La carte de CLAIRE Paysage théâtral de René Char

Théâtre
Portrait

La carte de CLAIRE Paysage théâtral de René Char

Le 30 Juil 2007
CLAIRE de René Char, mise en scène Alexis Forestier. Photo Cécile Saint-Paul.
CLAIRE de René Char, mise en scène Alexis Forestier. Photo Cécile Saint-Paul.

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CLAIRE de René Char, mise en scène Alexis Forestier. Photo Cécile Saint-Paul.
CLAIRE de René Char, mise en scène Alexis Forestier. Photo Cécile Saint-Paul.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 93 - Ecrire le monde autrement
93

CLAIRE de René Char, mise en scène et scéno­gra­phie Alex­is Foresti­er, avec Jean Chaize, Brigitte Cuve­li­er, Bruno For­get, Alain Gintzburg­er, Antonin Ray­on, Cécile Saint-Paul, lumières et régie générale Denis Gob­in.

EN 1948, René Char, peu fam­i­li­er de l’écriture théâ­trale, choisit une forme dra­ma­tique pour évo­quer la rela­tion trou­ble, con­trar­iée par les tour­ments de l’Histoire, entre sa recherche poé­tique et l’injonction du poli­tique. Il y fait explicite­ment référence à l’expérience qui fût la sienne durant la Sec­onde Guerre mon­di­ale ; son engage­ment dans la résis­tance et la dialec­tique qui en résulte devi­en­nent les prin­ci­paux axes d’une dra­maturgie qui se com­pose peu à peu à tra­vers les méan­dres de frag­ments de réal­ité mul­ti­ples.

Claire, qui est la fois la riv­ière et la jeune fille, tra­verse un paysage au relief changeant, aux sit­u­a­tions non tou­jours reliées les unes aux autres ; elle est aus­si la ren­con­trée, celle que le poète attend et qui lui per­met de se remet­tre en mou­ve­ment, d’entrer à nou­veau dans l’ouvert du monde, au lieu même où celui-ci s’était mis à vac­iller.

Nous nous sommes emparés de ce texte en 1995 pour en don­ner une pre­mière ver­sion, jouée à Chalon- sur-Saône, puis salle Benoît XII à Avi­gnon, enfin au théâtre L’Échangeur en juil­let 1996. Nous tra­vail­lons aujourd’hui sur la mémoire de ce que nous avions mis en place en intro­duisant une dimen­sion musi­cale, alors absente du paysage sonore orig­inel.

L’aube, chaque jour, nous éveille avec une ques­tion insignifi­ante qui sonne par­fois comme une boutade lugubre. Ain­si ce matin : « Trou­veras-tu aujourd’hui quelqu’un à qui par­ler, aux côtés de qui te rafraîchir ? » Le monde con­tem­po­rain nous a déjà retiré le dia­logue, la lib­erté et l’espérance, les jeux et le bon­heur ; il s’apprête à descen­dre au cen­tre même de notre vie pour étein­dre le dernier foy­er, celui de la Ren­con­tre… Ici il va fal­loir tri­om­pher ou mourir, se faire cass­er la tête ou garder sa fierté.

Nous jouons con­tre l’hostilité con­tem­po­raine la carte de CLAIRE. Et si nous la per­dons, nous jouerons encore la carte de CLAIRE. Nos atouts sont per­pétuels, comme l’orage et comme le bais­er, comme les fontaines et les blessures qu’on y lave. (René Char, Ban­deau de Claire, 1949) Nous regar­dions couler devant nous l’eau gran­dis­sante ( … ). 1

CLAIRE appar­tient aux fig­ures de la voca­tion poé­tique asso­ciées, dans l’œuvre de René Char, au jail­lisse­ment de la riv­ière, à son car­ac­tère irré­press­ible.

Nous dévoilant peu à peu l’arrière-pays du poète, la pièce est une invi­ta­tion à suiv­re cette riv­ière qui nous est racon­tée et qui est faite de beau­coup de Claires. L’écriture de Char con­duit abrupte­ment vers cette pos­si­bil­ité d’échange intime et indi­ci­ble qu’offre la représen­ta­tion théâ­trale. La fig­ure de Claire, à l’instant même de son appari­tion, for­mule cette nais­sance, cette venue en présence qui est la sienne au sein de la représen­ta­tion et se pro­pose d’incarner cet échange en invi­tant le spec­ta­teur à se sen­tir au plus près de ce qu’elle tra­verse, à recon­sid­ér­er « à tra­vers ses yeux des moments aux­quels il aurait lui-même par­ticipé ou con­tre le sens desquels il se serait vio­lem­ment dressé » 2.
Elle porte en effet un regard changeant sur les sit­u­a­tions qui la con­ti­en­nent ou ne font que la nom­mer… Il arrive égale­ment qu’elle s’absente ou soit tenue à l’écart, nav­i­gant ain­si à tra­vers les événe­ments les plus trag­iques et les plus radieux, de l’aube au cré­pus­cule, depuis la source jusqu’à son embouchure.

L’effusion mati­nale – d’où sur­gis­sent tur­bu­lence et lumière – est le cli­mat physique et métaphorique du pre­mier tableau, celui où les choses et les êtres se décou­vrent les uns aux autres ; Claire se révèle aux élé­ments qui l’ont fait naître, dévoile son exis­tence aux spec­ta­teurs en même temps qu’elle sur­prend la leur.

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Alexis Forestier
Architecte et musicien de formation, Alexis Forestier fonde la Compa- gnie les Endimanchés en1993. Le...Plus d'info
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