1980 – 1990 Mettre en scène aujourd’hui

Edito

1980 – 1990 Mettre en scène aujourd’hui

Le 30 Juin 1991
Article publié pour le numéro
Mettre en scène aujourd'hui-Couverture du Numéro 38 d'Alternatives ThéâtralesMettre en scène aujourd'hui-Couverture du Numéro 38 d'Alternatives Théâtrales
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Ils se nom­ment eux-mêmes « régis­seurs », « coor­di­na­teurs », « ensem­ble­liers prévoy­ants », « passeurs », « directeurs de voix », nous les appelons meneurs en scène.
Ils tra­vail­lent depuis dix ans, sou­vent plus, les pre­miers spec­ta­cles coïn­ci­dent rarement avec la révéla­tion de l’artiste au pub­lic.
Con­cevoir un ouvrage dont l’in­ti­t­ulé est « met­tre en scène aujour­d’hui », ce n’est pas for­cé­ment oubli­er l’ac­teur, l’au­teur, le déco­ra­teur, le pub­lic… mais con­sid­ér­er tous ces élé­ments du spec­ta­cle à tra­vers ces guides, sans les hiérar­chis­er.
Nous nous sommes intéressés à des lan­gages per­son­nels, élaborés en équipe, des lan­gages à la fois suff­isam­ment aboutis et en même temps en devenir.
Nous avons fait le pari de don­ner la parole à neuf met­teurs en scène qui se sont révélés dans les années 80 : Robert Can­car­el­la, Eric Da Sil­va, Jacques Del­cu­vel­lerie, Joël Jouan­neau, Chan­tal Morel, Isabelle Pousseur, François Ran­cil­lac, Chris­t­ian Schiareni, François Tan­guy.
À cha­cun nous avons pro­posé de par­ler de leurs œuvres à tra­vers ce qu’ils pou­vaient en dire eux-mêmes, quitte à laiss­er de côté le dis­cours cri­tique qui, selon nous, s’est trop peu exprimé à l’é­gard des meneurs en scène nés artis­tique­ment dans les années 80.
Nous leur avons pro­posé de pren­dre la parole d’une façon ou d’une autre en faisant de ce numéro une tri­bune libre, en évi­tant de con­stru­ire à tout prix un tableau cohérent, un objet cal­i­bré, en refu­sant d’in­ven­ter arti­fi­cielle­ment une généra­tion par les mots.
De ces choix résul­tent des textes divers, de la parole engagée à la pro­fes­sion de foi, cha­cun s’est exprimé à sa façon. Ces meneurs en scène ont par­fois même pro­posé d’autres formes d’ex­pres­sion liées à leur pra­tique : les dessins (François Tan­guy), les car­nets de répéti­tion (Robert Can­car­el­la), le texte poé­tique (Eric Da Sil­va), priv­ilé­giant ain­si une approche sen­si­ble et intime de leur art. Cer­tains ont répon­du, par écrit, à un ques­tion­naire que nous avons établi.
Face à ces textes, il sem­ble que le choix de la forme, légère ou soutenue, sym­bol­iste ou con­crète, soit aus­si élo­quent que le con­tenu ; il traduit sans psy­cholo­gie facile un aspect du théâtre de cha­cun. C’est l’ac­cep­ta­tion de cette anar­chie linéaire qui per­me­t­tra au lecteur de per­dre son chemin pour mieux le retrou­ver.
Les textes d’un proche col­lab­o­ra­teur sont venus enrichir ces inter­ven­tions ; ils nous par­lent d’un tra­vail, d’un instant de répéti­tion ; ils por­tent un regard de l’in­térieur et de l’ex­térieur.
Dans ces textes, cer­tains n’ont pas hésité à laiss­er mon­ter leur charge affec­tive sans pour autant som­br­er dans la com­plai­sance facile ou la célébra­tion du meneur en scène. Ain­si les obser­va­tions d’un comé­di­en (Mau­rice Deschamps ou Olivi­er Py), celles d’un dra­maturge (Dieter Welke) ou d’un auteur (Philippe Minyana), nous ont par­fois per­mis de regarder par le trou de ser­rure d’une répéti­tion.
À ces inter­ven­tions se sont ajoutés les regards et les réflex­ions de spec­ta­teurs atten­tifs, libres de par­ler d’autres spec­ta­cles, d’autres quêtes artis­tiques, libres d’ébauch­er le por­trait d’une décen­nie.
Pour mieux com­pren­dre le théâtre issu des années 80, il nous a sem­blé néces­saire de ren­con­tr­er des pro­gram­ma­teurs, sou­vent très proches des artistes, de ten­ter d’i­den­ti­fi­er dans leur dis­cours l’en­vie et la con­fi­ance qui les ani­ment, com­pren­dre ce qui les con­duit à pro­gram­mer un spec­ta­cle et à s’in­ve­stir dans un pro­jet artis­tique.
En don­nant la parole à des prati­ciens du spec­ta­cle, nous avons ten­té d’éviter de rap­procher à out­rance des par­cours artis­tiques qui nous sem­blent juste­ment dif­férents.
Plusieurs fois, nous nous sommes demandé com­ment par­ler d’artistes sans nier tous les autres, mais aus­si com­ment priv­ilégi­er un par­cours artis­tique sans le momi­fi­er, sans arrêter ses mou­ve­ments per­pétuels, ses hési­ta­tions et ses grandes idées.
Ces met­teurs en scène n’ont pas mis de point final à leur recherche, n’oc­cul­tant aucune direc­tion mais trai­tant l’im­périeuse néces­sité de leur quête avec la com­plic­ité d’amis intimes et con­fi­ants.
Nous pen­sons que dans leur hétérogénéité, ces univers artis­tiques sont, par­mi d’autres, représen­tat­ifs d’un cer­tain théâtre d’au­jour­d’hui. Ce numéro pour­ra ain­si don­ner une idée, une image, de ces dix dernières années de théâtre dont notre présent porte les traces et notre avenir les promess­es de saveur.
Déjà la mar­mite bouil­lonne de nou­velles inven­tions, des bulles font frémir son cou­ver­cle, met­tre en scène aujour­d’hui et demain.

Edito
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Serge Saada
Auteur et essayiste, Serge Saada enseigne le théâtre et la médiation culturelle à l’université Paris...Plus d'info
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