CHANTAL Morel ou « l’urgence »
J’ai lu ça quelque part. Mais qu’est-ce qu’on ne va pas raconter ! Chantal Morel, c’est la patience, c’est l’attente, c’est l’écoute. Cela est vrai. Je l’ai expérimenté. Quand je repense à nos trois cheminements communs, deux faits me reviennent en mémoire. En travaillant avec Monsieur Levert, j’insistais sur un passage qui, à mes yeux de rationaliste invétéré, me paraissait plus fondamental que tel autre. « Qu’est-ce que ça veut dire, fondamental ? » me répond-elle. Ah ! Ben mince ! Alors, il n’y a plus de hiérarchie dans les comportements ? Eh bien non ! Fallait s’y faire. Je m’y suis fait. Tellement bien que je ne me souviens même plus du passage en question.
Deuxième souvenir : je l’entendis, un jour, pester (doux euphémisme) contre cet enfoiré qui proclamait que : « ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement ». Et pourquoi ? Et en vertu de quoi ? Pour elle, en effet, on devrait dire : « ce qui se conçoit bien ne s’énonce pas forcément ». Et une situation, une image, un silence, au théâtre, sont souvent plus éloquents qu’un discours. Et voilà pourquoi votre fille est muette ! Chantal Morel, elle fait exister l’indicible, l’irrationnel, le transcendant, l’impalpable, appelez-le comme vous voudrez, qui est en chaque comédien, et en route écriture. Allez, tiens ! Allons‑y carrément : « Chantal Morel, c’est la sage-femme de l’innommable » !