LAURENT BERGER
Comment définirais-tu ce qui anime aujourd’ hui ton rapport à la scène ?
FEDERICO LEÓN Las ideas (2015) présentait l’idée de mettre en scène l’état de la création, ce qui est peut-être l’aspect le plus littéral du spectacle puisque deux personnages essaient de créer ensemble un spectacle de théâtre ou tout simplement une œuvre. On discute beaucoup de ce que va être le format définitif de l’œuvre. Mais la pièce parle aussi de tous les états par lesquels on passe pendant ce processus. Je souhaitais montrer ce moment antérieur à l’achèvement de la création, quand le projet pourrait devenir n’importe quoi. C’est une pièce qui se demande comment on fait une pièce en même temps qu’elle est en train de se jouer. C’est le même mécanisme qui se répète tout le temps : « Comment ça serait de fumer un joint pour de vrai ? » alors qu’on est en train de le faire. Le spectacle pose des questions au spectateur en même temps qu’il y répond, mais la réponse n’est pas univoque.
LB Tu veux dire que la partie de la création qui t’intéresse le plus est en fait l’essai, la répétition ?
FL Diego Vainer, le musicien, dit que le moment des répétitions est aussi là pour voir comment les choses ratent. C’est comme quand on est malade : on comprend mieux comment fonctionne le corps. Ou quand on casse son téléphone : on le démonte, on regarde à l’intérieur. Même si la pièce continue de produire des ratés lors des représentations, ce sont toujours des problèmes nouveaux qui deviennent des propositions nouvelles. Las ideas s’intéresse à cette idée que tous les problèmes que l’on rencontre sont en réalité des propositions. C’est un peu comme avoir une première idée, mais ensuite le plan B ou le plan C se révèlent plus intéressants encore. Chacun a une idée de comment il voudrait que les choses fonctionnent. Mais le réel finit toujours par être beaucoup plus intéressant que ce qu’on imaginait au départ. Cette tension m’intéresse vraiment.
LB
Tes projets posent donc le principe d’un questionnement permanent, d’une incertitude comme principe directeur ?
À lire aussi : « Faire du théâtre aujourd’ hui à Buenos Aires, entretien avec Federico León et Mariano Pensotti réalisé par Benoît Hennaut » paru dans le n°126 – 127 d’Alternatives théâtrales.