Ils se nomment eux-mêmes « régisseurs », « coordinateurs », « ensembleliers prévoyants », « passeurs », « directeurs de voix », nous les appelons meneurs en scène.
Ils travaillent depuis dix ans, souvent plus, les premiers spectacles coïncident rarement avec la révélation de l’artiste au public.
Concevoir un ouvrage dont l’intitulé est « mettre en scène aujourd’hui », ce n’est pas forcément oublier l’acteur, l’auteur, le décorateur, le public… mais considérer tous ces éléments du spectacle à travers ces guides, sans les hiérarchiser.
Nous nous sommes intéressés à des langages personnels, élaborés en équipe, des langages à la fois suffisamment aboutis et en même temps en devenir.
Nous avons fait le pari de donner la parole à neuf metteurs en scène qui se sont révélés dans les années 80 : Robert Cancarella, Eric Da Silva, Jacques Delcuvellerie, Joël Jouanneau, Chantal Morel, Isabelle Pousseur, François Rancillac, Christian Schiareni, François Tanguy.
À chacun nous avons proposé de parler de leurs œuvres à travers ce qu’ils pouvaient en dire eux-mêmes, quitte à laisser de côté le discours critique qui, selon nous, s’est trop peu exprimé à l’égard des meneurs en scène nés artistiquement dans les années 80.
Nous leur avons proposé de prendre la parole d’une façon ou d’une autre en faisant de ce numéro une tribune libre, en évitant de construire à tout prix un tableau cohérent, un objet calibré, en refusant d’inventer artificiellement une génération par les mots.
De ces choix résultent des textes divers, de la parole engagée à la profession de foi, chacun s’est exprimé à sa façon. Ces meneurs en scène ont parfois même proposé d’autres formes d’expression liées à leur pratique : les dessins (François Tanguy), les carnets de répétition (Robert Cancarella), le texte poétique (Eric Da Silva), privilégiant ainsi une approche sensible et intime de leur art. Certains ont répondu, par écrit, à un questionnaire que nous avons établi.
Face à ces textes, il semble que le choix de la forme, légère ou soutenue, symboliste ou concrète, soit aussi éloquent que le contenu ; il traduit sans psychologie facile un aspect du théâtre de chacun. C’est l’acceptation de cette anarchie linéaire qui permettra au lecteur de perdre son chemin pour mieux le retrouver.
Les textes d’un proche collaborateur sont venus enrichir ces interventions ; ils nous parlent d’un travail, d’un instant de répétition ; ils portent un regard de l’intérieur et de l’extérieur.
Dans ces textes, certains n’ont pas hésité à laisser monter leur charge affective sans pour autant sombrer dans la complaisance facile ou la célébration du meneur en scène. Ainsi les observations d’un comédien (Maurice Deschamps ou Olivier Py), celles d’un dramaturge (Dieter Welke) ou d’un auteur (Philippe Minyana), nous ont parfois permis de regarder par le trou de serrure d’une répétition.
À ces interventions se sont ajoutés les regards et les réflexions de spectateurs attentifs, libres de parler d’autres spectacles, d’autres quêtes artistiques, libres d’ébaucher le portrait d’une décennie.
Pour mieux comprendre le théâtre issu des années 80, il nous a semblé nécessaire de rencontrer des programmateurs, souvent très proches des artistes, de tenter d’identifier dans leur discours l’envie et la confiance qui les animent, comprendre ce qui les conduit à programmer un spectacle et à s’investir dans un projet artistique.
En donnant la parole à des praticiens du spectacle, nous avons tenté d’éviter de rapprocher à outrance des parcours artistiques qui nous semblent justement différents.
Plusieurs fois, nous nous sommes demandé comment parler d’artistes sans nier tous les autres, mais aussi comment privilégier un parcours artistique sans le momifier, sans arrêter ses mouvements perpétuels, ses hésitations et ses grandes idées.
Ces metteurs en scène n’ont pas mis de point final à leur recherche, n’occultant aucune direction mais traitant l’impérieuse nécessité de leur quête avec la complicité d’amis intimes et confiants.
Nous pensons que dans leur hétérogénéité, ces univers artistiques sont, parmi d’autres, représentatifs d’un certain théâtre d’aujourd’hui. Ce numéro pourra ainsi donner une idée, une image, de ces dix dernières années de théâtre dont notre présent porte les traces et notre avenir les promesses de saveur.
Déjà la marmite bouillonne de nouvelles inventions, des bulles font frémir son couvercle, mettre en scène aujourd’hui et demain.
1980 – 1990 Mettre en scène aujourd’hui
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