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Habiter le réel

Entretien avec Frédéric Fisbach

Le 28 Juil 2007
Marc Veh, Pierre Carniaux, Tal Beit- Halachmi, Jean-Charles Dumay et Benoit Résillot dans BÉRÉNICE de Jean Racine, mise en scène Frédéric Fisbach et Bernardo Montet. Photo Alain Monot.
Marc Veh, Pierre Carniaux, Tal Beit- Halachmi, Jean-Charles Dumay et Benoit Résillot dans BÉRÉNICE de Jean Racine, mise en scène Frédéric Fisbach et Bernardo Montet. Photo Alain Monot.

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Marc Veh, Pierre Carniaux, Tal Beit- Halachmi, Jean-Charles Dumay et Benoit Résillot dans BÉRÉNICE de Jean Racine, mise en scène Frédéric Fisbach et Bernardo Montet. Photo Alain Monot.
Marc Veh, Pierre Carniaux, Tal Beit- Halachmi, Jean-Charles Dumay et Benoit Résillot dans BÉRÉNICE de Jean Racine, mise en scène Frédéric Fisbach et Bernardo Montet. Photo Alain Monot.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 93 - Ecrire le monde autrement
93

CHRISTOPHE TRIAU : Cela fait une dizaine d’années que tu fais de la mise en scène, et comme tu as pris, en com­pag­nie de Robert Cantarel­la, la direc­tion du 104 à Paris, tu te trou­ves à la veille d’un temps où tu n’en feras pra­tique­ment plus. Avec le recul, com­ment analy­ses-tu ton par­cours ?

Frédéric Fis­bach : Il m’est dif­fi­cile de par­tir du moment où j’ai débuté la mise en scène, parce que mon par­cours de théâtre a com­mencé plus tôt, il y a une quin­zaine d’années. J’ai été acteur dans une aven­ture bien spé­ci­fique, celle de la com­pag­nie Nordey, tra­vail­lant sur un réper­toire con­tem­po­rain. Puis il y a eu un moment de bas­cule : j’ai eu envie de con­tin­uer autrement, et cet autrement est devenu la mise en scène. J’en avais déjà fait, mais « dans les coins » : de toutes petites formes, des spec­ta­cles pour enfants, des spec­ta­cles à installer partout, des travaux qu’on ne revendique habituelle­ment pas beau­coup mais qui, moi, m’intéressaient. Pass­er à la mise en scène, même si cela peut sem­bler être une rup­ture, était donc une con­ti­nu­ité. Cela ne voulait plus dire grand chose pour moi de con­tin­uer à jouer, j’étais allé au bout de mon aven­ture au sein de la com­pag­nie Nordey, j’avais vécu ce que j’avais à y vivre, et j’avais envie de repar­tir sur quelque chose de neuf, que je con­nais­sais sans con­naître : la mise en scène, et donc, surtout, la mise en place de pro­jets. Car c’est quand même cela qui, pour moi, est essen­tiel, c’est ce qui donne une cohérence à mon par­cours de met­teur en scène, si le réper­toire n’en donne peut-être pas. Il s’agit tou­jours de met­tre en place des pro­jets ; pas seule­ment des pro­jets de mise
en scène, mais se deman­der ce qu’on se donne à vivre pen­dant plusieurs mois (générale­ment autour d’un texte, puisque je pars tou­jours de cela), et réu­nir un cer­tain nom­bre de per­son­nes autour de cette ques­tion. Ce qui m’intéressait, c’était l’idée d’aventure, d’un temps sin­guli­er qui ne serait pas un temps de repro­duc­tion d’une chose déjà con­nue, déjà tra­ver­sée, mais un temps de décou­verte, de curiosité… « Pour la pre­mière fois ».

C. T. : Ce « qu’est-ce qu’on se donne à vivre, à partager », pas­sait-il par la ques­tion : « avec qui ? »

F. F. : Bien sûr, car der­rière tout cela il y a évidem­ment d’un côté la ques­tion du spec­ta­teur (puisque tout cela n’a qu’un but, c’est d’aller ali­menter le spec­ta­teur, l’amateur de théâtre, d’art), et de l’autre celle des inter­prètes avec lesquels je tra­vaille. Sou­vent, même, j’ai co-réal­isé les pro­jets : BÉRÉNICE, mais on peut dire aus­si que LES PARAVENTS est une co-réal­i­sa­tion avec la com­pag­nie Youk­iza. La posi­tion du met­teur en scène – qui est sou­vent une posi­tion d’isolement –, je l’ai fréquem­ment partagée avec d’autres, avec bon­heur.

C. T. : Il y a sou­vent un élé­ment externe à ton iden­tité artis­tique qui déter­mine la nature du pro­jet. L’ANNONCE FAITE À MARIE con­vo­quait des ama­teurs (même s’ils n’étaient pas au cen­tre du spec­ta­cle, leur présence en décalait la nature); TOKYO NOTES, même si dans le résul­tat final il n’y avait pas tant de Japon­ais que ça, est un pro­jet qui s’est fait avec le Japon ; BÉRÉNICE a été conçu avec Bernar­do Mon­tet, et donc la danse…

F. F. : La mise en scène, c’est de la mise en rap­port. Et il y a aus­si un par­cours intime qui se fait à tra­vers cela ; il y a un désir, qui se tra­vaille, puisque le désir, y com­pris celui de faire de la mise en scène, n’est pas quelque chose de don­né une fois pour toutes. S’il n’est pas réac­tivé au con­tact de l’autre, il tombe, for­cé­ment. Et en ce qui me con­cerne, ce désir est vrai­ment celui de se met­tre au tra­vail. Or sou­vent, l’étranger, l’inconnu, m’excite plus – ou dif­férem­ment – que le con­nu, le fam­i­li­er. Il y a donc tou­jours au moins un autre. Ce peut être des inter­prètes, mais sou­vent il y a encore une chose en plus : abor­der LES PARAVENTS avec l’art japon­ais de la mar­i­on­nette (et la sépa­ra­tion œil/oreille qu’il implique), abor­der BÉRÉNICE par le corps (et pas n’importe quel corps, mais un corps tra­vail­lé, écrit, par Bernar­do Mon­tet et ses inter­prètes), etc. C’est un peu dif­férent pour l’opéra, où il s’agit plus de com­man­des, mais cela peut y ressem­bler : pour FOREVER VALLEY, en retra­vail­lant entière­ment le livret avec Marie Redonnet, cela a été, le désir de ren­con­tr­er l’auteur et de faire une adap­ta­tion à notre main, à Gérard Pes­son et à moi, en inclu­ant cet autre que je ne con­nais­sais pas, pour éclair­er une œuvre qui n’existait donc pas encore. À l’exception d’AGRIPPINA, j’ai d’ailleurs tou­jours mis en scène des opéras qui n’existaient pas, puisqu’ils n’étaient pas encore com­posés au moment où j’ai accep­té. Et quand j’ai accep­té de faire SHADOWTIME, c’était aus­si parce que j’avais envie d’aborder Ben­jamin, auquel je ne com­pre­nais rien, à tra­vers le regard de Bern­stein (le libret­tiste) et de Fer­ney­rough. C’était aller vers quelque chose que je ne com­pre­nais pas, via des com­pères que je ne con­nais­sais pas plus mais qui me don­naient un point de vue pour y entr­er.

C. T. : Tu dis qu’il y a eu des rup­tures, que ton par­cours est fait de péri­odes qui se suc­cè­dent et, en même temps, qu’il y a tou­jours eu une con­ti­nu­ité…

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Christophe Triau
Essayiste, dramaturge et est professeur en études théâtrales à l’Université Paris Nanterre, où il dirige...Plus d'info
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