ton, bois, plas­tique, métal, fil… Et sa manière de racon­ter est si naturelle (alors qu’elle est tout sauf impro­visée), ses réc­its si fan­tai­sistes et en même temps si prenants, son dis­posi­tif plas­tique si poé­tique et son imag­i­naire si ouvert qu’un charme étrange opère, hors des codes habituels de la représen­ta­tion scénique. 

Entre­tien avec cet inclass­able plas­ti­cien-per­formeur pour saisir l’alchimie de ses Vies en soi…

Isabelle Dumont : Qu’est-ce qui amène un plas­ti­cien recon­nu comme tu l’es, exposé dans les plus pres­tigieux lieux de l’art con­tem­po­rain, à racon­ter des his­toires en toute intim­ité, avec quelques objets, sons et images ? 

Patrick Coril­lon : C’est ce que j’ai tou­jours voulu faire en tant que plas­ti­cien : incar­n­er des réc­its et les plac­er dans les lieux de vies, par exem­ple dans les parcs s’il s’agissait de com­man­des publiques. Mais à un moment don­né, j’ai ressen­ti un vide, qui était le vide du corps, et j’ai eu besoin de met­tre mon corps en jeu par rap­port au réc­it. Ain­si est venue la ques­tion : com­ment est-ce que je peux être lu physique­ment ? J’ai donc décidé de voir ce qui se pas­sait du côté du théâtre.
Il y avait quelque chose d’exploratoire là-dedans. Ce n’était pas quit­ter une étape pour une autre : j’étais pris dans le flot des his­toires – parce qu’elles sont ma mesure pour être au monde – et les his­toires, c’est comme les inon­da­tions, ça va partout… Je voulais donc voir où elles allaient m’entraîner, com­ment elles allaient s’immiscer dans l’oralité, dans un rap­port au temps dif­férent. Bien sou­vent, dans les arts plas­tiques, on met en avant le côté espace et pas le côté temps : on pense que « pérenne » veut dire « immor­tel » or une œuvre, même faite pour dur­er, ne dure tou­jours qu’un temps. Au théâtre, le temps est réel parce que le corps l’éprouve. 

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Patrick Corillon
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Isabelle Dumont
Actrice, créatrice de spectacles et de conférences scéniques, chercheuse curieuse, Isabelle Dumont a été interprète...Plus d'info
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