Constanza
La Mort
La Musique
Ton insistance me surprend. Bon, je ne sais pas si elle me surprend vraiment, mais… Je ne sais pas. J’avais la tête à autre chose. C’est ce qui est bien avec le dimanche. Il n’y a pas tant de mouvement. On planifie et on fait. Sans tout ce désordre comme pendant la semaine. Sans interruption. Je n’aime pas les interruptions. Ceux qui vivent seuls n’aiment pas les interruptions. Mais j’étais aussi en train de lire, ne t’inquiète pas. Je ne disais pas ça pour toi. Non. Toi tu ne m’interromps pas. J’ai fait du thé. Je suis en train de le faire. Il y a des biscuits. Ce que j’aime avec le thé c’est l’attente. Cette suspension du sachet dans l’eau. Tout ce goût et cette couleur qui se répandent. Comme s’ils se laissaient aller. Ce qui avant frémissait, bouillait dans un emportement embarrassant : maintenant ça tiédit. Ça tiédit… et ça s’offre entièrement. L’attente inévitable, non ? Tu le prenais avec du sucre ? Je ne sais plus si tu le prenais avec du sucre… Moi je l’aime sucré. On dit que le sucre nivelle la mélancolie. C’est chimique. Donc pour le dimanche c’est idéal : thé, sucre, quelques biscuits. Moi aussi j’étais en train de lire. Juste là. Dans le fauteuil. Pour passer l’après-midi. La fin réclame de la poésie, donc la fin de la journée je l’attends entre des rimes. Je m’assieds dans le fauteuil, je lis… Je ne sais pas. Je bois du thé. Je m’imprègne des vers. C’est mon moment. Par moment j’ai la sensation que les grands poètes parlent de moi. Ha. Quoi ? Qu’est-ce qui arrive ? Quoi ? Je le lis ? Que je le lise. Ah, oui. Je le lis. Oui, oui. Je le lis, je le lis.
Mourir est un art, comme tout. Moi je le fais exceptionnellement bien. Tellement bien que c’est de la folie. Tellement bien que ça semble réel. On dirait, je suppose, que j’ai un don.
Je ne sais plus si tu le prenais avec du sucre. Et elle, ça serait qui ?
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